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La percée européenne, après compromis

Publié le 22/02/2012

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9-10 décembre 1991 -   Les chefs d'Etat et de gouvernement des Douze réunis à Maastricht ( Pays-Bas) les 9 et 10 décembre sont parvenus à conclure un nouveau traité qui couvre tant l'union économique et monétaire ( UEM) que l'union politique. L'opération, lancée il y a un an lorsqu'ont été engagées à Rome les deux conférences intergouvernementales ( l'une sur l'UEM, l'autre sur l'union politique) s'est donc achevée de façon satisfaisante, même si les solutions retenues sont souvent loin de correspondre aux espoirs de ses promoteurs. C'est qu'en effet il a fallu composer tout au long de cette année, et encore lundi et mardi à Maastricht, avec les réticences qu'a éprouvées d'entrée de jeu le Royaume-Uni à l'égard de ce formidable programme de relance de la construction européenne. A la veille de Maastricht, les Français, faisant ainsi la part du feu face aux rigidités britanniques, proclamaient un objectif des plus raisonnables : la priorité devenait pour eux d'aboutir à un accord pour préserver les acquis d'une longue négociation et éviter par là même une rupture inopportune alors que les sentiments des Anglais vis-à-vis de la Communauté semblaient en pleine évolution.    Un tel éclat, s'il était survenu, aurait en outre soulevé le problème d'une réorientation radicale de leur propre politique européenne.    C'est en fonction de cet objectif-décevant parce que limité par rapport aux ambitions affichées en 1990 en pleine phase d'euphorie conjoncturelle et communautaire-qu'il faut juger les résultats de mardi soir. L'équipe française s'est montrée plutôt satisfaite : elle a sauvé du désastre le programme d'union économique et monétaire, qui aurait été compromis en cas d'échec du conseil européen  en outre, grâce à ses initiatives, les Douze vont amorcer à petits pas une politique étrangère et de sécurité commune ( PESC) et jeter les bases d'une politique de défense collective.    Ces résultats justifient aux yeux des Français les concessions qu'il a fallu consentir pour amadouer John Major, lequel, à l'origine, était peu enclin à la bienveillance à l'égard de ce programme de relance.    C'est indéniablement la mise en route solennelle du programme d'UEM qui représente la percée la plus considérable survenue à Maastricht.    En 1999 au plus tard, la Communauté sera dotée d'une monnaie unique et d'une Banque centrale européenne mettant en oeuvre une politique monétaire commune ! Une attraction pour les investisseurs    Le système monétaire européen ( SME), construction efficace mais néanmoins fragile, fruit lui aussi ( en 1988) d'une initiative franco-allemande, se trouve ainsi consolidé. Le marché unique, base assainie pour le redéploiement des entreprises françaises, a la garantie de demeurer une zone de stabilité de change, ce qui ne manquera pas d'exercer une attraction accrue sur les investisseurs venus d'Amérique ou bien du Pacifique.    Un haut fonctionnaire italien estimait mardi que la conclusion de l'accord allait provoquer une accélération des émissions en écus, mais aussi des efforts de convergence pratiqués par les pouvoirs publics.    Opérateurs financiers et administrations s'apprêteraient ainsi à anticiper un nouvel âge d'or frappé à l'image de l'écu. Bref, un formidable remue-ménage roboratif s'annoncerait, de la même nature que celui provoqué en 1985-1986 par l'annonce du marché unique... Seule la Grande-Bretagne...    L'Assainissement obtenu grâce à ces politiques de convergence, la gestion sage imposée aux uns et aux autres par la perspective de l'UEM combinée à l'énorme liquidité d'un marché désormais plus ouvert, devraient se traduire-autre bienfait-par une diminution de la pression sur les taux d'intérêt, expliquait de son côté un haut fonctionnaire français.    Comme Jacques Delors le souhaitait, comme l'entendait aussi la grande majorité des Etats membres, afin de donner un caractère le plus irréversible possible à l'engagement pris en faveur de la monnaie unique, il n'y aura pas de clause d'exemption généralisée. Seule la Grande-Bretagne, après avoir ratifié le traité, sera autorisée à faire confirmer, le moment venu, par son Parlement, le passage à la monnaie unique.    Le président de la Commission ne considère pas avec la même sympathie que pour l'UEM les premiers pas de la politique étrangère commune. Les Anglais, favorables à une coopération intergouvernementale renforcée, mais en revanche hostiles à tout transfert de souveraineté dans ce domaine sensible, étaient opposés à ce que des décisions, même d'application, puissent être prises à la majorité qualifiée. Ils ont très largement obtenu satisfaction.    Le traité réserve aux décisions à la majorité qualifiée un champ pour l'instant fort modeste et risque d'engendrer des débats qui porteront sur la procédure plutôt que sur le sujet à traiter.    Les Français, pour leur part, semblent espérer que l'appétit viendra en mangeant, qu'une Communauté de plus en plus sollicitée dans une Europe en plein bouleversement sera entraînée à mettre en oeuvre, avec davantage d'audace, ces " actions communes " que prévoit le nouveau traité. La frilosité britannique s'évanouirait donc à l'épreuve des faits. De la même façon, leur lecture des textes approuvés sur la défense les conduit à penser que l'Union de l'Europe occidentale ( UEO), bras armé de la Communauté, sera de plus en plus placée sous l'influence de cette dernière et de ses institutions.    Le parti pris de réalisme dont ont fait preuve l'Allemagne et la France, s'il a trouvé de multiples points d'application tout au long du conseil européen, s'est manifesté de façon particulièrement spectaculaire à propos de la politique sociale. Certes, John Major avait annoncé la couleur. Le Royaume-Uni, qui s'est libéré grâce à Margaret Thatcher de la férule des syndicats-que ne l'a-t-on entendu !-, répugne à l'idée de souscrire à des directives européennes rédigées à Bruxelles et dont le principal effet, disent les Anglais, serait de provoquer une augmentation des charges de leurs entreprises.    Les efforts presque pathétiques entrepris par la présidence néerlandaise pour réduire la portée du texte soumis aux Douze et, par là même, le danger qu'il pouvait représenter vu de Londres, ne furent d'aucun effet. Un " socle social minimum "    Ce " socle social minimum " qui effraie Londres, les autres Etats membres s'en doteront à onze. Ils mettront en oeuvre ensemble, sans les Anglais, mais en appliquant les règles communautaires, y compris parfois celle de la majorité qualifiée, le programme décrit dans le projet de traité présenté par la présidence néerlandaise.    La charte européenne des droits sociaux fondamentaux avait déjà été approuvée à onze sans le Royaume-Uni. C'est encore à onze qu'elle va trouver désormais un début d'application. On verra cependant comment le Parlement européen et éventuellement la Cour de justice de Luxembourg réagiront devant une semblable aberration. PHILIPPE LEMAITRE Le Monde du 12 décembre 1991

« Le traité réserve aux décisions à la majorité qualifiée un champ pour l'instant fort modeste et risque d'engendrer des débats quiporteront sur la procédure plutôt que sur le sujet à traiter. Les Français, pour leur part, semblent espérer que l'appétit viendra en mangeant, qu'une Communauté de plus en plus sollicitéedans une Europe en plein bouleversement sera entraînée à mettre en oeuvre, avec davantage d'audace, ces " actions communes "que prévoit le nouveau traité.

La frilosité britannique s'évanouirait donc à l'épreuve des faits.

De la même façon, leur lecture destextes approuvés sur la défense les conduit à penser que l'Union de l'Europe occidentale ( UEO), bras armé de la Communauté,sera de plus en plus placée sous l'influence de cette dernière et de ses institutions. Le parti pris de réalisme dont ont fait preuve l'Allemagne et la France, s'il a trouvé de multiples points d'application tout au longdu conseil européen, s'est manifesté de façon particulièrement spectaculaire à propos de la politique sociale.

Certes, John Majoravait annoncé la couleur.

Le Royaume-Uni, qui s'est libéré grâce à Margaret Thatcher de la férule des syndicats-que ne l'a-t-onentendu !-, répugne à l'idée de souscrire à des directives européennes rédigées à Bruxelles et dont le principal effet, disent lesAnglais, serait de provoquer une augmentation des charges de leurs entreprises. Les efforts presque pathétiques entrepris par la présidence néerlandaise pour réduire la portée du texte soumis aux Douze et,par là même, le danger qu'il pouvait représenter vu de Londres, ne furent d'aucun effet. Un " socle social minimum " Ce " socle social minimum " qui effraie Londres, les autres Etats membres s'en doteront à onze.

Ils mettront en oeuvreensemble, sans les Anglais, mais en appliquant les règles communautaires, y compris parfois celle de la majorité qualifiée, leprogramme décrit dans le projet de traité présenté par la présidence néerlandaise. La charte européenne des droits sociaux fondamentaux avait déjà été approuvée à onze sans le Royaume-Uni.

C'est encore àonze qu'elle va trouver désormais un début d'application.

On verra cependant comment le Parlement européen et éventuellementla Cour de justice de Luxembourg réagiront devant une semblable aberration. PHILIPPE LEMAITRE Le Monde du 12 décembre 1991. »

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