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La Place De La Mer Dans L'Odyssée

Publié le 24/09/2010

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Introduction

 

      L’Odyssée, poème épique vieux de plus de deux mille ans, nous ouvre les portes d’un monde entre le réel et l’imaginaire. Les lieux et les peuples différent beaucoup… En marge du monde civilisé des mangeurs de pain se trouve, au-delà du Cap Malée, un monde sauvage dans lequel Ulysse pénètre à son retour de Troie.

 

      Mais comment peut-on qualifier une personne de personne civilisée ? Selon l’une des deux définitions, est civilisé celui qui connait les bons usages, qui est courtois. Selon la deuxième définition, tout aussi importante, celui ou celle qui a atteint un certain degré d’évolution intellectuelle ou industrielle est civilisé.

 

      Alors l’Odyssée, civilisée ou non civilisée ?

 

      Nous essaierons pour répondre à cette question de séparer les éléments civilisés des non civilisés dans le texte, afin de voir s’il existe réellement une « frontière « entre ces deux aspects du texte.

 

      Dans une première partie, nous étudierons les aspects civilisés de l’Odyssée pour nous concentrer, dans une deuxième partie, sur les personnes non civilisées de l’Odyssée.

 

I. La civilisation dans l’Odyssée.

 

   Lorsque Ulysse arrive dans une nouvelle contrée, il se pose la question de savoir s'il va tomber sur des brutes, des barbares ou sur des hommes qui vont l'accueillir avec une grande hospitalité. Cette question met en jeu la survie d'Ulysse. L'hospitalité est définit comme le fait d'accueillir ceux qui ont besoin d'aide et de leur offrir ce qui leur manque; des vêtements, de la nourriture, un abri pour quelques jours. Les hôtes doivent se montrer accueillant et faire plaisir à ceux qu'ils reçoivent; Alcinoos fait cesser le chant de Demodocos car Ulysse, son invité se met à pleurer.

Lorsqu'un homme pratique l'hospitalité, il honore Zeus comme le dit Ulysse :

" l'hospitalier, l'ami des hôtes respectables" mais elle s'accompagne aussi de sacrifices car celui qu'on reçoit doit être traité comme un dieu, de crainte qu'il en soit un.

Alcinoos offre une coupe d'or à Ulysse pour qu'il pense toujours à lui, ce qui rappelle à Ulysse qu'il est redevable à Alcinoos, c'est une symbolique du cadeau. En échange, des multiples présents des Phéaciens, Ulysse raconte ses aventures, il offre ses récits.

 

      Le degré de civilisation se mesure à la manière d'accueillir l'étranger. L'hospitalité a donc des règles et l'hôte doit accomplir diverses actions : bain, repas, libations, fêtes et jeux sportifs. En échange l'homme accueillit doit aussi avoir une certaine conduite : "on ne défie pas ceux qui vous accueille", comme le dit Ulysse, on doit donner notre identité, prier pour l'hôte et lui souhaiter bonheur et prospérité.

Ainsi les différents rituels se répètent plusieurs fois dans l'Odyssée; la scène du bain est répété trois fois (deux fois chez les Phéaciens et une fois chez Circé), les scènes de repas sont répétées aux chants VII, VIII et XIII, et deux fois Ulysse reçoit des présents "hospitaliers".

Lorsqu'un hôte manque à son devoir on ne manque de le lui rappeler. Alcinoos donne une leçon à sa fille, Nausicaa pour ne pas avoir accompagné Ulysse au palais.

Lorsque le roi Alcinoos ne sait comment accueillir Ulysse, le Phéacien le plus âgé lui dicte sa conduite. Quand à Ulysse il rappelle les lois de l'hospitalité au cyclope Polyphème.

 

      Le modèle d'hospitalité de l'Odyssée sont les Phéaciens, Alcinoos donne le fauteuil de son fils préféré pour asseoir Ulysse et lui propose la main de sa fille Nausicaa. Cet accueil reste néanmoins une proposition "à condition que tu le veuilles", ajoute Alcinoos.

Eole accueille Ulysse une première fois, avec toute l'hospitalité qu'il mérite et lui fait don d'une outre contenant les vents. Mais lorsque Ulysse revient le voir pour la seconde fois, Eole refuse d'offrir l'hospitalité à "un homme que poursuit la haine des dieux bienheureux". Eole se méfie des dieux et il a raison puisque les Phéaciens seront punis d'avoir aidé Ulysse.

 

      L'hospitalité n'est donc pas seulement une marque de politesse car elle créée des liens entre l'hôte et l'étranger.

 

      Ulysse et ses compagnons se définissent comme des "mangeurs de pain", et recherchent des êtres semblables, car pour établir des liens avec d'autres personnages il faut au moins pouvoir partager un repas. Alors, la culture de la terre fait partie de la civilisation, puisque c'est la terre qui produit la nourriture qui différenciera les "mangeurs de pain" et les autres. Ulysse apporte un intérêt particulier à la terre, et il déplore que les habitants de l'île des cyclopes n'exploitent pas ses atouts. Et le verger des Phéaciens, peuple très moderne, donne des fruits en toute saison.

 

      La civilisation c'est également les rapports entre les membres d'un même peuple. Les Phéaciens se réunissent pour des repas et des fêtes (contrairement aux cyclopes qui vivent à l'écart les uns des autres). Et enfin la civilisation est exprimé à travers les alliances; Alcinoos propose la main de sa fille à Ulysse ( alors que Eole marie ses filles avec ses fils).

 

      Un peuple civilisé maîtrise les techniques. Une fois de plus les Phéaciens sont doués pour ce domaine, ils fabriquent des navires parfaits. Et ils sont aussi doués pour la danse et le chant qui sont des signes de civilisation. Quand à Circé, Calypso et Pénélope, elle maîtrisent toutes l'art du tissage.

 

      Les Phéaciens sont donc un modèle de culture et de civilisation, car ils sont artistes (chant, danse) et artisans (ils offrent à Ulysse un « beau châle «, un « glaive de bronze «, un « coffre poli « et de « l’or ouvragé «.

 

II. La non civilisation dans l’Odyssée

 

      Calypso est une femme intelligente et rusée ; quand elle est dans l’obligation de renvoyer Ulysse, elle ne lui dit pas « Zeus m’ordonne de te laisser t’en aller « mais « je veux bien te donner congé «. En faisant cela, elle met le héros devant un choix. De plus, elle aide Ulysse à s’en aller et semble ainsi courtoise. Pourtant, peut-on réellement dire que Calypso est civilisée ? Une personne civilisée, selon la définition, connaît les bons usages. Calypso, si elle connaît les bons usages, ne les applique pas, puisqu’elle garde Ulysse prisonnier sur son île contre son gré, alors qu’il est très malheureux.

 

      Au contraire de Calypso qui semble à première vue très civilisée,  Polyphème et ses compagnons Cyclopes n’apparaissent pas comme tel. Ces géants sauvages et cannibales qui ne craignent ni les hommes ni les dieux (ce qui pour les grecs est une absurdité, pas une preuve d’évolution intellectuelle) ne connaissent évidemment pas les bons usages. En effet, il retient Ulysse et ses compagnons et les dévorent au fur et  mesure. De plus, le géant n’est pas très malin pour se laisser berner par la ruse d’Ulysse qui dit s’appeler Personne. Enfin, le peuple des Cyclopes vit de l’élevage des moutons, ce qui ne montre aucunement un degré d’évolution industrielle.

 

      L'île d'Éole est comme une oasis où Ulysse est reçu avec hospitalité et bienveillance, mais l'endroit ressemble peu à un pays vraiment civilisé. En effet il n'y est question que de festins, jour après jour. De plus, Éole donne ses filles en mariages à ses fils, ce qui, même à l’époque d’Ulysse, semble étrange.

 

      Les Lestrygons, comme les Cyclopes, sont des hommes gigantesques et cannibales. Leur description est relativement courte mais tout semble indiquer qu’ils ne forment pas un peuple civilisé… Une très grande partie de l’équipage mené par Ulysse (tous les vaisseaux sauf le sien) périt effectivement lors d’une halte au pays des Lestrygons, mangés par ces derniers... Même le paysage de l’île rend compte du manque de civilisation, puisqu’il n’y a pas de cultures mais uniquement des fumées.

 

          Les Sirènes sont plus complexes. En effet, elles ne sont pas de simples créatures mangeuses d’hommes comme les Cyclopes et les Lestrygons. Son but est le même, certes, mais le moyen d’y parvenir est une ruse qui montre une intelligence digne des personnes civilisées. Les Sirènes, pour attirer leurs proies, chantent d’une voix douce et mélodieuse le conte de la guerre de Troie. Elles ont donc des connaissances et, en plus, sont très malignes. Hélas, ces qualités sont le moyen de manger les hommes qui les écoutent, ce qui n’est pas un acte très civilisé !

 

      Charybde et Scylla ne sont pas des êtres civilisés, il n’y a aucun doute là-dessus. Ce ne sont que des monstres terriblement laids qui dévorent ce que la mer leur apporte. Pas d’ambigüité comme pour Calypso ou les Sirènes, Charybde et Scylla ne présentent aucun signe de savoir ni de courtoisie.

 

      Circé, elle, est une femme civilisée, même si ce n’est pas cela que l’on remarque d’abord chez elle. En effet, avant qu’Ulysse ne soit aidé par hermès et qu’il dompte Circé, cette dernière change en pourceaux les compagnons d’Ulysse. Et, comme chez les Lestrygons, Ulysse n’aperçoit chez Circé que fumées, il ne semble pas y avoir d’agriculture, signe d’un manque de civilisation.

 

      Et Ulysse et ses compagnons, dans tout ça ? Peut-on dire qu’ils sont civilisés ? Oui, bien sûr, les mangeurs de pain qui reviennent de Troie sont évolués intellectuellement, industriellement et connaissent les usages. Quelques fois cependant, ils font preuve d’un manque de civilisation. Est-ce la nature de l’homme qui les y pousse ou sont-ils influencés par le milieu hostile dans lequel ils naviguent ?

      Lorsqu’Ulysse et ses compagnons arrivent chez les Cicones, ils pillent la ville d’Ismaros et la mettent à sac. Après avoir reçu comme cadeau d’Eole la besace enfermant les vents contraires au retour d’Ulysse à Ithaque, ses compagnons la volent et les vents s’en échappent. Enfin, sur l’île du soleil, les guerriers d’Ulysse, bien qu’ils sachent pertinemment qu’il est interdit de toucher aux bœufs du Soleil, en dévorent.

      Ces différentes péripéties qui causent à chaque fois de lourdes pertes pour l’équipage d’Ulysse sont dues à un certain manque de civilisation de la part des hommes.

 

      Conclusion

 

Au vu des différents peuples et personnages qui peuplent l’Odyssée, on constate qu’il n’y a pas d’un côté les civilisés et de l’autre les non-civilisés. En chaque homme (on exclut donc les monstres comme Charybde et Scylla), les deux parts sont présentes, mais une domine plus que l’autre. Même pour le héros Ulysse et ses compagnons… On peut par contre voir une véritable frontière entre les pays hospitaliers et les pays plus sauvages, et cette limite est marquée par le Cap Malée, au sud du Péloponnèse.

On peut aussi remettre en question la définition de civilisation, et admettre que ce terme peut signifier différentes choses en fonction du point de vue, des coutumes et des personnes. On pourrait dans ce cas accepter des choses qui paraissent être des preuves d’un grand manque de civilisation… Ce qui pose encore la question de ce que l’on peut accepter ou non, mais ceci est un autre débat bien loin de l’univers homérique…

 

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