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La procédure de révision de la constitution

Publié le 26/03/2011

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Droit constitutionnel

 Dans son article 28, la Constitution de 1793 énonce : « un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures ». Même si la Constitution qui énonçait ces phrases est morte, le principe reste et sera toujours d’actualité. En effet, la constitution, qui est « l’ensemble des règles, écrites ou non, qui fixent les modalités d’acquisition et d’exercice du pouvoir politique », ne doit pas rester figer à l’époque où elle a été conçu mais doit pouvoir évoluer en fonction de l’évolution de la société, des pratiques institutionnelles qui découlent d’elle-même, du cadre international dans lequel elle évolue. Un bel exemple est la « Constitution tacite » de la Grande-Bretagne qui s’est adaptée au fur et à mesure de l’évolution historique du pays, confisquant les pouvoirs du roi pour les confier au Parlement et plus précisément à la Chambredes Communes. En France, la Constitution de 1958 est une Constitution rigide rationnalisée destinée à assurer la stabilité du régime tout en lui permettant d’évoluer avec son temps. Il a été prévu dans un titre XVI, nommé « de la révision » un unique article 89 prévoyant la procédure officielle de révision et les différentes possibilités d’exercice du pouvoir constituant dérivé. Mais la pratique constitutionnelle, notamment celle du Général De Gaulle, a montré une autre possibilité de réviser la Constitution sur la base de l’article 11 provenant de la même Constitution que Mitterrand qualifiera de « coup d’Etat permanent ».

 On peut se demander alors si, à côté de la voie normale de révision (I), on peut admettre l’existence d’une voie « jurisprudentielle » douteuse (II)?

 

I) La procédure prévue de révision de la Constitution

 

 Les constituants de 1958 ont prévu une procédure difficile (A) mais encadrée (B).

 

A) Une procédure voulue difficile

 

 C’est une procédure difficile mais qui se veut égalitaire sur certaines phases. L’initiative appartient conjointement à l’exécutif et au législatif. En effet, chaque membre des deux chambres (Assemblée Nationale et Sénat) peut proposer une révision de la Constitution. Quand à l’exécutif, le Président est à l’origine de la révision même si théoriquement parlant, il doit attendre une proposition du Premier Ministre. L’alinéa 1 de l’article 89 a voulu introduire un minimum d’égalité entre l’exécutif et le législatif pour rassurer le législatif car celui-ci perdait une grande partie de ses prérogatives du fait de la Constitution de 1958. Cependant, la maîtrise de l’ordre du jour par le gouvernement a empêché l’examen des propositions de loi constitutionnelles venant du Parlement. De fait, toutes les révisions constitutionnelles qu’a connues la Constitution sont issues de projet de loi constitutionnelle.

 Concernant l’adoption, l’alinéa 2 précise que les projets ou propositions sont examinés par les deux chambres du Parlement séparément et doivent être adoptés dans les mêmes termes par les deux chambres à la majorité absolue. Il y a donc un bicamérisme parfait entre les deux chambres. Le gouvernement ne peut disposer du droit de donner le dernier mot à l’Assemblée Nationale. Si, par exemple, le Sénat n’est pas d’accord avec l’Assemblée Nationale sur le texte, la procédure est terminée.

 L’alinéa 3 de l’article 89 est relatif à la phase d’approbation. Le principe veut que le peuple se prononce sur le texte par la voie du référendum. Cependant, il y a une différence s’il s’agit d’une proposition ou d’un projet de loi constitutionnelle. Les propositions de lois constitutionnelles sont toujours votées par le peuple. En cas de projet de loi, le Président de la République peut choisir entre la voie référendaire et la voie du Congrès, qui est à l’origine une voie purement exceptionnelle. Si le Président décide de faire voter le projet de loi par le Congrès, les deux Assemblées sont réunies à Versailles et doivent voter le texte à la majorité des 3/5ème pour que celui-ci soit approuvé.

 Cependant, même si la voie du Congrès se veut exceptionnelle, la pratique a voulu que toutes les révisions constitutionnelles sauf une soient ratifiées par le Congrès. La seule exception est celle de la révision de 2000 instaurant le quinquennat. Le choix de passer par le Congrès est compréhensible, vu que la voie référendaire est très dangereuse.

 

B) Une procédure en théorie encadrée

 

 Le pouvoir constituant dérivé est limité dans la Constitution de 1958. En effet, les deux derniers alinéas de l’article 89 consacrent ces limites. L’alinéa 4 introduit des limites temporelles. « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire. » Cet alinéa vise à éviter un nouveau régime de Vichy.

 De plus, l’article 7 alinéa 11 ajoute qu’aucune révision ne peut avoir lieu en cas de vacance du pouvoir ou en cas d’empêchement définitif lors du laps de temps entre la déclaration de l’empêchement définitif et l’élection d’un nouveau Président. Cet alinéa doit empêcher le Président du Sénat de prendre définitivement le pouvoir en révisant la Constitution à son avantage. D’ailleurs, il ne peut que s’occuper des affaires courantes.

 L’application de l’article 16, selon la décision n°92-312 DC du Conseil Constitutionnel datant du 2 septembre 1992, empêche aussi la possibilité de disposer du pouvoir constituant dérivé. Il est toujours utile d’éviter qu’un Président de la République, aux pouvoirs considérables et assoiffé de pouvoirs, puisse réviser la Constitution à son avantage. L’application de l’article 16 doit justement permettre au Président de rétablir l’ordre et de permettre aux institutions de fonctionner dans un cadre normal. Il est aussi facile de comprendre cette limite quand aux conditions de l’article 16. Il faut une atteinte à l’intégrité du territoire. Cette notion est très vague et est sujette à caution. Un Président français ne va pas avoir les pleins-pouvoirs simplement parce qu’un avion de tourisme anglais a violé le périmètre aérien français.

 L’alinéa 5 de l’article 89 introduit une autre limite et précise que « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision. » Cette disposition a aussi pour but d’éviter un nouveau Vichy mais l’histoire constitutionnelle nous invite à nous interroger sur l’efficacité d’une telle mesure. Ce principe avait déjà été affirmé en 1884 mais il n’a pas empêché la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 donnant les pleins-pouvoirs au Maréchal Pétain. De même, ce principe a aussi été repris par la Constitution de 1946 mais ça n’a pas empêché le parlementarisme absolu caractérisant la IVème République.

 A côté de cette procédure normale de révision de la Constitution, qui se veut difficile, s’est développé une pratique qui a instauré l’article 11 comme mode de révision de la Constitution.

 

II) La « coutume constitutionnelle » de l’article 11

 

 Pour passer outre l’article 89 et accélérer le processus, De Gaulle a fait une utilisation détournée de l’article 11 (A) qui est très critiquée (B).

    

A)    Le détournement de l’article 11

 

 Comme la Constitution de 1958 est une Constitution rigide, sa révision se doit d’être difficile et cette difficulté n’a pas été du goût du Général De Gaulle qui, sur certains projets, est passé outre ces difficultés et a choisi la solution de facilité. En effet, l’article 89 impose que les projets et propositions de révision passent nécessairement par le Parlement. Or, sur les projets portant la modification de l’élection du Président de la République et la suppression du Sénat, il est très difficile d’imaginer le Parlement donnant son accord et signant ainsi l’arrêt de mort du Sénat. On peut au moins reconnaître cette qualité au Parlement : il fait preuve d’une efficacité redoutable quand il s’agit d’éviter de se faire hara-kiri.

 Pour éviter le véto législatif du Parlement, le Général De Gaulle a donc décidé d’utiliser l’article 11 pour faire passer certaines révisions. L’article 11 a l’avantage de simplifier et d’accélérer la procédure en invitant le peuple à se prononcer directement sur le projet de loi par le biais du référendum tout en invitant le Parlement à débattre dans le vide. L’initiative appartient au Président de la république sur proposition du gouvernement ou des deux chambres conjointement.

 Le problème est que l’article 11 instaure un référendum législatif et non un référendum constitutionnel, ce qui pose le problème de la constitutionnalité de ce référendum. Peut-on admettre qu’un simple référendum législatif puisse modifier la Constitution (qui fait figure de saint des saints) alors même que les constituants de 1958 se sont battus pour éviter un nouveau légicentrisme ?

 Pour De Gaulle, le problème ne se posait pas puisqu’il est précisé dans l’article 11 que le référendum peut porter sur l’organisation des pouvoirs publics. Or, l’élection du Président au suffrage universel direct, la suppression du Sénat, la régionalisation sont bien relatifs à l’organisation des pouvoirs publics.

 Cette question a provoquée de nombreux débats et l’article 11 dans le but de modifier la Constitution a été vivement critiqué.

 

 B) Les critiques quant à l’utilisation de l’article 11

 

 Comme nous l’avons vu précédemment, cette utilisation de l’article pose le problème de la constitutionnalité du référendum législatif. Autrement dit, l’approbation populaire peut-elle faire disparaître l’inconstitutionnalité de l’utilisation de l’article 11 ?

 Selon la Constitution de 1791, « la Nation a le droit imprescriptible de changer sa Constitution ». On peut même y voir une interrogation sur la souveraineté nationale. Doit-on toujours passer par les représentants de la Nation pour réviser la Constitution ou doit-on priver le peuple du droit de s’exprimer directement alors qu’il détient originellement la souveraineté ?

 Pour ceux opposés à l’utilisation de l’article 11, si l’article 11 peut réviser la Constitution, il devrait se trouver normalement sous le titre XVI relatif à la révision de la Constitution et non pas sous le titre II relatif au Président de la République. Pour les Présidents Giscard d’Estaing et Mitterrand, la révision constitutionnelle ne peut se faire qu’en vertu de l’article 89. Toutes les formations politiques de l’époque se sont prononcés contre le recours à l’article 11 et ont soutenu la thèse de l’inconstitutionnalité.

 Pour De Gaulle, le peuple qui a voté la Constitution de 1958 a parfaitement le droit de réviser par lui-même cette même Constitution de 1958. De plus, le Conseil Constitutionnel s’est déclaré incompétent pour juger de la constitutionnalité de la procédure suivie par De Gaulle. Mitterrand finira par reconnaître qu’il existe deux possibilités pour réviser la Constitution.

 

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