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La représentation théâtrale est-elle indispensable à la compréhension d'un texte?

Publié le 18/12/2012

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Dissertation : Molière écrit dans la préface de L'Amour médecin : « Tout le monde sait que les comédies sont faites pour être jouées, et je ne conseille de lire celle- ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre «. Commentez et discutez cette réflexion. Vous vous demanderez si la simple lecture d'une pièce de théâtre peut permettre d'imaginer le spectacle, ou si la « représentation « est indispensable. Vous vous appuierez sur les textes du corpus et sur d'autres textes que vous avez lus ou vu jouer. Intro : La pratique scolaire : découverte du théâtre ds les livres, au mieux avec une vidéo en complément ; peu de possibilités d'aller voir des pièces au théâtre. Pourtant Molière affirme, dans la préface de L'Amour médecin : « Tout le monde sait que les comédies sont faites pour être jouées, et je ne conseille de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre. Molière admet qu'un amateur de théâtre peut se contenter de lire les pièces. Mais cette lecture n'est-elle inévitablement limitée et insuffisante comparée aux multiples ressources du spectacle théâtral ? Nous verrons tout d'abord que la simple lecture permet d'imaginer la représentation. Puis nous montrerons que la représentation est indispensable. On peut se contenter de lire le théâtre Une pièce est d'abord un texte littéraire, qu'il n'est pas interdit de découvrir et étudier sur le papier, avec tous les avantages de la lecture : une pratique solitaire, silencieuse, qui permet d'entrer ds l'univers d'un écrivain, de savourer son style, de remarquer ses techniques, d'analyser ses pensées... ex : la beauté des pièces classiques (Corneille, Racine, Molière), la plupart du temps écrites en alexandrins, l'analyse psychologique chez Marivaux, Hugo ou Musset, les intrigues compliquées de Beaumarchais, la richesse des débats d'idées chez Ionesco, Anouilh...On peut lire, relire, revenir en arrière, comparer, savourer, comprendre en plusieurs temps... L'auteur donne svt des indications scéniques qui permettent d'imaginer parfaitement les scènes : soit avec des didascalies, soit grâce au texte des répliques. Les textes de Ionesco par ex fournissent des didascalies très précises, permettant de « visualiser « le décor, les costumes, l'apparence et les déplacements des personnages. Ex : la scène d'exposition de Rhinocéros, on peut très bien imaginer la place de village, les boutiques, le carillon de l'église, les 2 personnages qui arrivent... La lecture fait appel à l'imagination. Chacun peut imaginer à sa guise le décor de L'Ile des esclaves de Marivaux : une plage, des cocotiers, la mer, quelques cases... Ce sera toujours mieux que sur la scène du théâtre ! Ds Rhinocéros, Ionesco nous fait vivre en direct la métamorphose d'un humain en rhinocéros. Notre imagination fera toujours mieux le travail que la meilleure des maquilleuses ! Certaines pièces posent d'ailleurs de grosses difficultés au metteur en scène, alors que pour le lecteur tt est simple : Au début de On ne badine pas avec l'amour de Musset, Maître Blazius et dame Pluche arrivent, l'un sur un mulet, l'autre sur un âne. Quel pb pour un lecteur ? Aucun. Pour un metteur en scène de théâtre, c'est autre chose ! La lecture permet de découvrir des pièces qui n'ont pas été écrites pour être jouées, comme « le théâtre dans un fauteuil « de Musset (Lorenzaccio, avec ses 49 personnages et sa 20aine de décors différents, n'a jamais été joué du vivant de l'auteur ; Le Soulier de Satin de Claudel ne dure pas moins de 9 heures : peu de metteurs en scènes osent se lancer ds une telle aventure !) Transition : Mais malgré les possibilités offertes par la lecture, la représentation n'est-elle pas irremplaçable ? Mais la représentation est irremplaçable Se contenter de lire le théâtre, c'est se priver d'un aspect très importante de cette forme artistique, qui a la particularité d'être un art « vivant « : la présence sur scène d'acteurs en chair et en os qui incarnent les personnages permet le phénomène de « l'illusion « bien montré par Marivaux et par tous les auteurs qui ont joué sur la technique du « théâtre ds le théâtre « : le spectateur confond vite la fiction et la réalité, et se sent davantage concerné : Dans Les Acteurs de bonne foi Blaise Lisette sont bouleversés par la scène imaginée par Merlin, ils la confondent avec la réalité, et sont jaloux. Jeu des acteurs, décors, accessoires, éclairage, costumes, fond sonore... tt contribue à créer une atmosphère particulière. La scène finale de Don Juan, par ex, où le héros est foudroyé par le ciel lorsqu'il touche la main de la statue du Commandeur, continue, depuis le XVIIe siècle, à frapper les spectateurs et ne prend tt sa force que sur scène. On comprend mieux la situation terrible ds laquelle se trouve Bérenger à la fin de Rhinocéros lorsqu'on entend les musiques militaires allemandes ou qu'on le voit seul, les mains vides, entouré de bêtes féroces, dans la mise en scène de Jean- Louis Barrault. Contrairement à la lecture, le théâtre n'est pas un plaisir solitaire : des centaines de spectateurs vibrent ensemble, rient, applaudissent, partagent les mêmes sentiments. Un courant passe entre la scène et la salle, comme le décrit bien Paul Claudel dans sa pièce L'Echange, où l'héroïne, Lechy, qui est actrice, dit : « Quand je crie, j'entends toute la salle gémir «. On rit beaucoup plus en voyant une représentation de Rhinocéros de Ionesco que lorsqu'on lit la pièce. D'ailleurs certains textes ou certaines mises en scènes font appel aux spectateurs, les interpellent. Parfois même ils leur donnent un rôle : Si Ariane Mnouchkine enthousiasme le public parisien depuis plusieurs décennies au Théâtre du soleil, c'est parce qu'elle fait participer le public en plaçant plusieurs scènes au milieu du public et en jouant dans des décors et des costumes somptueux. Ex : C'est le public, transformé en tribunal révolutionnaire, qui vote la mort de Danton et de Robespierre dans 1793. Cl : La lecture ne manque donc pas d'attraits, mais une pièce a besoin d'être représentée sur la scène pour prendre tt son sens, car le théâtre est avant tt spectacle et création collective, résultant de la collaboration étroite entre un auteur, un metteur en scène, des acteurs, des techniciens, un public. Le mieux est sans doute lorsque le spectateur a lu la pièce avant, l'a même étudiée, est familiarisé avec cette forme d'art, et assiste à une bonne représentation : quel plaisir alors de voir la pièce prendre vie sur la scène ! Des nuances apparaissent grâce aux intonations des acteurs, des significations nouvelles se dégagent, on confronte sa propre lecture avec celle qu'a faite le metteur en scène... Un moment de pur régal !

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