La séparation
Publié le 20/11/2011
Extrait du document
«
Sarfayan a demandé qu'on revienne sur les idées actuelles qui mettent en avant la sécurité de l'accouchement au lieu de son effet affectif:« Sou vent, dit-il, sous prétexte de posséder une technique
de pointe, on élimine toujours l'émotion.
Il faut que
l'accoucheur puisse admettre que sa science actuel
le n'a de sens que s'il accorde âme et sensibilité à
l'ètre qu'il met au monde et une place active aux
parents.»
Une autre rupture : la mort.
Le professeur Jac
ques Bréhant a observé que « mème chez les cou
ples exemplaires qui ont eu pendant leur vie une communication parfaite, l'approche de la mort de l'un d'eux les met en état d'incommunication.
»
De nombreux problèmes ont été abordés, comme
celui de la dissociation des couples, comme celui
aussi de la rupture véritablement charnelle qui constitue l'exil.
Dans le cas des immigrés, le cas est
vite dramatique car ceux-ci sont toujours déracinés
par rapport
à eux-mèmes, à leur passé comme a
leur present.
Prétendre les intégrer, n'est-ce pas
manifester de la mauvaise conscience non à l'égard de leur situation mais à l'égard de la nôtre.
Il faut
éliminer en eux, au nom de l'amitié, tout ce qui en fait des étrangers.
Les accepter comme différents
est trop difficile.
De là, la naissance, depuis tou
jo~rs, dans le monde, de phénomènes de rejets ; des cultures sont éliminées, ou, en tout cas, mises en marge : celle des Gitans ou des Basques, celle des Bretons, etc.
L'histoire le prouve.
La sociologie et
la psychologie modernes le comprennent.
L'histoire en question
Il n'y a que les historiens pour savoir parler de l'histoire, puisqu'ils en font métier.
Il n'y a qu'eux
aussi, comme les médecins de Molière pour savoir en discuter avec talent, en vrais philosophes.
Il vient de paraître un petit livre, qui n'a pas deux
cents pages, chez Maspéro, qui remet en cause, sur le ton actuel, la nécessité d'etudier le passé et sur
tout la façon dont il faut l'étudier.
Il est dû à Jac
ques Chesneaux, professeur à Paris VII.
Le titre : Du passé,faisons table rase ? annonce le program me et sa couleur.
Disons que c'est de l'histoire gau
chiste.
Et c'est justement ce qui fait l'intérèt de ces
quelques pages pleines d'affirmations singulières,
de jugements inutiles et de vérités éclatantes.
L'au
teur énerve, et c'est ce qu'il a voulu.
Mais, le talent
aidant, l'intelligence aussi, on pénètre avec lui, en frémissant souvent, dans le domaine sacré, ou
secret de Clio.
Les vérités premières se mèlent aux
aphorismes pour rire.
Mais l'humour étant le propre de l'auteur, il faut en prendre et en laisser.
Ce qu'on prend et ce qu'on laisse, en gardant son
humour aussi, est intéressant.
Il y a là des ques
tions essentielles.
Le
passé, dit Jacques Chesneaux, n'est,
en quelque sorte qu'une projection imaginaire dans
notre esprit.
Faut-il en faire table rase ? Apparem
ment.
Ce qui reste de l'histoire, c'est l'image qu'elle
laisse en nous, et cette image, nous la fabriquons
selon nos goûts, nos besoins, notre conception du temps fini.
Tout le monde sait qu'il y a une histoire
revue et corrigée par les Bons Pères, par l'école laï que, par Vichy· ou par le gaullisme, par Moscou
aussi bien.
Mais Jacques Chesneaux pousse son
argumentation au-delà
de cette constatation.
L'his
toire est militante, ou militantiste.
Elle n'a de signi
fication que dans la lutte des peuples qu'elle est
chargée non seulement
de transcrire, mais, en mème temps, de susciter.
Seuls, ceux qui veulent la
révolution, ou la font, peuvent avoir le sens de l'his
toire et comprendre sa signification.
Il est facile de répondre que cet historicisme engagé débouche sur
tout ce qu'on veut lui faire dire et que, à droite ou à
gauche, on n'a jamais hésité à manipuler les faits
pour
en tirer argumentation.
Et parfois, sans y voir
malice.
Alors,
le problème reste posé.
On veut bien qu'il
soit éclairant d'aborder l'histoire du xvn· siècle,
celle du règne de Louis XIV, à partir des connais
sances actuelles sur les conditions du peuple, à
cette période, dans le royaume, mais il paraît plus
difficile d'atteindre la réalité médiévale, celle de la
Rome antique, de la Grèce, de l'Europe gu premier
millénaire avant notre ère, de la vieille Egypte, ou
celle des temps néolithiques ou paléolithiques
en n'utilisant que l'arme de l'exploitation et de la
réponse révolutionnaire.
Il est très bien de vouloir
justifier la révolte des masses humaines actuelles
en fonction du passé, mais où cela mène-t-il réelle
ment?
Heureusement, Jacques
Chesneaux· pose des questions utiles, en se demandant, par exemple, de quel droit les historiens, quand ils ont acquis une
place sur le marché scientifique, se croient-ils obli gés d'annexer l'histoire, d'en faire leur bien et leur
domaine, pour la manipuler à leur guise.
Ce qu'il
dit
de l'histoire encore à écrire de la guerre d' Algé
rie, de la révolution soviétique, pose de nombreuses
questions.
Mais ce dénonciateur virulent de l'his
toire quantitative, pourtant fort utile, sinon
agréable à lire, prend
feu et flamme toutes les fois qu'il rencontre l'histoire conçue par les possédants,
par ceux, aussi bien qui veulent la posséder, pour
en déposséder le peuple, autrement dit pour le tromper sur sa propre réalité aux dépens de la réalité.
Il reste à savoir s'il n'y a pas, dans la conception de l'auteur, un risque analogue, mème si la pensée de Jacques Chesneaux refuse le danger d'une his t.oire faite « par le haut » au profit d'une histoire f~ite «par le bas ».
L'histoire, selon lui, n'est pas un discours sur le passé, c'est une forme d'action des tinée à animer, à travers la mémoire humaine l'ac-
tion présente des hommes.
'.
»
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