Devoir de Philosophie

La Tirade De Don Juan

Publié le 25/09/2010

Extrait du document

don

 

Introduction: la tirade de Don Juan intervient dans la scène 2 de la pièce éponyme Don Juan ou le festin de Pierre, présentée en 1665 pour la première fois. Il s’agit de la première apparition du héros sur scène. Sg a déjà évoqué son maître   mais la scène d’exposition se prolonge ici avec l’autoportrait que Don Juan brosse dans cette tirade, en réponse à une critique formulée par son valet Sg : « je vous trouve fort vilain d’aimer de tous côtés comme vous faites «. En effet Don Juan ne respecte pas les liens  du  mariage et la promesse de fidélité faite à  Done Elvire qu’il s’apprête à quitter après l’avoir séduite. La réponse de Don Juan, très développée,  aux reproches de Sg va permettre au spectateur d’appréhender la caractérisation morale du personnage : Don Juan fait l’éloge de l’inconstance, de l’infidélité et se présente comme un libertin, pour qui le mariage et la fidélité sont portés par les images négatives de l’entrave et de l’immobilité ; Don Juan ne conçoit le plaisir que dans le changement et explique combien, plus que la possession de la femme convoitée, c’est la conquête qui l’intéresse et le motive, conquête qu’il conçoit d’ailleurs sur le mode militaire. Don Juan est instable et le revendique haut et fort dans cette tirade, et cette instabilité est le premier signe d’un impossible satisfaction de ce libertin qui se condamne ainsi déjà lui-même.

 

L’impossibilité d’être fidèle et stable, le besoin permanent du changement caractérisent tout d’abord Don Juan

Le ton de Don Juan est véhément pour dénoncer d’abord les liens du mariage : il utilise une question rhétorique et le procédé de la répétition dans une phrase construite en trois parties sur un rythme croissant ternaire pour mieux souligner le scandale moral que représente à ses yeux l’institution du mariage, connoté de façon négative par la notion d’entrave : «  Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer (…), qu’on renonce au monde (…) et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ?

Ensuite il utilise l’ironie pour dénoncer une conception qu’il juge archaïque de l’honneur et du champ lexical de l’enfermement on passe à l’évocation de la mort : «  La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours (…) d’être mort à toutes les autres beautés… «

 

Don Juan revendique clairement une position morale de libertin lorsqu’il évoque le statut de la femme et rejette une morale fondée sur la fidélité et la stabilité : «  non, non « «; il avait utilisé l’ironie pour dénoncer les biens- pensants pour qui la fidélité est une question d’honneur, il utilise un vocabulaire plus fort encore dans une assertion au présent de vérité générale : « la constance n’est bonne que pour des ridicules «.

 

L’éloge du plaisir intervient  dans la tirade et permet d’appréhender plus clairement ce qu’un libertin de moeurs revendique ; la femme est un objet de plaisir pour l’homme et les plaisirs de l’amour sont  un droit: « toutes les belles ont droit de nous charmer «(…) «les justes prétentions qu’elles ont  toutes sur notre cœur «. Dans cette partie de la tirade Don Juan ne parle pas seulement en son nom, il utilise le pronom nous pour généraliser son propos.

 

Ensuite son discours se concentre sur lui et à nous se substitue un je qui explique le plaisir qu’il tire de la séduction et du changement : plusieurs arguments prévalent : tout d’abord il ne peut résister à la beauté : « la beauté me ravit partout où je la trouve «, « je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d’aimable « « dès qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous «, « des charmes inexplicables « Don Juan utilise ci un registre lyrique. Don Juan insiste sur son incapacité à résister à la beauté, il ne fait un argument physique, au sens où il s’agit d’une loi physique : « il n’est rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs « Don Juan se dédouane de ses responsabilités morales.

 

Son deuxième argument est d’ordre moral : l’attirance physique et le plaisir amoureux sont indépendants de la contrainte morale de la fidélité , que Don Juan refuse systématiquement ; on retrouve le refus du lien : « J’ai beau être engagé,l’amour que j’ai pour une belle n’engage point  mon âme à faire injustice aux autres « Don Juan multiplie les références à la multiplicité des femmes susceptibles d’être des objets de plaisirs : « tout ce que je vois d’aimable «, « aux autres « « si j’en avais dix mille , je les donnerais tous «. Don Juan est bien l’homme des conquêtes, l’unique ne saurait le contenter, il vit dans l’hyperbole :: « je me sens un cœur à aimer toute la terre «, « je souhaiterais qu’il t eût d’autres mondes, pou y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses «

 

Son troisième argument consiste dans l’explication qu’il tire de la phase de séduction ; il explique  de façon redondante combien le plaisir qu’il recherche réside dans la conquête au sens quasi militaire du terme et combien ce plaisir disparaît dès la bataille remportée : « tout le plaisir de l’amour est dans le changement « On trouve ainsi le champ lexical de la technique militaire : « on goûte une douceur extrême à réduire «, « à combattre « « qui a peine à rendre les armes «, «  à forcer pied à pied les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre « « les charmes attrayants d’une conquête à faire « Enfin il n’est rien de si doux que de triompher de la résistance d’une belle personne «. Son apologie de la conquête amoureuse se conclut sur un trait d’orgueil puisqu’il se compare au plus célèbre  conquérant de l’antiquité Alexandre le Grand ( il a conquis un immense empire de la Grèce à l’Inde, il était devenu roi à 20 ans, mais il est mort à 33 ans.) «et j’ai sur ce sujet l’ambition des conquérants  qui volent de victoires en victoires «, et comme Alexandre « 

 

Après l’apologie du plaisir de la conquête amoureuse, vient naturellement, par opposition, le déplaisir de la possession : la passion ne peut pas survivre à la constance : l’inconstance est l’essence même de la passion : « Mais lorsqu’on en est maître une fois, il n’y  a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini. «

 

Don Juan revendique donc une liberté absolue et proclame son impérieux besoin du changement.

 

Conclusion : à travers la tirade de Don Juan Molière brosse le portrait d’un libertin de mœurs :Don Juan devient le porte parole du libertinage qui se développe à l’époque :

Revendication d’une liberté absolue, apologie de la liberté de mœurs : se lier est inconcevable, en étant infidèle, Don Juan affirme sa liberté. Il est instable et insatiable, il est donc condamné à toujours recommencer son jeu de la séduction puisque celui-ci compte plus que tout. Mais dans son propos le spectateur perçoit son impossibilité à être heureux dans la durée, son instabilité déconcertante, son égocentrisme amoral. Son amoralisme sans appel et sans scrupules annonce déjà sa fin.

 

Liens utiles