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L'Argumentation À L'Époque Des Lumières

Publié le 26/09/2010

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La littérature n'est pas seulement le fait de raconter une histoire. Elle peut parfois aller plus loin, pousser les lecteurs à réfléchir, voire même à agir. De nombreux auteurs, d'époques diverses, ont évoqué la possibilité d'utiliser la littérature comme une arme, un moyen de faire évoluer la société. Cependant, tous les écrivains ne croient pas en son efficacité, et se placent dans une position beaucoup plus pessimiste. C'est le cas de Jean Paul Sartre qui affirme « longtemps j'ai pris ma plume pour une épée, à présent je connais notre impuissance «. Il faut alors se demander dans quelle mesure cette position peut être soutenu et ce qui fait que la « plume « d'un écrivain, qui est avant tout création, peut devenir une arme efficace. Nous nous interrogerons tout d'abord sur ce qui peut rendre la littérature impuissante, puis nous verrons que malgré tout, l'écriture peut posséder une force réelle et enfin nous montrerons que la littérature est avant tout un outil d'éveil des consciences. La position pessimiste de Sartre peut s'expliquer par le fait que la littérature est une arme inefficace pour faire évoluer la société. En effet, cette dernière est confrontée à de nombreux obstacles qui freinent son rôle dans notre monde. Pour être efficace, il faut que la littérature puisse rencontrer son public. Or, jusqu'au XXème siècle, c'est l'un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les auteurs. L'éducation de la population ne permettait pas aux individus d'avoir accès aux savoirs superflus, leurs connaissances se limitant à l'essentiel. Il était dès lors impensable de voir se diffuser les sciences au plus grand nombre. De plus, les écrivains étaient confrontés à un autre problème tout aussi important, celui de la censure. Comment, dans un royaume où la publication d'un ouvrage était soumis au bon vouloir du souverain, réussir à propager les connaissances ? C'est ce qu'a vécu Diderot, lors de la publication de son Encyclopédie. En effet, alors qu'elle avait été tout d'abord autorisée, cette œuvre monumentale a ensuite été interdite car son contenu avait été jugé subversif par les Jésuites en faveur à la cour. Ils ont ainsi réussi à faire retirer l'accréditation royale et le philosophe a été contraint d'aller à l'étranger pour la publier. Il en fut de même pour Montesquieu, lors de la parution de ses Lettres persanes. Pour échapper à la censure, celui –ci décida d'éditer anonymement son ouvrage, hors du territoire. Mais l'illettrisme et la censure ne sont pas les seuls obstacles que rencontre la littérature. De façon générale, les auteurs sont confrontés aux habitudes de leurs lecteurs, qu'il est extrêmement difficile de faire évoluer. Les penseurs des Lumières se sont efforcés d'appliquer la raison au monde qui les entoure, cependant, ils n'ont pas pu lutter efficacement contre les superstitions et les fanatismes qui avaient cours à leur époque. Voltaire a traduit cette impuissance dans son conte philosophique, Zadig. Son héros, bien que réglant sa vie grâce à l'exercice de son intelligence, est toujours confronté aux fanatismes de ses contemporains et chacune de ses bonnes actions est détournée à son détriment. Ainsi, malgré ses efforts, la société qui l'entoure n'évolue pas. L'impuissance de la littérature va encore plus loin. Les auteurs sont confrontés au fait qu'il lui est impossible d'agir concrètement sur la réalité. D'ailleurs, on constate qu'il ne suffit pas d'énoncer les défauts d'une société pour que celle –ci change. Les écrivains de l'époque des Lumières ont été confrontés à ce problème. D'ailleurs, on se rend compte que, malgré la dénonciation des inégalités de leur époque, les philosophes n'ont pas pu concrètement changer leur société. Ainsi ; Diderot, dans son article « Autorité « dénonçait avec vigueur le pouvoir absolu du roi, sans que pour autant les choses évoluent après sa diffusion. Ainsi, on se rend compte que la littérature semble inefficace et totalement impuissante à agir sur la réalité, comme le soulignait Sartre. Cependant, il arrive parfois que cette position pessimiste ne soit pas aussi défendable. Parfois, en effet, la littérature peut posséder une force réelle, au point d'influer sur le monde qui l'entoure grâce à la puissance des mots et à l'engagement des auteurs. On peut tout d'abord noter la puissance des mots dans la dénonciation. La mobilisation des auteurs peut parfois entrainer des changements réels des faits, dès lors, la littérature devient une arme efficace. On peut prendre pour exemple le texte de Voltaire, Traité sur la tolérance. Celui –ci a été écrit pour dénoncer une injustice criante, commise au nom de la religion. Grâce à cet ouvrage, l'auteur a obtenu la réhabilitation de Jean Calas. De même, Zola a permis la révision du procès de Dreyfus, suite à la parution de son article « J'accuse «, dans le journal l'Aurore, en 1898. De façon plus générale, les philosophes des Lumières, par leurs réflexions, sont parvenus à faire évoluer la société, à tel point qu'ils ont préparé les esprits pour la Révolution de 1789. Mais bien plus, la force de la littérature vient du fait que les auteurs s'engagent pour des causes, mettent leur plume au service de ceux qui ne peuvent s'exprimer, en leur donnant une voix, une réalité tangible qui permet à tous de prendre conscience des problèmes du monde. Les causes pour lesquelles ils s'engagent sont variées, mais parmi les plus importantes nous pouvons évoquer le combat de Victor Hugo contre la peine de mort. En effet, pour dénoncer cette pratique, l'écrivain a composé deux œuvres majeures, Claude Gueux et le Dernier jour d'un condamné, dans lesquelles il met en évidence l'iniquité d'une telle pratique. Mais les auteurs ne se contentent pas toujours de cela. Ils se servent aussi de leur « plume « pour dénoncer les agissements d'un homme politique. C'est le cas, encore une fois, de Victor Hugo qui dans son recueil de poésies, les Châtiments, condamne avec vigueur l'empereur Napoléon III, et particulièrement sa politique. De même, ils peuvent utiliser leurs textes pour donner une voix aux silencieux, à ceux qui ne peuvent s'exprimer. C'est ce que fait Voltaire, quand il donne la parole à un esclave dans son conte Candide. Il permet alors à un esclave de s'exprimer directement, en mettant en évidence sa condition pathétique. Ainsi, on se rend compte que l'écriture peut être une arme efficace qui permet à la société de changer, quand les auteurs se mobilisent pour des causes importantes. Mais bien plus que sa force, ce qui rend la littérature puissante, c'est qu'elle agit sur les consciences et qu'elle permet aux lecteurs d'exercer leur réflexion. Tout d'abord, on peut remarquer que les auteurs qui utilisent la littérature comme un arme sont remarquables par leur liberté de penser. Cela est particulièrement sensible chez les philosophes du XVIIIème siècle. En effet, le titre complet de l'Encyclopédie est Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres, ce qui rappelle la volonté de ses concepteurs de se dégager des dogmes et d'appliquer la raison au monde afin d'en offrir une meilleure vision, et de la transmettre au plus grand nombre. De plus, pour permettre cette vision, les écrivains ont parfois pratiqué la technique du regard étranger pour offrir une opinion plus neutre, dégagée des préjugés. On peut également rappeler la force de persuasion qu'exercent les textes sur les lecteurs, dans le but de l'amener à réfléchir, à s'interroger sur les problèmes sociaux. Ainsi, Diderot, dans son Supplément au voyage de Bougainville, propose le discours d'un vieillard, Tahitien, qui évoque avec réalisme les ravages que la civilisation occidentale apportera à son peuple. Par le biais de ce discours, au style direct, le philosophe a tenté de sensibiliser ses contemporains au drame de la colonisation. Dès lors, les auteurs cherchent à éveiller les consciences afin de permettre un changement à long terme. C'est pourquoi Voltaire, dans son traité sur la tolérance, va beaucoup plus loin que la simple dénonciation d'une injustice. Il souhaite également faire réagir les hommes en leur faisant comprendre que les différences qui les opposent sont en réalité minimes, sans importance réelle. Il insiste sur le fait que l'intolérance doit prendre fin. Il permet donc à chacun de réfléchir à ce que nous sommes et au faut que tous les humains sont égaux. Ce thème va bien au-delà de la visée initiale et prend alors une valeur universelle et intemporelle. Comme nous l'a affirmé Sartre, il arrive que la littérature soit impuissante à agir sur le monde qui nous entoure car elle rencontre de nombreux obstacles, comme l'illettrisme, la censure ou l'inertie du monde. Cependant, on constate que, fréquemment, l'écriture a assez de force pour influer sur la société. Grâce à l'engagement des auteurs, il arrive qu'elle permette des changements réels. Mais sa plus grande efficacité réside dans le fait que cette dernière permet l'éveil des consciences, amorçant par là même des réflexions sur les injustices. Ainsi, la littérature est, selon le contexte, une arme qui peut s'avérer puissante et redoutablement efficace.

 

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