Le désir peut-il être satisfait ?
Publié le 27/02/2008
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Bac Blanc N° 1 séries S, Andreux Marine.
Sujet : Le désir peut-il être satisfait ?
« Désir », du latin « desidare » (regretter) et « sidus » (étoile) est le voeux d’obtenir ce qu’on n’a pas au présent, évoquant l’image d’un astre lointain dans l’espace et et le temps, difficile à atteindre. Comme il y a une multitude d’étoiles, il y a une multitude de désirs, dont l’objet semble plus ou moins dur à atteindre. Mais alors le désir peut-il être satisfait ?
En effet, le désir d’une chose est son manque, donc il faudrait combler ce vide pour trouver le plaisir. Pourtant, l’homme ne semble pas capable de combler le nombre infini de désirs possibles : le désir naturel d’avoir peut-il être comblé ? Pour cela, il faudrait le pouvoir d’obtenir facilement toute chose. Mais pour combler le désir du pouvoir, il faut savoir plus que son voisin et donc combler le désir de savoir. Mais alors l’homme ne se retrouve-t-il pas dans le malheur, face à l’infinité des connaissances qu’il doit combler mais ne peut pas ?
Il faudra donc, pour résoudre ce problème, se pencher sur la question du désir d’avoir – s’il est bon d’essayer de le combler et sous quelles conditions cela est possible. On verra ensuite que le pouvoir, manière d’obtenir les biens matériels des désirs de l’homme, nécessite le savoir pour être comblé. On en déduira dans quelle mesure l’homme profite fe ce désir de savoir sans pour autant le satisfaire.
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La définition classique du désir est que c’est le manque de quelque chose. Logiquement, il faudrait combler ce désir pour en obtenir la fin, c’est-à-dire le plaisir. Mais il ne semble pas possible à l’homme d’avoir tout ce qu’il veut, tout ce qu’il désire.
Ainsi, Platon explique que le désir ne mène qu’au malheur, puisque comme on ne peut jamais complètement le combler, on n’obtient jamais le plaisir. En effet, il y aura toujours au moins un désir que je ne pourrai pas satisfaire. Par exemple, je ne pourrai jamais combler le désir d’immortalité puisqu’en tant qu’être vivant je suis programmé pour mourir. Si j’essaie de combler ces désirs, je me trouverai dans le Malheur que décrit Platon : les désirs m’éloignent du savoir et il vaudrait mieux pour moi que je les laisse insatisfaits.
Pourtant, il y a bien des désirs qui sont individuellement réalisables – comme acheter une maison – et même naturels, puisque le désir d’avoir ou posséder commence très tôt, dans la phase anale où l’enfant est obcédé par la possession du boudin fécal. De surcroît, certains de ces désirs paraissent nécessaires à ma survie : par example, il me faut essayer de combler le désir d’être en bonne santé d’après les Épicuriens.
Mais encore, pour combler le désir d’avoir faudrait-il que tout objet de mon désir soit assez facile à obtenir. Et donc, pour combler la multitude de mes désirs de possession, il faudrait soit que je ne désire que des choses faciles à obtenir, soit que j’obtienne de l’aide des autres par mon pouvoir : il faudrait donc pouvoir pour avoir, c’est-à-dire combler le désir de pouvoir pour être en mesure d’avoir. La satisfaction du désir d’avoir dépend directement de celle du désir de pouvoir.
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Le désir de pouvoir résultant semble être naturel, voire animal : comme les chiens se battent pour être mâle alpha et dominer leur territoire, les hommes se font la guerre pour asseoir leur pouvoir, afin d’obtenir de la gloire ou des biens physiques. Il serait donc naturel d’essayer de satisfaire ce désir.
Mais les hommes semblent bien être une erreur de l’evolution : doué d’ongles et non de griffes, de dents plus adaptées à des herbivores et d’une fin peau aisément percée, ce n’est pas par sa force physique que l’homme pourra dominer. Il doit donc réfléchir à des manières d’être plus fort que son adversaire afin de le battre ou de survivre lorsque celui-ci échoue et meurt.
L’homme est donc contraint à savoir pour pouvoir : il ne pourra seulement dominer les autres et obtenir les objets de son désir de possession une fois qu’il saura plus que tous les autres réunis. Seulement ainsi sera-t-il immunisé contre les insurrections des autres en dessous de lui et assuré un pouvoir permanent et absolu. Ainsi, la satisfaction du désir de pouvoir de l’homme dépend directement du nombre de connaissances que celui-ci possède.
Pourtant, une fois exposé au savoir, l’homme désire savoir encore plus. Ainsi, le désir de pouvoir fait naître un autre désir, dont la fin est tout d’abord le pouvoir, mais ensuite le savoir même. Donc la satisfaction du désir de pouvoir dépend directement de la satisfaction du désir de savoir.
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Mais le désir du savoir peut-il être comblé ? Puisque l’objet – le savoir – est ici infini, alors il semble irrationnel de vouloir le satisfaire. En effet, il semble plus logique que l’homme, en tant qu’être fini et imparfait, ne puisse au final n’avoir qu’un nombre de connaissances certes très grand, mais tout de même fini.
En effet, la première connaissance est : je ne sais pas. C’est donc passer de l’ignorance totale à une vérité, puis d’une vérité à une infinité de vérités que de satisfaire le désir de savoir. De surcroît, le premier pas, admettre sa propre ignorance, est difficile à prendre, et l’ignorance consciente doit être provoquée chez l’homme par un maître magister qui lui montre son ignorance ou par le désir d’obtenir le pouvoir d’un maître dominus. Ce désir du savoir infini n’est donc pas naturel et semble impossible à satisfaire : peut-être n’est-il alors que le résultat de la faiblesse humaine, dans quel cas il doit ne pas être comblé.
Pourtant, dans la quête même du savoir, en essayant de combler ce désir de la raison, l’homme se plie à des règles et trouve la discipline, puis l’habilité et enfin la prudence. C’est ainsi selon Kant que l’homme passe de l’animalité à l’humanité, par le simple essai de combler ce désir infini.
Il est donc bien irrationnel de penser pouvoir combler ce désir, qui s’agrandit au fur et à mesure qu’on l’exploite, et l’homme n’aura jamais tous les objets du désir de savoir, qui restera insatisfait. Mais sa démarche pour trouver le savoir est en elle-même un moyen pour passer de l’animalité à l’humanité, c’est-à-dire finalement museler son désir de pouvoir au profit d’une vie en société. Ainsi, le désir de savoir, même si éternellement insatisfait, donne à l’homme ce qu’il désire le plus et ce qui caractérise son humanité : la liberté, abilité de se plier aux règles pour satisfaire ses besoins et ses désirs nécessaires.
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Ainsi, pour avoir, l’homme doit pouvoir, et pour pouvoir, il doit savoir. Mais le désir du savoir est le désir infini de l’infini : il ne peut donc pas être comblé par les hommes, êtres finis et imparfaits. Ce n’est pas pour autant qu’il n’apporte pas à l’homme ce qu’il lui faut le plus, c’est-à-dire l’humanité et la liberté. En effet, par le moyen de son désir même de savoir, l’homme obtient la discipline de suivre les règles clés de la liberté aussi bien que de distinguer un désir irrationnel comme le savoir d’un désir irrationnel comme l’immortalité, et un désir nécessaire comme le comfort d’un désir non-nécessaire comme un excès de luxure. L’homme, par son désir insatisfait du savoir, dépasse donc le besoin de combler tous ses désirs : beaucoup de ses désirs restent insatisfaits – dont le désir de savoir – mais il y a trouvé ce qui faisait de lui un homme et n’a plus qu’à nourrir son désir de savoir pour cultiver son humanité.
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