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« Le loup et l'agneau », Fables, La Fontaine

Publié le 02/08/2010

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fontaine

Introduction :    Le texte que nous allons étudier est la 10° fable du livre I, publié en 1668 dans un 1° recueil comprenant les livres I à IV. Ce recueil est adressé à Monseigneur le Dauphin dont La Fontaine est le précepteur.  Cette fable met en scène deux personnages allégoriques de la force et de la faiblesse, le Loup et l’Agneau. La Fontaine fait ici le récit d’une rencontre dont l’issue ne laisse aucun doute. L’intérêt de ce récit ne réside donc pas dans sa fin mais dans le dialogue argumentatif qui s’engage entre les deux personnages et qui précède la mise à mort de l’Agneau.  Nous ferons de ce texte une lecture analytique en étudiant dans un premier temps l’issue inéluctable de cette fable puis nous verrons dans quelle mesure ce dialogue argumentatif est perverti et enfin nous nous demanderons pourquoi la victoire du loup n’est qu’apparente.    I : Une issue inéluctable.    A/ La composition de la fable.    Cette fable est composée de deux grandes parties : la première est la morale (l’âme de la fable) qui apparaît dès l’ouverture : « la raison du plus fort est toujours la meilleure «. Le fabuliste va montrer, confirmer par un exemple cette affirmation. L’affirmation, condensée en un seul vers, au présent de vérité générale, renforcée par l’adverbe toujours ne laisse aucune place au doute, à l’exception. Elle désamorce tout le suspense du récit qui va suivre et interdit de nourrir la moindre illusion sur un possible issu heureuse de la rencontre de ces animaux. La seule question qu’elle soulève porte sur son ambiguïté : est-ce la meilleure car elle est la plus efficace ou la plus juste ?    Après ces deux premiers vers, le récit commence et se poursuit jusqu’au dernier vers. (2° partie : le corps de la fable). Le récit est constitué des étapes suivantes :  L’exposition, v. 3 à 6, présente rapidement le cadre, les protagonistes et l’action.  Le nœud prend la forme d’un dialogue : l’agneau repousse vaillamment les attaques du loup en retournant ses objections.  Le dénouement contenu dans les trois derniers vers et qui se fait l’écho de la morale.    B/ Une issue inscrite dans la structure de la fable.    Le plus fort, dans cette fable, l’emportera. La disposition, la longueur et l’évolution des répliques le montrent :  Les répliques du Loup sont au nombre de 4, celles de l’agneau de 3. Le loup prononce la première et la dernière réplique. Ses répliques prennent en étau celles de l’Agneau, ce qui est la transposition sur le plan du langage de la violence que le Loup exercera sur l’Agneau.  On remarquera que le loup s’exprime souvent en alexandrins alors que l’Agneau préfère l’octosyllabe. La supériorité se retrouve au niveau de la longueur du mètre choisi.  Le volume de parole des deux protagonistes est à peu près égal avec un petit avantage pour l’agneau (8,5 et 10,5 vers) : le faible n’est pas démuni au plan de la discussion car il tient tête à l’oppresseur.  L’évolution des répliques de chaque personnage est intéressante : 3 2 1 et 4 vers pour le loup contre 8 2 et même pas la moitié d’un vers pour l’Agneau. Le Loup ne paraissait pas s’attendre à cette résistance de l’Agneau et il se laisse un peu surprendre : il n’a pas d’argument solide à lui proposer. Il est déstabilisé et ne développe pas ses propos. Il parvient par l’autorité et la mauvaise foi à réduire l’Agneau au silence car celui-ci après s’être expliqué longuement réalise que sa parole est inutile. C’est alors que, sûr de lui, le loup reprend la parole et s’affirme dans sa dernière réplique.  L’accélération de l’échange montre la montée de la tension dramatique. Le Loup, irrité clôt l’échange rapidement.    II : Un dialogue argumentatif perverti.    Le dialogue est un entretien qui a pour but de faire prendre conscience à l’autre d’une vérité, après un échange de points de vue.  Ici, deux points de vue s’opposent, de manière polémique, celui du Loup qui accuse l’Agneau et veut le manger et celui de l’Agneau qui se défend. L’issue étant inéluctable, le dialogue ne remplit pas sa fonction habituelle et ce d’autant plus que le loup emploie des arguments irrecevables.  Pourquoi le loup cherche-t-il querelle à l’agneau ? Car il a faim, tout simplement, comme l’indique le texte : « à jeun « v. 5, « que la faim en ces lieux attirait « v. 6. Le comportement de cette bête n’est donc pas celui qu’exige le débat, bien au contraire.    A/ La pauvreté des arguments du loup    Le personnage du Loup est d’emblée caractérisé par sa cruauté, v. 8 « plein de rage «, v. 18 « bête cruelle «.  Mais ce loup veut déguiser son véritable motif et va pour cela déployer des trésors de rhétorique et de mauvaise foi. Il veut véritablement mettre à mort la possibilité même de la parole de l’Agneau    En posant d’emblée une question accusatrice, le Loup impose son pouvoir. L’agressivité du loup est audible à travers les allitérations en R présente des v. 7 à 10.  Dans les vers 7 et 9, le loup n’explicite pas le rapport logique entre la cause « troubler mon breuvage « et la conséquence « Tu seras châtié «. L’absence de lien est le signe d’une déficience que le loup ne parvient pas à masquer et dont il a certainement conscience. Il sait que son argument n’est pas recevable.  Le Loup, voyant qu’il est pris en défaut par l’argumentation rigoureuse de l’Agneau impose ses arguments par la force. Ses accusations ne sont qu’une succession d’affirmations sans preuves et sans liens entre elles : « tu la troubles « v. 18 « tu médis « v. 19 «  c’est donc ton frère « v. 22.  Dans sa dernière réplique, le Loup manifeste sa mauvaise foi. Il se pose en victime d’une sorte de conspiration universelle et il généralise le cas de l’Agneau à toute l’espèce : « c’est donc quelqu’un des tiens « et même à celle des bergers et des chiens. Il pratique l’amalgame ce qui discrédite son argument. Notons néanmoins, des v. 22 à 24 la multiplication des liens logiques, « donc « « et « car « (2 fois) Mais ces connecteurs logiques de conséquence et de cause permettent de faire un lien entre deux idées …sans lien.  Tout est permis au plus fort qui finit même par en appeler à un témoin imaginaire « on me l’a dit « v. 26 pour légitimer sa vengeance. Le loup, de surcroît, est lâche et n’assume pas sa décision.    B/ Une violence morale    Le dialogue, expression normalement privilégiée du débat, n’a donc eu aucun effet au cours d’un faux procès dont l’issue était décidée à l’avance. Si, traditionnellement, l’argumentation est une occasion de triompher de la violence pour régler verbalement les conflits, ici elle échoue.  Le loup pourrait faire l’économie d’un dialogue avec l’agneau et le tuer tout de suite. Pourquoi agit-il ainsi ?  Ce n’est pas par souci des apparences, il s’en moque, mais il veut que l’agneau lui donne raison. Il ne veut pas se contenter de perpétrer un acte de violence, il veut que sa victime la légitime, admette que son acte est fondé en droit. Le Loup ne se contente pas de d’exercer une violence physique, il exerce une violence sur la conscience de l’Agneau, mais sur ce point l’Agneau l’emporte. Certes, le loup le dévorera, mais il n’aura jamais légitimé l’action de ce dernier. La victoire du loup n’est qu’apparente.    III : Une victoire qui n’est qu’apparente.    L’argumentation de l’Agneau est à l’opposé de celle du Loup. En nombre de répliques elle est à peu près équivalente, mais son contenu est bien plus solide. L’Agneau essaie de répondre à trois reprises aux menaces du Loup.    A/ Des répliques solidement construites    Au départ, l’Agneau convaincu qu’il peut sauver sa peau en dialoguant va construire une vraie plaidoirie. Sans agressivité, avec une politesse respectueuse, il s’adresse au Loup à la 3° personne et reconnaît sa toute puissance (Apostrophes : « Sire «, «Votre Majesté «).  Puis, à partir du vers 14, il fait naïvement appel à l’objectivité du loup pour qu’il reconnaisse que son accusation n’est pas fondée. Il énumère donc tous les éléments à décharge (« dans le courant «, « plus de vingt pas au-dessous «) et en tire les conclusions en redoublant le lien de conséquence (« et que par conséquent, en aucune façon «). Ses dernières paroles (« troubler sa boisson «) font écho à l’accusation du loup (« troubler mon breuvage «) et il pense avoir clairement démontré son innocence.    Sa deuxième réplique est beaucoup plus courte, deux vers seulement. Peut-être sent-il déjà l’inutilité de sa résistance verbale. Il use d’une seule question rhétorique qui est ironique et dépourvue de formule de politesse. En effet, il remet plus nettement le loup devant les faits : « je n’étais pas né «. Cette impossibilité matérielle est un alibi imparable. Et en rappelant son extrême jeunesse « je tête encore ma mère «, il met en avant, implicitement sa complète incapacité de nuire. Cette image pathétique cherche sans doute à attendrir son adversaire.    Sa dernière réplique, sous la forme de quatre monosyllabes, est à peine esquissée. L’agneau ne cherche plus à construire son plaidoyer. Mais il rétablit néanmoins les faits («  je n’en ai point «). Il ne concède rien au loup…qui néanmoins lui est physiquement supérieur comme le montre le v. 23 : quatre syllabes pour l’Agneau et six pour le Loup. La menace du loup apparaît nettement. Il écrase l’agneau de sa toute puissance physique.    B/ La victoire du vaincu    On comprend finalement que la formule initiale est ironique puisqu’il n’y avait pas de raison valable de châtier l’Agneau et qu’aucun procès équitable n’a eu lieu (v. 29). Le raisonnement du plus fort finit par l’emporter mais grâce à la supériorité physique et non à la force du raisonnement. La rapidité des trois derniers vers contraste avec le long dialogue qui précède et semble souligner son inutilité, puisqu’en trois vers l’Agneau est dévoré.  La Fontaine semble vouloir stigmatiser le pouvoir des grands et des puissants qui abusent de leur force sociale et financière pour écraser les plus fragiles qu’eux.  « La raison du plus fort est toujours la meilleure « n’est donc, pour une fois, ni un conseil ni une mise en garde, la morale se montre impuissante face à une situation d’injustice. Ici la fable montre que les mots ne peuvent tout. Mais néanmoins l’Agneau rétablit toujours son bon droit et reste verbalement, psychologiquement le plus fort. La victoire du Loup n’est qu’apparente.    Conclusion :    Dans cette fable, La Fontaine ne nous donne ni leçon de vie, ni conseil pratique : c’est un simple constat mais que la forme catégorique de l’affirmation nous interdit de contester. Elle met face à face l’innocence, la naïveté et la mauvaise foi de celui qui se déclare victime pour mieux se faire bourreau. Le dialogue, expression normalement privilégiée du débat, n’a donc eu aucun effet au cours d’un faux procès dont l’issue était décidée à l’avance. Si, traditionnellement, l’argumentation est une occasion de triompher de la violence pour régler verbalement les conflits, ici elle échoue.

fontaine

« les allitérations en R présente des v.

7 à 10.Dans les vers 7 et 9, le loup n'explicite pas le rapport logique entre la cause « troubler mon breuvage » et laconséquence « Tu seras châtié ».

L'absence de lien est le signe d'une déficience que le loup ne parvient pas àmasquer et dont il a certainement conscience.

Il sait que son argument n'est pas recevable.Le Loup, voyant qu'il est pris en défaut par l'argumentation rigoureuse de l'Agneau impose ses arguments par laforce.

Ses accusations ne sont qu'une succession d'affirmations sans preuves et sans liens entre elles : « tu latroubles » v.

18 « tu médis » v.

19 « c'est donc ton frère » v.

22.Dans sa dernière réplique, le Loup manifeste sa mauvaise foi.

Il se pose en victime d'une sorte de conspirationuniverselle et il généralise le cas de l'Agneau à toute l'espèce : « c'est donc quelqu'un des tiens » et même à celledes bergers et des chiens.

Il pratique l'amalgame ce qui discrédite son argument.

Notons néanmoins, des v.

22 à 24la multiplication des liens logiques, « donc » » et « car » (2 fois) Mais ces connecteurs logiques de conséquence etde cause permettent de faire un lien entre deux idées …sans lien.Tout est permis au plus fort qui finit même par en appeler à un témoin imaginaire « on me l'a dit » v.

26 pourlégitimer sa vengeance.

Le loup, de surcroît, est lâche et n'assume pas sa décision. B/ Une violence morale Le dialogue, expression normalement privilégiée du débat, n'a donc eu aucun effet au cours d'un faux procès dontl'issue était décidée à l'avance.

Si, traditionnellement, l'argumentation est une occasion de triompher de la violencepour régler verbalement les conflits, ici elle échoue.Le loup pourrait faire l'économie d'un dialogue avec l'agneau et le tuer tout de suite.

Pourquoi agit-il ainsi ?Ce n'est pas par souci des apparences, il s'en moque, mais il veut que l'agneau lui donne raison.

Il ne veut pas secontenter de perpétrer un acte de violence, il veut que sa victime la légitime, admette que son acte est fondé endroit.

Le Loup ne se contente pas de d'exercer une violence physique, il exerce une violence sur la conscience del'Agneau, mais sur ce point l'Agneau l'emporte.

Certes, le loup le dévorera, mais il n'aura jamais légitimé l'action dece dernier.

La victoire du loup n'est qu'apparente. III : Une victoire qui n'est qu'apparente. L'argumentation de l'Agneau est à l'opposé de celle du Loup.

En nombre de répliques elle est à peu près équivalente,mais son contenu est bien plus solide.

L'Agneau essaie de répondre à trois reprises aux menaces du Loup. A/ Des répliques solidement construites Au départ, l'Agneau convaincu qu'il peut sauver sa peau en dialoguant va construire une vraie plaidoirie.

Sansagressivité, avec une politesse respectueuse, il s'adresse au Loup à la 3° personne et reconnaît sa toute puissance(Apostrophes : « Sire », «Votre Majesté »).Puis, à partir du vers 14, il fait naïvement appel à l'objectivité du loup pour qu'il reconnaisse que son accusationn'est pas fondée.

Il énumère donc tous les éléments à décharge (« dans le courant », « plus de vingt pas au-dessous ») et en tire les conclusions en redoublant le lien de conséquence (« et que par conséquent, en aucunefaçon »).

Ses dernières paroles (« troubler sa boisson ») font écho à l'accusation du loup (« troubler monbreuvage ») et il pense avoir clairement démontré son innocence. Sa deuxième réplique est beaucoup plus courte, deux vers seulement.

Peut-être sent-il déjà l'inutilité de sarésistance verbale.

Il use d'une seule question rhétorique qui est ironique et dépourvue de formule de politesse.

Eneffet, il remet plus nettement le loup devant les faits : « je n'étais pas né ».

Cette impossibilité matérielle est unalibi imparable.

Et en rappelant son extrême jeunesse « je tête encore ma mère », il met en avant, implicitement sacomplète incapacité de nuire.

Cette image pathétique cherche sans doute à attendrir son adversaire. Sa dernière réplique, sous la forme de quatre monosyllabes, est à peine esquissée.

L'agneau ne cherche plus àconstruire son plaidoyer.

Mais il rétablit néanmoins les faits (« je n'en ai point »).

Il ne concède rien au loup…quinéanmoins lui est physiquement supérieur comme le montre le v.

23 : quatre syllabes pour l'Agneau et six pour leLoup.

La menace du loup apparaît nettement.

Il écrase l'agneau de sa toute puissance physique. B/ La victoire du vaincu On comprend finalement que la formule initiale est ironique puisqu'il n'y avait pas de raison valable de châtierl'Agneau et qu'aucun procès équitable n'a eu lieu (v.

29).

Le raisonnement du plus fort finit par l'emporter mais grâceà la supériorité physique et non à la force du raisonnement.

La rapidité des trois derniers vers contraste avec le longdialogue qui précède et semble souligner son inutilité, puisqu'en trois vers l'Agneau est dévoré.La Fontaine semble vouloir stigmatiser le pouvoir des grands et des puissants qui abusent de leur force sociale etfinancière pour écraser les plus fragiles qu'eux.« La raison du plus fort est toujours la meilleure » n'est donc, pour une fois, ni un conseil ni une mise en garde, lamorale se montre impuissante face à une situation d'injustice.

Ici la fable montre que les mots ne peuvent tout.

Maisnéanmoins l'Agneau rétablit toujours son bon droit et reste verbalement, psychologiquement le plus fort.

La victoiredu Loup n'est qu'apparente. Conclusion :. »

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