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Le renversement de l'ancien régime

Publié le 02/04/2011

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CHAPITRE 1 : LE RENVERSEMENT DE L'ANCIEN REGIME

Ces crises remettent en cause les fondements de la monarchie absolue. Monarchie = gouvernement d'un seul, le Roi. Exerce la plénitude du commandement dans le royaume. Cela signifie que seule sa volonté est le moteur de l'État. Il décide, juge, légifère. Les juristes appellent ce phénomène une monarchie pure. Seul le Roi gouverne. Certains parlent même d'une monocratie, c'est-à-dire d'une confusion des pouvoirs = l'ordre public tout entier émane du Roi. C'est dans la personne du Roi que réside la souveraineté. Cette monarchie absolue a connu son apogée sous le gouvernement personnel de Louis XIV. Se maintient péniblement sous Louis XV, qui règne très longtemps sur la France : presque 60 ans de 1715 à 1774. Pendant ce règne, la royauté est la cible d'attaques et d'oppositions directes. Lorsque son petit-fils, Louis XVI, monte sur le trône en 1774, l'attente de réforme est grande. Toutes les réformes qu'il entreprend à la suite de celles de son grand-père sont des échecs. Ces insuccès mettent fin à la monarchie absolue.

 

Section 1. La contestation de la monarchie absolue

Durant tout le XVIII° siècle, l'opposition à la monarchie = affirmation des idées + pratique du gouvernement. La contestation des fondements de la monarchie absolue est portée par des penseurs, des intellectuels rassemblés sous le terme des Lumières. L'opposition aux différentes mesures royales est le fruit d'une politique systématique des institutions parlementaires.

 

§1 La remise en cause de l'autorité monarchique par les Lumières

 

Les philosophes des Lumières portent ce nom parce que sont éclairés par la raison. Se consacrent aux sciences et aux arts. Leur démarche intellectuelle est que pour eux, la connaissance et la réflexion doivent libérer le monde du poids et de l'obscurité du passé. Il faut passer tout au crible de la raison. Tous critiquent la pratique du pouvoir et les fondements théoriques de la monarchie.

 

A) La contestation des fondements de la monarchie

L'Ancien Régime repose essentiellement sur le principe d'autorité. Autorité de la souveraineté royale et également autorité des deux ordres privilégiés : l'aristocratie et le clergé. Pour la philosophie des Lumières, une société doit se fonder sur la raison. La raison doit servir l'Homme, plus que la société. La raison doit briser toutes les contraintes, toutes les entraves individuelles. La société de l'Ancien Régime insiste sur les devoirs des individus envers Dieu et son Roi.

Les Lumières mettent en avant des droits naturels de l'Homme. Au final, les maîtres-mots des philosophes sont la liberté, le progrès, le bonheur et l'égalité. Cette conception très individualiste ne fait qu'une place très limitée au Roi. Les Lumières vont critiquer ce qui leur semble le plus choquant, à dire l'origine divine de son pouvoir, faisant de lui un être surnaturel, hors du commun. Cette démarche de la critique de l'origine divine du pouvoir n'est pas nouvelle. Cette contestation avait déjà été effectuée au moment des guerres de religion. Les Lumières reprennent cette démarche et remettent en cause la théorie du droit divin. Vont en profiter pour proposer d'autres fondements au pouvoir.

 

 

  1. La critique de l'origine divine du pouvoir

Cette théorie de droit divin a été formulée bien après l'introduction du sacre royal. A été formulée à la fin du XVI° siècle. Cette théorie repose sur l'idée que le Roi reçoit directement son pouvoir de Dieu, sans aucun intermédiaire. Cela signifie que le Roi n'est responsable qu'à l'égard de Dieu. Aucun homme, aucune collectivité, aucune institution ne peuvent réclamer des comptes au Roi. Cette théorie du droit divin va recevoir l'assentiment de la société. Les États Généraux de 1614 le prouvent. Les EG sont réunis après l'assassinat du Roi Henri IV. En souvenir de cet assassinat, le Tiers-état, pour protéger la personne royale, demande que l'origine divine du pouvoir soit érigée en loi fondamentale. Cette demande n'aboutit pas puisque le clergé et la noblesse s'opposent à cette création de loi fondamentale. Malgré cet échec, la théorie de droit divin s'impose et est l'une des caractéristiques de la monarchie française. Cet aspect va être la cible des Lumières. Défendent la primauté de la raison sur la foi => critiquent très violemment le catholicisme.

Certains de ces philosophes sont athées, mais ce n'est la majorité d'entre eux. La plupart des philosophes ne nient pas l'existence de Dieu, au contraire, ils sont persuadés que Dieu est en toutes choses. Cette conviction religieuse = le déisme. Ce déisme n'a pas d'églises, alors existe beaucoup de catégories de déisme.

Le déisme de Voltaire : Est assez aisé à comprendre : pour lui, Dieu serait l'auteur du monde. En est le grand architecte. Pour Voltaire, Dieu s'est retiré de sa création du monde et a laissé l'Homme libre de ses actions et de ses pensées.

Le déisme de Jean-Jacques Rousseau: Emprunte énormément à la religion chrétienne et met en avant la bonté du Créateur. Pour lui, Dieu est un Roi bon et tolérant qui est guidé lui-même par la raison. Cette conviction permet à Rousseau de critiquer les textes évangéliques.

 

Qu'importe la foi qu'adoptent les Lumières, tous contestent la religion catholique. Tous critiquent l'Église. Si Dieu existe, l'origine divine du pouvoir du Roi est une pure fiction. Si, selon Voltaire, Dieu a créé le monde mais qu'il s'est désengagé, les fondements de la monarchie française n'existent pas. Un tel Dieu ne peut être la source du pouvoir du Roi. Si l'autorité du Roi ne repose pas sur l'octroie de l'autorité par Dieu, il faut trouver un autre fondement. Ces intellectuels trouvent un autre fondement.

 

  1. La proposition d'un nouveau fondement: le contrat

Si le pouvoir du Roi ne vient pas de Dieu, le pouvoir ne peut venir que des hommes, que du peuple. C'est là l'origine de l'idée contractuelle du pouvoir. Au XVII° siècle, cette idée avait été déjà abordée à l'école du Droit naturel. Les Lumières reprennent une partie de cette théorie ; la cité n'est pas dans la nature mais résulte d'un contrat originel qui a fait passer l'Homme de l'état de nature à l'état social. Rousseau va s'emparer de cette idée puisque rédige en 1762  Du contrat social. Idée que les hommes ont beaucoup perdu à intégrer une société, à fonder cette société en quittant l'état de nature. Pour Rousseau, il faut établir un pacte social. Ce pacte social a pour but de rendre à l'Homme qui vit en société la liberté qu'il détenait lorsqu'il était dans la nature. L'Homme, selon Rousseau, aliène ses droits quand il fait parti d'une société, lorsqu'il rentre dans une collectivité.

Mais cet abandon est compensé par de nouvelles règles pour la collectivité. La collectivité doit en effet fonctionner sur le mode de la démocratie. Dans cette démocratie prédomine la volonté générale, qui est conforme au bien commun. Pour Rousseau, il est évident, avec ce raisonnement, qu'il existe une souveraineté du corps social, du peuple. La souveraineté a été transférée au corps social. Ces idées de Rousseau seront en grande partie reprises au moment de la Révolution. C'est cette souveraineté populaire que les révolutionnaires vont tenter de mettre en place.

La pratique du pouvoir est aussi critiquée. Cela s'examine à travers les projets constitutionnels faits par les Lumières pour la France.

 

B) Les projets constitutionnels des Lumières pour la France

Les Lumières relèvent systématiquement les excès de la monarchie. Tous ont les yeux rivés sur deux autres modèles monarchiques: celui de l'Angleterre et celui de l'Autriche et de la Prusse qui sont menés par des despotes éclairés. (gouvernants s'inspirant des Lumières)

Montesquieu est inspiré, quant à lui, par le modèle anglais. En examinant le fonctionnement du système anglais, il rédige son ouvrage L'Esprit des Lois, publié en 1748. Montesquieu est préoccupé par une seule chose : le pouvoir doit arrêter le pouvoir. Donc, il met l'accent sur la séparation des pouvoirs. Puissance judiciaire, législative et exécutive. Montesquieu met en valeur que, dans la pratique du pouvoir, des freins entre chaque détenteur de ces puissances neutralise toute dérive.

 

Grande séduction qui est exercée par les gouvernements pratiqués en Europe centrale. Gouvernements réunis sous le terme de despotisme éclairé. Est le pouvoir d'un seul (= monarchie). Le despotisme est un gouvernement autoritaire. Les Lumières sont attirés par ce modèle parce que ses gouvernants prônent l'idée d'être guidés par la raison et non plus par Dieu. Les monarques avancent également qu'ils sont au service de la transformation des institutions, de la société. Arguments conformes aux idées des Lumières. Ces despotes éclairés ne prônent pas véritablement la liberté pour leurs sujets mais transforment leur état pour le bien commun. Celui qui a le plus soutenu ce mode de gouvernement est Voltaire, qui ne tarit pas d'éloges sur ce qui se pratique en Prusse et en Autriche. Se fait régulièrement inviter par les monarques. Dans les faits, ces régimes qui ont de belles intentions, ont surtout pour objectif de renforcer la puissance de l'État. On attribue à Frédéric II, roi de Prusse, despote éclairé, cette phrase qui résume bien le despotisme éclairé:

« Tout pour le peuple, rien par le peuple. »

 

Rousseau a une autre opinion que celle de Voltaire, puisque propose que l'ensemble des pouvoirs soit placé entre les mains de la volonté générale. Pour Rousseau, ce n'est plus le Roi qui détient les prérogatives de puissance publique mais le peuple.

Cette critique de la part des philosophes a beaucoup inquiété la royauté qui a encadré, parfois censuré, les écrits de ces intellectuels mais aucun d'eux n'a encouragé la révolte. Toutes leurs idées remettent dans tous les cas en cause la monarchie, plus particulièrement à la moitié du XVIII° siècle et préparent les esprits à réformer le gouvernement en France. Idées tellement diffusées qu'une catégorie d'institutions s'oppose systématiquement au Roi ; les Parlements.

 

 

§2 L'opposition des Parlements

Les Parlements sont des Cours créées par le démembrement de l'ancienne Cour du Roi au Moyen-Âge. Ce démembrement intervient au XIII° siècle. Cette Cour a une particularité puisque a une double compétence ;

 

Une compétence judiciaire, essentielle. Le Parlement détient la justice par délégation du Roi. Le Parlement reçoit toutes les décisions en appel, décisions prononcées par les juridictions royales de première instance.

 

Une compétence législative ; va permettre au Parlement d'avoir une voix politique. Le Parlement participe au processus d'établissement de la loi. Le Roi détient la faculté, à la base, de faire la loi. Mais le Parlement a une petite compétence, puisque intervient pour faire un contrôle de légalité → est effectué par rapport aux textes déjà existants mais aussi, plus valorisant pour le Parlement, contrôle le texte aux lois fondamentales du royaume. Le Parlement s'est érigé en gardien et défenseur des libertés fondamentales. Le Roi a lui-même accepté l'idée de confier une tâche plus lourde en matière législative au Parlement. A reconnu au Parlement la possibilité de faire des remarques, des remontrances, sur les lois qu'il doit enregistrer. L'intention du Roi est d'avoir des conseillers supplémentaires. Les Parlements jouent ici un rôle de conseil pour attirer l'attention du Roi sur certains problèmes ou sur les enjeux des textes. Les Parlements vont accaparer ce droit de remontrance pour revendiquer une participation à l'élaboration de la loi.

En quelque sorte, les Parlements vont demander un partage de la compétence législative. Est contraire au principe monarchique puisque seul le Roi détient le pouvoir de faire la loi ou de la casser. Faire la loi est la première marque de souveraineté. Les parlementaires, grâce au droit de remontrance vont s'opposer au Roi tout au long du XVIII° siècle. Au milieu du XVII° siècle (1648-1653) → Fronde parlementaire. Les Parlements, durant cette période se fédèrent et font une déclaration commune ; il n'existe finalement qu'un grand Parlement de France. Les différents Parlements – celui de Paris, Bordeaux, Rennes... - ne sont que des sections de ce grand Parlement de France, qui se proclame comme étant le garant des droits de la Nation.

La royauté se ressaisit très vite et remet au pas les Parlements et annihile le droit de remontrance. Au XVIII° siècle → nouvelle crise entre les Parlements et la royauté. Les Parlements vont retrouver leur vigueur passée et vont s'opposer à nouveau contre la royauté. Et cette querelle entre la couronne et le greffe empêche le Roi de promulguer des lois à l'encontre des Parlements. Lorsque les Parlements s'obstinent à refuser d'enregistrer les ordonnances, le Roi est obligé de se déplacer en personne au Parlement (ou envoie son chancelier) pour faire enregistrer les ordonnances. Les Parlements abusent de cette entrave législative. N'est pas le seul moyen que les parlementaires déploient contre la royauté. Les parlementaires font également la grève de la justice.

Le Roi a pour mission première, affirmée pendant le sacre, de rendre justice à son peuple. Le Roi fait exiler à plusieurs reprises les parlementaires, en vain puisqu'ils maintiennent leur prétention politique en participant à l'activité législative. Se présentent comme les défenseurs des libertés provinciales contre les attaques de l'autorité centrale, de l'autorité royale. Tout est prétexte pour s'opposer à la monarchie ; les questions religieuses et puis surtout les questions fiscales. Louis XV est contraint de rappeler très fermement au Parlement sa souveraineté absolue dans une intervention célèbre ayant eu lieu au mois de mars 1766 la Séance de la Flagellation. Dans ce discours qui est humiliant pour les parlementaires, le Roi rappelle tous les principes de la monarchie absolue de droit divin. Le Roi rappelle au Parlement son origine et sa place dans le régime monarchique. A la suite de cette déclaration, guerre déclarée. Une réforme va faire taire les Parlements mais quelques années plus tard cette réforme sera abandonnée et cela marque le début de l'aggravation de la crise de l'Ancien régime.

Ces réformes entamées par Louis XV et par Louis XVI vont toutes se solder par des échecs, entraînant avec elles l'échec de la monarchie absolue.

 

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