Le retour de la transparence

« Dans l'appel passionné que Rousseau adresse à ses contemporains, il peut n'y avoir rien de plus qu'une invitation à cultiver la morale de la bonne volonté et de la bonne conscience, et on peut y lire aussi une invitation à transformer la société par l'action politique effective. Cette ambiguïté est embarrassante. Mais d'une façon non ambiguë, Rousseau d'abord nous appelle à vouloir le retour de la transparence, pour nous et dans nos vies. Il n'y a pas à se méprendre sur ce désir, aussi puissant qu'il est simple. Le malentendu commencera au moment où ce désir se verra confronté à des tâches concrètes, à des situations problématiques. Car entre le désir de transparence et la transparence possédée, le passage n'est pas instantané, l'accès n'est pas immédiat. Si l'on entreprend de se libérer du mensonge, on ne peut éviter de se poser tôt ou tard la question des moyens (qui sont divers et contradictoires) et de l'action, qui peut échouer comme elle peut réussir, et qui risque de nous faire retomber dans le monde du mensonge et de l'opacité. » Jean Starobinski, La Transparence et l'obstacle, Gallimard, 1971, p.25.