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Le Théatre, Lieu De Toutes Les Libertés ?

Publié le 30/09/2010

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Tout acte de création offre une grande liberté à celui qui la produit. C’est aussi le cas du théâtre, qui a sut traverser le temps en adoptant les styles des époques. Aujourd’hui grâce à l’évolution des techniques, et aux grandes libertés offertes aux metteurs en scène, le théâtre nous séduit par sa démesure. Mais y a-t-il des limites dans ce jeu sans limite ? Nous répondrons à cette problématique en deux axes, le premier traitera des libertés admises au théâtre, et le second de ses contraintes. 

  Cet axe annoncera donc les pièces de références, puis abordera la liberté du metteur en scène et des acteurs au théâtre.                                                                                  Notre théâtre du XXème siècle, ou «Théâtre de l’Absurde « comme il fut désigné par l’écrivain Martin Esslin en 1962, devient l’espace où tout est possible, un jeu d’acteurs sans limite, qui met en scène l’absurdité de l’Homme et de la vie. Il devient alors le lieu de la démesure, où l’auteur met toute sa fantaisie au sein de son œuvre. Les auteurs tels qu’Eugène Ionesco, Martin Crimp et Noëlle Renaude, illustrent parfaitement les libertés du théâtre. Avec La Cantatrice Chauve, Ionesco pousse la dérision à son paroxysme, et surprend par le nom sens des dialogues, qui dénoncent pourtant le ridicule des bourgeois et la superficialité du monde. Dans Atteintes à sa vie, Crimp nous propose une suite de dix-sept scénarios dressant le portrait d’un personnage absent, à l’aide de dialogues rythmés dénonçant violemment notre société contemporaine, ainsi tout se passe dans le dialogue, avec un anonymat englobant même les personnages. Enfin avec sa pièce : Ceux qui partent à l’Aventure, Noëlle Renaude nous plonge dans la confusion la plus totale, avec un jeu de piste des personnages qui coupent, reprennent, ponctuent, et dérobent des phrases à l’image de « l’Homme en morceaux « que nous sommes devenu, bousculant ainsi les conventions de l’écriture théâtrale. Mais la liberté théâtrale n’est pas propre à l’auteur, elle est aussi permise au metteur en scène, qui du texte fait naitre le spectacle à travers des mises en scènes parfois surprenantes.

  C’est le cas de Dom Juan,  cette pièce écrite par Molière et représentée pour la première fois le 15 février 1665, a été revisitée par Daniel Mesguich qui a su s’approprier la pièce tout en restant fidèle à Molière. En effet, les changements opèrent des la première scène, avec le personnage de Sganarelle caché dans le public, faisant ainsi un lien entre ce même public et Dom Juan. La mise en scène comique du dialogue entre Sganarelle et Gusman est accentuée par leurs tenues identiques, et le déplacement des décors opéré devant le public. Le Pauvre est représenté de manière presque inhumaine, fidèlement au scénario il est peu vêtu, mais se déplace et s’exprime ici de manière lente, avec un aspect particulier, comparable à un arbre. Mr Dimanche devient alors juif, et la statue du Commandeur est absente, seule sa voix la laisse deviner. Mesguich pousse encore plus loin le fantastique, avec la chute de cette pièce, qui fait disparaitre Dom Juan sous les draps de son lit, avec ses femmes de pierre qui ont pris vie. Mais il existe des exemples de mises en scène similaires, tel que pour les œuvres précédemment énoncées. En effet, l’œuvre de Ionesco mise en scène par Nicolas Bataille, est une pièce follement vivante, bien qu’elle aborde l’ennui d’un couple de bourgeois dans leur routine, passant d’un sujet à l’autre sans liaison, avec des raisonnements parfois futiles accompagnés d’une mise en scène grandiose, et saugrenue. En effet, le salon est représenté à l’extérieur de la maison sur un gazon bien vert, recouvert d’un chemin de dalles inexistantes devant la porte, que Mme Smith traverse en sautant d’une dalle à l’autre. Le couple d’amis des Smith, les Martin, sont l’amusante copie des Smith, vêtus de la même manière, les deux femmes sont coiffées de même façon avec un petit chapeau, et les deux hommes sont chauves, leur seule différence est dans leurs tailles, Mme Smith est grande tandis que Mme Martin est petite, à l’inverse Mr Smith est petit tandis que Mr Martin est grand. Les jeux de sons sont aussi surprenant, tout comme le décor qui se démonte et tombe sur la scène laissant apparaitre le pompier et la bonne enlacés l’un contre l’autre. Alors les dialogues s’arrêtent et, à la plus grande surprise du public, les acteurs proposent différentes chutes à la pièce, faisant ensuite monter sur scène quelques spectateurs pris au hasard dans le public. Ici la folle imagination du metteur en scène s’est exprimée librement sur scène. La pièce de Martin Crimp, Atteintes à sa vie, laisse aussi toutes liberté d’interprétation au metteur en scène avec l’absence de noms et d’indications scéniques. Toutes fois les acteurs ont aussi une part de liberté dans l’interprétation de leur rôle.

  Alors, Atteintes à sa vie laisse aussi aux acteurs la liberté d’interpréter leurs personnages comme ils l’entendent, tout en laissant leurs personnages dans un univers d’intellectuels vantards, un peu bourgeois bohèmes. Un acteur est un interprète, il s’approprie donc le personnage qui lui est donné et est libre de le faire vivre à sa façon, en ayant pour guide les didascalies. Dom Juan revient là encore en exemple, avec la mise en scène de Mesguich qui laisse à l’acteur incarnant Sganarelle de nombreuses libertés, notamment lorsqu’il se déguise en infirmière et fait de sa réplique une réplique musicale en dansant et en la rythmant avec ses mains. Cette scène accentue le côté pitre du personnage qu’il est malgré lui. Avec une liberté plus ou moins grande selon les indications scéniques données par l’auteur, les acteurs sont dans presque toutes les pièces libres d’interpréter leurs personnages selon leur ressentis, et ainsi apporter leur touche de fantaisie à la pièce. L’imagination est sans limite,  mais qu’en est-il de la réalisation ?

Cet axe abordera les diverses limites du théâtre, telles que les contraintes spatio-temporelles, la nécessité de respecter la règle des trois unités et de bienséance dans le théâtre classique, la censure, et les limites du spectacle vivant.                                                                                                           Le théâtre en intérieur a pour limite la scène, bien qu’il soit possible de faire tomber la pluie sur scène, il serait beaucoup plus difficile ou même impossible, de faire décoller la scène d’un vieux théâtre et de la faire voler sur le public. Le théâtre ne se déroule pas obligatoirement dans un ‘Théâtre’ à proprement parlé, il peut se dérouler dans la rue, ou même dans un camion, comme c’est le cas pour la pièce Kaïana Marseille qui est un théâtre ambulant mis en scène par Bruno Thircuir. Ici encore le théâtre trouve ses limites dans l’espace qui est réduit à l’intérieur du camion. Mais l’espace n’est pas l’unique limite du théâtre, en effet on retrouve dans le théâtre classique des règles bien définies. 

  La ‘règle des trois unités’ qui est poétiquement résumée par Boileau dans l’Art Poétique « Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli, Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. « est apparu peu à peu dans le théâtre du XVIIème siècle, fixant ainsi des contraintes à l’auteur et au metteur en scène. Contrairement à certains théâtres qui de nos jours peuvent durer toute la nuit. On retrouve aussi la ‘règle de bienséance’, qui contraint l’auteur à respecter la morale, et le metteur en scène à respecter les vraisemblances, dans le but de ne pas choquer les spectateurs. Ainsi la violence ou même le plaisir charnel ne peuvent être représentés sur scène. En totale opposition aux œuvres citées dans l’axe précédent, dont La Cantatrice Chauve qui ne cache pas son obscénité aux spectateurs, ou même Dom Juan qui ne cache pas les scènes violentes. La censure intervient alors si ces règles ne sont pas respectées, comme pour Dom Juan qui en faisant apologie du libertinage attaque la religion et les faux Devots est censurée. Mais le théâtre a aussi des contraintes matérielles à respecter.

  En effet le théâtre étant un spectacle vivant, il fait intervenir des acteurs réels, le metteur en scène doit donc limiter son imagination scénique à une interprétation prudente, qui ne fait courir aucun risque à l’acteur. 

  Ainsi même si sa mesure est dans la démesure, le théâtre n’est techniquement pas le lieu où tout est possible, bien que son effet sur l’imagination du spectateur soit sans règle et sans limite. Le lieu où tout est possible n’est-il finalement pas fictif dans une société où tout est régit par des règles ?

 

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