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Le traité 2 plus 4

Publié le 22/02/2012

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3 octobre 1990 - L'hôtel Octobre, maison d'hôte du Parti communiste de l'URSS, au luxe tapageur, a servi de cadre à la signature de l'acte officiel qui met un terme définitif aux séquelles de la seconde guerre mondiale. L'Allemagne, dont la souveraineté avait été limitée par les puissances alliées en 1945, retrouvera, une fois le traité ratifié par les Parlements de France, des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, le statut de nation pleinement et entièrement responsable de son destin, libre de choisir son système d'alliance, libérée de toute tutelle sur l'intégralité de son territoire, y compris Berlin qui ne sera plus, désormais, soumise à l'autorité des gouvernements militaires alliés. Dans la vie de tous les jours, peu de choses vont changer : les droits formels des vainqueurs ne s'exerceraient plus que dans le protocole diplomatique régissant les visites d'Etats et autres manifestations officielles dans l'ex-capitale du Reich. Mais que cela soit proclamé urbi et orbi, comme ce fut le cas ce mercredi 12 septembre à Moscou, donnait à l'exposé par les ministres des affaires étrangères de RFA, de RDA, de Grande-Bretagne, de France, d'URSS et des Etats-Unis un caractère solennel et émouvant visiblement souhaité par les acteurs principaux de cette performance diplomatique. Mettre au point en moins de huit mois un accord qui prend congé de quarante-cinq ans d'affrontements, qui ouvre des perspectives nouvelles à la cohabitation des nations européennes, cela remplissait visiblement d'émotion des hommes généralement impassibles : on sentait dans le regard et le sourire de ces ministres austères, réunis dans cet hôtel, ridicule à force de se vouloir grandiose, la fierté de pères heureux d'avoir engendré un bel enfant. Cet enfant a un nom, minutieusement choisi pour ne choquer aucun des membres de la famille : c'est le " traité portant règlement définitif concernant l'Allemagne ". La dénomination n'est certes pas très élégante dans aucune des langues du document, mais elle donne tout d'abord à l'accord la qualité de traité, sans qu'il soit un traité de paix entre tous les belligérants de la seconde guerre mondiale. Les autres nations parties prenantes et victimes de cette guerre devront se contenter du cadre de la CSCE pour faire valoir leurs droits : seule la Pologne, à force d'insistance, est parvenue à se glisser, l'espace d'une réunion, dans le cercle des négociateurs. Le mot " définitif " donne au moins l'impression aux signataires d'avoir fait oeuvre durable, même si Roland Dumas marquait quelques doutes, faussement modestes, sur la capacité des diplomates à légiférer pour l'éternité, ou même une unité de temps s'en rapprochant. Comportant un préambule et dix articles, le traité prend acte du fait que " le peuple allemand, exerçant librement son droit à l'autodétermination, a affirmé sa volonté d'établir l'unité étatique de l'Allemagne en tant que membre égal et souverain d'une Europe unie ". Il définit d'emblée dans l'article premier les limites territoriales de l'Allemagne unifiée qui comprend " le territoire de la RFA, de la RDA et de l'ensemble de Berlin ( ...), la confirmation du caractère définitif de ces frontières constitue un élément essentiel de l'ordre de paix en Europe ". Il est précisé plus loin que l'Allemagne n'a aucune revendication territoriale et qu'elle est tenue de confirmer par " un traité ayant force obligatoire en vertu du droit international " l'intangibilité de sa frontière avec la Pologne. Cet aspect du règlement général doit beaucoup à l'insistance des dirigeants français qui avaient fait de la question du caractère définitif de la ligne Oder-Neisse la condition sine qua non de leur acceptation du processus d'unification allemande, ce qui n'avait pas été sans causer quelque irritation à Bonn. Le texte stipule que l'Allemagne unie sera libre d'appartenir à l'alliance de son choix ( en l'occurrence l'OTAN), qu'elle devra limiter les effectifs de son armée à 370 000 hommes, s'interdire de préparer une guerre d'agression et renoncer à produire, détenir et utiliser des armes nucléaires, biologiques et chimiques. Le volet " défense et sécurité " est largement développé dans les articles 2 à 6 du traité, car les signataires voulaient que cet aspect des choses soit réglé dans le moindre détail. Une chose importait particulièrement à Hans-Dietrich Genscher : obtenir des Quatre qu'ils suspendent, jusqu'à la ratification du traité, leurs prérogatives sur l'Allemagne. Le 3 octobre, l'Allemagne ne sera pas souveraine au sens juridique, les procédures parlementaires de ratification pouvant s'étaler jusqu'à l'été prochain. 3 octobre : le jour de l'unité Les ministres occidentaux sont cependant convenus de publier, lors de la réunion de la CSCE, qui aura lieu le 1e octobre 1990 à New-York, une " déclaration " traduisant leur intention de renoncer à l'exercice de ces droits à compter du 3 octobre, date de l'unification allemande. L'histoire retiendra enfin que la réunion de Moscou aura été la dernière réunion internationale à laquelle aura participé la RDA, représentée par Lothar de Maizière, qui assume les fonctions de ministre des affaires étrangères depuis le départ du gouvernement de Markus Meckel. L'adieu à la scène internationale de la RDA fut discret, parce que sans regret. LUC ROSENZWEIG Le Monde du 14 septembre 1990ctobre 1990 - L'hôtel Octobre, maison d'hôte du Parti communiste de l'URSS, au luxe tapageur, a servi de cadre à la signature de l'acte officiel qui met un terme définitif aux séquelles de la seconde guerre mondiale. L'Allemagne, dont la souveraineté avait été limitée par les puissances alliées en 1945, retrouvera, une fois le traité ratifié par les Parlements de France, des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, le statut de nation pleinement et entièrement responsable de son destin, libre de choisir son système d'alliance, libérée de toute tutelle sur l'intégralité de son territoire, y compris Berlin qui ne sera plus, désormais, soumise à l'autorité des gouvernements militaires alliés. Dans la vie de tous les jours, peu de choses vont changer : les droits formels des vainqueurs ne s'exerceraient plus que dans le protocole diplomatique régissant les visites d'Etats et autres manifestations officielles dans l'ex-capitale du Reich. Mais que cela soit proclamé urbi et orbi, comme ce fut le cas ce mercredi 12 septembre à Moscou, donnait à l'exposé par les ministres des affaires étrangères de RFA, de RDA, de Grande-Bretagne, de France, d'URSS et des Etats-Unis un caractère solennel et émouvant visiblement souhaité par les acteurs principaux de cette performance diplomatique. Mettre au point en moins de huit mois un accord qui prend congé de quarante-cinq ans d'affrontements, qui ouvre des perspectives nouvelles à la cohabitation des nations européennes, cela remplissait visiblement d'émotion des hommes généralement impassibles : on sentait dans le regard et le sourire de ces ministres austères, réunis dans cet hôtel, ridicule à force de se vouloir grandiose, la fierté de pères heureux d'avoir engendré un bel enfant. Cet enfant a un nom, minutieusement choisi pour ne choquer aucun des membres de la famille : c'est le " traité portant règlement définitif concernant l'Allemagne ". La dénomination n'est certes pas très élégante dans aucune des langues du document, mais elle donne tout d'abord à l'accord la qualité de traité, sans qu'il soit un traité de paix entre tous les belligérants de la seconde guerre mondiale. Les autres nations parties prenantes et victimes de cette guerre devront se contenter du cadre de la CSCE pour faire valoir leurs droits : seule la Pologne, à force d'insistance, est parvenue à se glisser, l'espace d'une réunion, dans le cercle des négociateurs. Le mot " définitif " donne au moins l'impression aux signataires d'avoir fait oeuvre durable, même si Roland Dumas marquait quelques doutes, faussement modestes, sur la capacité des diplomates à légiférer pour l'éternité, ou même une unité de temps s'en rapprochant. Comportant un préambule et dix articles, le traité prend acte du fait que " le peuple allemand, exerçant librement son droit à l'autodétermination, a affirmé sa volonté d'établir l'unité étatique de l'Allemagne en tant que membre égal et souverain d'une Europe unie ". Il définit d'emblée dans l'article premier les limites territoriales de l'Allemagne unifiée qui comprend " le territoire de la RFA, de la RDA et de l'ensemble de Berlin ( ...), la confirmation du caractère définitif de ces frontières constitue un élément essentiel de l'ordre de paix en Europe ". Il est précisé plus loin que l'Allemagne n'a aucune revendication territoriale et qu'elle est tenue de confirmer par " un traité ayant force obligatoire en vertu du droit international " l'intangibilité de sa frontière avec la Pologne. Cet aspect du règlement général doit beaucoup à l'insistance des dirigeants français qui avaient fait de la question du caractère définitif de la ligne Oder-Neisse la condition sine qua non de leur acceptation du processus d'unification allemande, ce qui n'avait pas été sans causer quelque irritation à Bonn. Le texte stipule que l'Allemagne unie sera libre d'appartenir à l'alliance de son choix ( en l'occurrence l'OTAN), qu'elle devra limiter les effectifs de son armée à 370 000 hommes, s'interdire de préparer une guerre d'agression et renoncer à produire, détenir et utiliser des armes nucléaires, biologiques et chimiques. Le volet " défense et sécurité " est largement développé dans les articles 2 à 6 du traité, car les signataires voulaient que cet aspect des choses soit réglé dans le moindre détail. Une chose importait particulièrement à Hans-Dietrich Genscher : obtenir des Quatre qu'ils suspendent, jusqu'à la ratification du traité, leurs prérogatives sur l'Allemagne. Le 3 octobre, l'Allemagne ne sera pas souveraine au sens juridique, les procédures parlementaires de ratification pouvant s'étaler jusqu'à l'été prochain. 3 octobre : le jour de l'unité Les ministres occidentaux sont cependant convenus de publier, lors de la réunion de la CSCE, qui aura lieu le 1e octobre 1990 à New-York, une " déclaration " traduisant leur intention de renoncer à l'exercice de ces droits à compter du 3 octobre, date de l'unification allemande. L'histoire retiendra enfin que la réunion de Moscou aura été la dernière réunion internationale à laquelle aura participé la RDA, représentée par Lothar de Maizière, qui assume les fonctions de ministre des affaires étrangères depuis le départ du gouvernement de Markus Meckel. L'adieu à la scène internationale de la RDA fut discret, parce que sans regret. LUC ROSENZWEIG Le Monde du 14 septembre 1990

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