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L'Écriture Autobiographique Permet-Elle De Recréer Le Passé ?

Publié le 26/09/2010

Extrait du document

 

 L'autobiographie Ecrire son autobiographie soulève et engendre beaucoup de questions ou de problèmes. Pourtant, nombreux sont les auteurs à avoir fait face à ces obstacles pour pouvoir se raconter, se comprendre ou laisser une trace. Chateaubriand, lui, justifie ainsi son projet : « Mettons à profit le peu d'instant qui me restent ; […] Le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui s'éloigne et qui va bientôt disparaître. « L'écriture autobiographique permet donc de recréer, redonner consistance à cette terre du passé qui s'éloigne. Mais comment ? Par quels aspects ? S'il est vrai que les souvenirs, le passé sont la matière première de l'autobiographe et qu'en écrivant, ce dernier parvient à les retrouver et à les faire ressurgir, l'autobiographie est aussi un moyen pour l'écrivain de se remodeler et de se réinventer à travers ce passé qu'il cherche à nous raconter. Et tout d'abord, puisqu'elle traite du passé d'un individu, que l'on parle d'une œuvre sur soi, il est évident que les souvenirs sont le matériau principal de l'autobiographie. La simple étymologie du mot ( Auto (moi) – bio (vie) – graphie (écrire) ) nous montre que l'on a bien pour but d'écrire et de raconter sa vie. Philippe Lejeune, expert de ce genre littéraire, en donne la définition suivante : « récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier l'histoire de sa personnalité. « Généralement, les autobiographies sont écrites par des personnes âgées, vieux navigateurs, comme le dit Châteaubriand, qui cherchent à fixer les contours de cette terre qui s'éloigne. Ecrits à la première personne du singulier, ces récits sont les seuls où l'auteur, le narrateur et le personnage sont une seule et même personne, bien que l'on observe souvent une distance entre le « je « du personnage et celui qui tient la plume, distance souvent observée à travers les temps. Par exemple, Rousseau, dans Les Confessions, raconte le fameux épisode de la fessée – cette punition qui lui arracha des sensations qui n'étaient pas celles attendues – et glisse au milieu de cet épisode raconté au temps du récit : « Qui croirait que ce châtiment d'enfant, reçu à huit ans par la main d'une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie, et cela précisément dans le sens contraire à ce qui devait s'ensuivre naturellement ? « On voit bien ici la distance entre le « je « enfant qui vit cet épisode et la vision rétrospective de l'auteur qui commente, avec ses impressions présentes, ce même épisode. C'est le fait de raconter ses souvenirs qui instaure cette distance qui rend le « je « ambigu. Ecrire son autobiographie, c'est aussi et avant tout raconter son enfance, car c'est ce passage de la vie qui conditionne l'être et en fait ce qu'il est plus tard, ce qu'il devient et ses façons d'agir. On retrouve donc bien ici, et dans tout ce qui a été dit plus haut, la nécessité de faire remonter et de retrouver ses souvenirs. Souvenirs qui s'avèrent en effet, être la matière première de ces œuvres centrées sur la personne qui les rédige. Recréer le passé en écrivant son autobiographie, c'est donc aussi remonter dans ce dernier, le rappeler à soi. D'abord en fournissant sur soi un énorme travail, qui peut parfois s'avérer douloureux. Charles Juliet, par exemple, pour l'écriture de Lambeaux dit lui-même avoir eut beaucoup de mal à écrire ses souvenirs. Il écrit « [ce récit] remue en toi trop de choses pour que tu puisses le poursuivre. Si tu parviens un jour à le mener à terme, il sera la preuve que tu as réussi à t'affranchir de ton histoire, à gagner ton autonomie. « On voit ici à quel point il peut-être difficile de remonter ainsi dans son passé, car cet acte engendre la certitude de recréer des moments désagréables, douloureux, parfois même tragiques. Pour être tout à fait honnête, comme il se doit de le faire, l'auteur doit également raconter ces moments difficiles, ce qui constitue une des difficultés de l'autobiographie. Mais ce travail sur soi pour rappeler ses souvenirs peut également recréer le passé dans le sens où, à force de se rappeler, il est parfois des choses oubliées peuvent revenir. Des souvenirs qui s'étaient enfuis et qui, de fils en aiguille et à force d'efforts de mémoire, se retrouvent d'eux-mêmes. Ce phénomène se voit dans l'œuvre de Georges Perec, W ou le souvenir d'enfance, qui dit au début « Je n'ai pas de souvenirs d'enfance « mais qui, au fur et à mesure, renoue avec cette enfance qui ne résumait selon lui qu'à « quelques lignes « ou à « la guerre, les camps. « Parfois, afin de renouer avec ces souvenirs effacés, certains auteurs sont même obligés de faire des recherches sur leur propre passés, comme par exemple Charles Juliet, encore, qui pour avoir des informations sur sa mère biologique, après sa naissance, interroge les paysans qui habitaient son village. L'autobiographie permet également de revivre certains moments, certaines sensations au moment de l'écriture. Ici, c'est la mémoire affective qui travaille et qui retrouve les sentiments ressentis à un moment donnés. Ainsi, au moment de l'écriture de son texte Le voyageur immobile, on sent que Jean Giono retrouve et revit les odeurs, les impressions que lui laissait l'univers de cette épicerie. Dans certains cas, écrire son autobiographie permet non seulement de redonner vie à un moment, mais aussi à une personne, en quelques sortes. Charles Juliet, en écrivant Lambeaux dit avoir l'impression qu'en le faisant, il « les tireras de la tombe. « en parlant de ses deux mères : celle qu'il n'a presque pas connue et celle qui l'a élevé. On retrouve donc bien ici la sensation de les faire ressusciter à travers sa propre histoire. Par tous ces aspects, il est clair que l'écriture autobiographique permet de recréer le passé, dans le sens où elle le rappelle au présent qui parfois à tendance à l'oublier. Mais c'est de cet oublié, justement, que naît l'ambigüité de cette recréation. En effet, recréer son passé, peut aussi – et c'est souvent le cas dans une autobiographie, vouloir dire le réinventer, le re-fabriquer. Lorsque Chateaubriand dit « le navigateur […]écrit son journal à la vue de la terre qui s'éloigne et qui va bientôt disparaître. « il met bien en évidence ces problèmes, et notamment celui de la mémoire. Car, si cette terre s'éloigne et disparaît, c'est qu'il est des endroits que l'on ne distingue plus. Donc des choses que l'on ne se rappelle plus et qui restent obscures. Et pour donner au récit de sa vie une continuité, il est parfois nécessaire de combler les vides laissés par ces oublis. Rousseau écrit, dans ses Confessions « s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire « Cela montre bien à quel point les souvenirs qui font défauts permettent – et obligent l'auteur à se recréer et doter son passé de quelques anecdotes, de détails qui n'ont jamais réellement été. Pareillement, un auteur peut se croire tout à fait sincère, mais ne pas dire ce qui est vrai. En effet, la sincérité et la vérité sont deux notions différentes, la première étant totalement subjective. Mais en parallèle de ce défaut de souvenirs, il y a également la mémoire volontaire. Celle-ci consiste à occulter certaines choses que l'auteur ne veut pas révéler et à en raconter d'autres, plus flatteuses. On parle aussi de mensonge par omission, et le plus bel exemple que l'on puisse trouver est celui de Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe_ _où il écrit : « Je n'entretiendrais pas la postérité du détail de mes faiblesses ; je ne dirais de moi que ce qui est convenable à ma dignité d'homme «. On voit bien ici l'intention de ne révéler au lecteur que ce qui est beau et de laisser dans l'ombre les détail les plus pénibles. Ainsi, l'auteur donne une autre image de son passé et de lui-même que celle qui est réellement, se créant ainsi une sorte d'avatar, de personnage de lui-même. Il ne faut également pas oublier que l'autobiographie est une œuvre littéraire, donc le fruit d'écrivains qui savent utiliser les mots et même persuader le lecteurs. Ainsi, même après les différentes promesses de sincérité dans les pactes autobiographiques, il faut garder à l'esprit le fait que l'autobiographe cherchera toujours, quelque part, à plaire au lecteur. Ainsi, encore une fois, il choisit ses souvenirs, comme Châteaubriand, mais il est clair que certains enjolivent leurs actions, ou encore se donne le beau rôle dans des moments où ils ne l'avaient pas. Et un écrivain sait pertinemment comment convaincre, persuader un lecteur et lui donner envie de croire à l'histoire qu'il raconte. Recréer le passé à travers son autobiographie, c'est donc également le remodeler, afin de donner une autre image de soi. En conclusion, on voit bien que l'autobiographie permet effectivement de recréer le passé, mais par plusieurs aspects, à savoir en se le rappelant, en tentant de le revivre ou bien en se le réinventant et en donnant ainsi au lecteur l'image d'une autre personne que celle que l'on est réellement. On peut donc, à travers ces différents aspects, se demander si une œuvre autobiographique est réellement le miroir exacte du passé de quelqu'un ou si elle n'est pas une forme parfois aussi fictive que le roman.

 

« Lorsque Chateaubriand dit « le navigateur […]écrit son journal à la vue de la terre qui s'éloigne et qui va bientôt disparaître.

» ilmet bien en évidence ces problèmes, et notamment celui de la mémoire.

Car, si cette terre s'éloigne et disparaît, c'est qu'il est desendroits que l'on ne distingue plus.

Donc des choses que l'on ne se rappelle plus et qui restent obscures.

Et pour donner au récitde sa vie une continuité, il est parfois nécessaire de combler les vides laissés par ces oublis.

Rousseau écrit, dans ses Confessions« s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défautde mémoire » Cela montre bien à quel point les souvenirs qui font défauts permettent – et obligent l'auteur à se recréer et doterson passé de quelques anecdotes, de détails qui n'ont jamais réellement été.

Pareillement, un auteur peut se croire tout à faitsincère, mais ne pas dire ce qui est vrai.

En effet, la sincérité et la vérité sont deux notions différentes, la première étant totalementsubjective.Mais en parallèle de ce défaut de souvenirs, il y a également la mémoire volontaire.

Celle-ci consiste à occulter certaines chosesque l'auteur ne veut pas révéler et à en raconter d'autres, plus flatteuses.

On parle aussi de mensonge par omission, et le plus belexemple que l'on puisse trouver est celui de Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe_ _où il écrit : « Je n'entretiendraispas la postérité du détail de mes faiblesses ; je ne dirais de moi que ce qui est convenable à ma dignité d'homme ».

On voit bienici l'intention de ne révéler au lecteur que ce qui est beau et de laisser dans l'ombre les détail les plus pénibles.

Ainsi, l'auteurdonne une autre image de son passé et de lui-même que celle qui est réellement, se créant ainsi une sorte d'avatar, de personnagede lui-même.Il ne faut également pas oublier que l'autobiographie est une œuvre littéraire, donc le fruit d'écrivains qui savent utiliser les mots etmême persuader le lecteurs.

Ainsi, même après les différentes promesses de sincérité dans les pactes autobiographiques, il fautgarder à l'esprit le fait que l'autobiographe cherchera toujours, quelque part, à plaire au lecteur.

Ainsi, encore une fois, il choisitses souvenirs, comme Châteaubriand, mais il est clair que certains enjolivent leurs actions, ou encore se donne le beau rôle dansdes moments où ils ne l'avaient pas.

Et un écrivain sait pertinemment comment convaincre, persuader un lecteur et lui donnerenvie de croire à l'histoire qu'il raconte.Recréer le passé à travers son autobiographie, c'est donc également le remodeler, afin de donner une autre image de soi.En conclusion, on voit bien que l'autobiographie permet effectivement de recréer le passé, mais par plusieurs aspects, à savoir ense le rappelant, en tentant de le revivre ou bien en se le réinventant et en donnant ainsi au lecteur l'image d'une autre personne quecelle que l'on est réellement.

On peut donc, à travers ces différents aspects, se demander si une œuvre autobiographique estréellement le miroir exacte du passé de quelqu'un ou si elle n'est pas une forme parfois aussi fictive que le roman.. »

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