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Lecture Analytique Lorenzaccio Acte 4 Scène 11

Publié le 18/01/2011

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lecture

Lorenzaccio

Alfred de Musset, 1834

 

Acte IV Scène 11

Détail

Problématique: l'enjeu individuel et politique que représente le meurtre va-t-il trouver enfin une réponse ?

 

I) Autour du héros : Scoronconcolo et le duc1. Ø Scoronconcolo, auxiliaire et faire-valoir :

Ü Il est le symbole du bon sens, en contraste avec la folie de Lorenzo

Ü Il est ici le représentant du peuple : sa réaction préfigure celle de la popula-tion de Florence, et donc l'échec politique du meurtre

 

2. Ø Le duc, victime sans grandeur :

Ü Personne n'étant présent sur scène, le duc peut livrer ici son véritable caractère sans avoir à le masquer.

Ü Jusqu'au bout, Alexandre est vulgaire et grossier, anticlérical (“j'ai soupé comme trois moines”), mufle (“ce sera cavalier, mais ce sera commode”), empli de préjugés, orgueilleux, une véritable caricature de lui-même.

Manger et jouir semblent les deux seules activités de cet être tout de chair, ne possédant pas de sentiments.

Ü Il apparaît plus animal, bestial, qu'humain (morsure au doigt)

Ü Sa mort, les yeux fermés, est symbolique de son aveuglement tragique : il n'a jamais vu, depuis le début, le manège de Lorenzo.

 

II) Stylisation et symbolisme du meurtre1. Ø Stylisation

Ü Ce meurtre, le seul véritable acte de la pièce, s'oppose à la fois aux modèles classiques et romantiques :

* classique : la mort est montrée sur scène

* romantique : pas de débordements, d'émotions vives, de gestes/cris...

En fait, on peut presque voir ici la mise en abîme d'une mise en scène classi-que d'un meurtre, Scoronconcolo en étant le spectateur - absent pendant le meurtre lui-même, comme il se doit.

Ü Le meurtre est infiniment stylisé : il tient en cinq lignes et peut être suivi à partir de trois didascalies ; il se déroule sans un bruit, l'acte lui-même semble "propre", comme la vertu que Lorenzo veut retrouver.

Ü Le champ lexical de la mort ne s'applique ici qu'à... Lorenzo, et dit déjà l'échec personnel du meurtre.

 

2. Ø Symbolisme

Ü Les dernières paroles du duc, “C'est toi, Lorenzo” semblent être une réfé-rence au "Tu quoque, mi filii" de César. Lorenzo deviendrait-il un Brutus ? En fait, il s'agit plutôt ici de dérision.

 On peut déceler dans la réponse de Lorenzo “N'en doutez pas, Seigneur” une ironie cruelle (”Seigneur”=antiphrase) et aussi le fait que, cette fois, c'est le vrai Lorenzo qui agit.

Ü La réaction de Lorenzo après le meurtre est inattendue : il se plaint d'une blessure ridicule, absolument pas héroïque : une morsure au doigt. Mais cette blessure n'est pas anodine : l'“anneau” que porte désormais Lorenzo le lie à vie à ce que représentait le duc.

Ü Symboles du mariage : la “bague”, le sang du dépucelage, le symbole phal-lique de l'épée...

 

III) Lorenzo, l'extase lyriqueF Sa réaction montre bien que le meurtre était avant tout un moyen privé de se re-trouver, et non pas un acte politique.

 

1. Ø Espoir d'un renouveau

Ü Sitôt après le meurtre, Lorenzo se détourne complètement du cadavre. Le duc n'a plus aucune importance : 

Ü Lyrisme de Lorenzo, qui, tourné vers la nuit, contemple sa propre nuit intérieure :

* suite d'exclamations lyriques, désignant l'harmonie du monde, la pureté, l'innocence. Vision d'une nature traditionnellement attachée à l'idée de vertu, d'un paradis ?

* accumulation de qualificatifs mélioratifs, d'hyperboles, d'anaphores, apostrophes lyriques, champ lexical de l'ouverture => sentiment de libération

* invocation du “Dieu de bonté” : Lorenzo l'athée reviendrait-il à la religion ?

ð Lorenzo redevient le jeune homme poète qu'il a été, et vit là un instant de grâce, au sens pascalien du terme.

 

2. Ø Annonce de la chûte

Ü Vision du Paradis : mort prochaine ?

Ü L'instant de grâce que vit Lorenzo est dérisoire car marqué du sceau de la folie : cette transfiguration est l'annonce d'une chute terrrible

Ü Lorenzo se coupe de la réalité par son délire, ce qui est mauvais signe

 

Conclusion Cette scène ne répond pas à l'attente du spectateur dans la mesure où on n'y trouve pas les débordements du romantisme. Néanmoins, elle réunit l'inten-sité dramatique, le lyrisme poétique et la dérision tragique.

La complexité du héros romantique ressort à travers le décalage entre l'at-titude froide et calculatrice de Lorenzo jusqu'au meurtre, et le délire échevelé qui s'ensuit.

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