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Les Contes : Reflet De Nos Rêves Ou De Nos Peurs ?

Publié le 10/10/2010

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Les Contes de Perrault illustrés par Gustave Doré dans l’édition Hetzel au 19ème siècle nous plongent dans un univers enchanté où les marraines-fées aux baguettes magiques, les belles princesses et les princes charmants côtoient des ogres affamés et des loups retors au fond de forêts profondes et terrifiantes. On peut donc se demander si cet univers onirique n’est pas au fond le reflet de nos rêves ou de nos cauchemars intimes. Nous verrons dans un premier temps lesquelles de nos aspirations sont ici mises en scène puis quelles angoisses sont représentées.

 

I —  Les Contes comme les illustrations mettent en évidence certaines envies, certains rêves 

 

Univers idyllique où les difficultés se résolvent à coups de baguette magique par des marraines fées protectrices et bienveillantes : quand Cendrillon veut aller au bal, son souhait est immédiatement exaucé • où le héros dispose d’atouts fabuleux : les bottes de sept lieues aideront le Petit Poucet, la forêt protégera la Belle au bois dormant jusqu’à ce que son prince la trouve

Personnages proches de la perfection qui nous renvoient une image idéalisée de nous-mêmes : ils sont parés de toutes les qualités : beauté éblouissante des jeunes filles comme  Grisélidis, Peau d’âne ou la cadette des Fées + toutes les vertus morales : courage et intelligence du Petit Poucet, patience, douceur, générosité de Cendrillon, PA, Grisélidis

Leur destin est exceptionnel : ils savent triompher des épreuves, même s’ils ont des handicaps : le Petit Poucet en dépit de sa petite taille sortira vainqueur

La fin est toujours synonyme de réussite : le personnage principal trouve le bonheur 

La richesse est au rendez-vous : la bergère ou la souillon deviennent princesses, vivront dans des châteaux ou des demeures fastueuses ; le Petit Poucet ou le Chat botté feront le bonheur des leurs en les faisant vivre dans l’abondance – l’ascension sociale ou la sécurité matérielle récompensent leurs vertus

L’amour est l’autre récompense : les cœurs purs faits l’un pour l’autre se rencontrent toujours, s’aiment et se marient lors de fêtes féériques (mariage de Peau d’Ane ou de Cendrillon)

Ce même climat règne dans certaines des illustrations de Doré :

Peau d’Ane déchue de son statut de princesse doit partir seule vers son destin mais Doré la représente « dans un joli cabriolet attelé d’un gros mouton qui savait tous les chemins « : le premier plan sous les arbres est sombre mais au bout du chemin la lune éclaire la scène, symbolisant l’espoir d’une issue favorable ; devenue pauvre bergère, on la voit se préparer à se baigner dans une nature paisible, son troupeau gambadant autour d’elle.

Lorsque le prince trouve la Belle endormie le même climat féérique règne : dans un somptueux décor gothique, la jeune princesse protégée par une nature foisonnante dort paisiblement baignée par la lumière tandis que le prince la découvrant ouvre les bras et accourt vers elle.

Cendrillon lors du bal  est le point de mire de tous les regards et le centre vers lequel converge la même exclamation : « Qu’elle est belle ! «

 

II —  Mais ces récits illustrent aussi des peurs profondes, élémentaires, fondamentales qui nous hantent.

Ne pas être aimé des siens, ne pas être reconnu à sa juste valeur pour au contraire se sentir injustement humilié par ceux-ci, rejeté ou exclu, voilà une situation récurrente dans les Contes : dans « Le Petit Poucet «, toute la famille se moque de ce petit dernier taciturne et les parents abandonnent leurs enfants au fond de la forêt ; Cendrillon doit subir les humiliations de sa belle-mère et de ses demi-sœurs sans pouvoir compter sur l’aide de son père tout comme la cadette des Fées victime de sa propre mère qui ne l’aime pas.

Dès lors, le héros se retrouve seul face à son destin et doit  assumer, aller vers l’inconnu en ne comptant que sur ses propres moyens : c’est Peau d’Ane devant quitter le château, la prospérité et la sécurité, pour devenir une souillon qui garde les cochons ; c’est le Petit Poucet égaré dans l’immense et menaçante forêt où rôdent les loups et les ogres 

La menace de la faim et de la misère plâne sur ces êtres : le fils du meunier n’a pour tout hériitage qu’un chat et envisage de le manger pour ne pas mourir de faim ; dans la famille du Petit Poucet, c’est aussi la disette qui contraint les parents à abandonner leurs enfants.

Mais le plus grand danger reste bien sûr d’être anéanti et de mourir : être dévoré par un ogre comme dans « Le Petit Poucet « ou avoir pour belle-mère une ogresse qui ne rêve que de chair fraîche comme dans « La Belle au bois dormant «, être englouti par un loup féroce aux grandes dents ; se retrouver face à une scène de carnage et prendre conscience que son époux est un monstre qui a assasiné toutes ses femmes comme dans « Barbe Bleue «

Gustave Doré a su exploiter avec brio cette dimension fantastique du conte

Lorsque Peau d’Ane fuit la demeure familiale, c’est de nuit, sous un ciel nuageux dissimulant la lune. Au fond un immense château gothique écrase la scène , tout comme l’immense escalier au pied duquel se trouve la jeune fille apeurée, serrée dans son vêtement 

Les scènes nocturnes du Petit Poucet sont toutes aussi angoissantes : voici la forêt, profonde, dense, labyrinthique et la demeure de l’ogre avec ses chauves –souris, décors dans lesquels les enfants paraissent minuscules

Sa représentation des « monstres « est tout aussi suggestive : l’immense Barbe Bleue se penchant vers sa frêle épouse et la fixant d’un regard démoniaque en lui tendant la clé du cabinet ; l’ogre énorme aux yeux globuleux toujours armé de son grand couteau ; le loup, puissant, musculeux , dont les longues griffes contrastent avec le drap blanc, bondissant sur la mère-grand ou fixant avidement l’enfant

 

En définitive, rêve et cauchemar sont indissociables dans le conte et Perrault tout autant que Doré ont exploité cette dualité. C’est ce double aspect qui donne au récit sa valeur didactique et sa dimension initiatique car le plus souvent le cauchemar devient rêve. L’enfant initié aux dangers du monde  peut saisir qu’il affrontera des épreuves, qu’il lui faudra vaincre ses peurs mais qu’il en sortira grandi s’il fait les bons choix car « Partout la vertu y est récompensée et le vice puni «. Il suscite ainsi chez l’enfant le désir de ressembler à ceux qu’ils voient devenir heureux et la crainte du malheur où les méchants sont tombés.

 

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