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L'etat De Droit Est-Il Achevé En France?

Publié le 17/01/2011

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droit

L'expression « État de droit « désigne un régime politique dont le fonctionnement et son organisation (répartition des pouvoirs) garantissent les libertés. Cette expression vient de l'allemand « Rechtsstaat «. L' État de droit s'oppose au droit du plus fort. La notion d' État de droit  est étroitement liée à celle de démocratie. En effet ses deux notions se trouvent parfois confondues et interverties. Une démocratie se juge à la qualité de son État de droit. Il ne peut pas y avoir de démocratie sans droit (même s'il est possible d'avoir un droit non démocratique). L 'État de droit est donc le cadre de protection des citoyens contre toute tentative liberticide. Michel Miaille définit cet État comme « l' anti-Léviathan «1. C'est donc le garant de la liberté, de la critique, des valeurs fondamentales. Du fait que le cadre de cet État de droit ne soit pas fixé, on peut dire qu'il est en perpétuelle évolution. Des débuts de la démocratie en France à aujourd'hui, l' État de droit, à l'exception du gouvernement de Vichy, n'a fait que s'améliorer. La question étant de savoir si l' État de droit a atteint un stade d'achèvement en France, nous nous pencherons essentiellement sur des évolutions récentes.

 

I. L' État de droit en France se perfectionne sans cesse...

 

1. Un État de droit présent depuis longtemps en France...

 

En définissant l' État de droit comme un organe de protection par le droit de l'individu, son respect et la limitation du pouvoir public, on peut donc admettre la présence en France d'un État de droit, d'autant plus que le contre-exemple de cet État de droit s'incarne dans les régimes totalitaires, n'ayant à la fois ni le même « degré d'oppression «, ni les mêmes principes. En France, on peut estimer la naissance de droit avec la création de la Déclaration des Droits de l' Homme en 1789. Cette évolution contredit à l'époque une certaine forme de totalitarisme : l' État absolutiste monarchique. Le texte de 1789 sert depuis de base à nombres d' États de droits et reste en France le pilier de la protection de l'individu. Ces principes se sont mêmes exportés universellement ou presque puisqu'aujourd'hui, les droits du citoyen sont reconnus au moins dans tous les pays occidentaux. 

De 1789 à aujourd'hui, de la première à la cinquième république, l' État de droit n'a cessé d'évoluer. Aujourd'hui, il se confronte aux nouvelles exigences de la modernité. Les Droits de l' Homme doivent évoluer, tant au point de vue des libertés individuelles, des droits économiques, sociaux et culturels qu'à celui des nouveaux domaines ouvertes par les progrès sociaux, économiques, scientifiques et techniques. D'où des nécessaires réformes...

 

1. ... qui se réforme pour s'adapter et donc d'améliorer

 

Il devient donc nécessaire, face aux évolutions perpétuelles de la société, que l' État de droit se modernise régulièrement. Il convient ici de s'intéresser aux réformes des deux dernières décennies pour observer dans quels sens se dirige l' État de droit. Dans ce processus, les politiques doivent contribuer sans cesse à l'amélioration de cet grand ensemble légal et les citoyens quant à eux doivent surveiller sa solidité et en dénoncer les défauts.

Factuellement, on peut citer tout un ensemble de mesures reflétant cette progression de l' État de droit. La peine de mort a été abrogée sous Badinter, tout comme les lois anti-casseurs et les lois Sécurité et libertés, instaurés sous Giscard d' Estaing, jugées liberticides. En 1992 a été mis sur pied un nouveau code pénal, plus moderne, répondant donc à l'impératif d'adaptation. De plus, les tribunaux d'exception ont été abolis, et le droit pénitentiaire a été réformé. 

Toujours dans le même souci de garantie des libertés, des mesures ont été mises en place face aux évolutions principalement technologiques et sociales. Pour préserver les libertés des individus face au développement de l'informatique a été créée la Commission Informatique et Libertés. La législation réglementant les écoutes téléphoniques est entrée en vigueur. S'y ajoute le Conseil supérieur de l' Audiovisuel.  La liberté de la presse a été réaffirmée avec cette institution, pour s'opposer à la mesure de VGE pour l'extension du monopole de la radio et de la télévision. D'autres services indépendants de l'administration ont été créés, dans un souci d'indépendance tel le Conseil de la Concurrence, dans le domaine économique. D'un point de vue social, le divorce par consentement mutuel, la majorité à 18 ans et l'extension du droit à l' IVG ont été instaurés.

Par ailleurs, il existe une Commission Consultative des Droits de l' Homme, agissant notamment dans le domaine de la bioéthique. Cette institution est un acquis de l' État de droit.

Au niveau du contrôle de la loi interne, on peut citer le développement du Conseil constitutionnel et l'extension du bloc de constitutionnalité. Malgré l'accusation de « gouvernement des juges «, cette réforme permet un meilleur contrôle de la constitutionnalité des lois et donc des libertés plus difficilement bafouées.

À ces avancées nationales, s'ajoutent des progrès communautaires : « L'Europe du droit « progresse avec l'amélioration du droit communautaire et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l' Homme.

À ce constat, d'autres réformes peuvent être ajoutées mais ce panorama montre bien l'évolution de l' État de droit en France conjointement avec celle de la société.

 

Malgré ces évolutions, des zones d'ombres sont aussi reprochés à l' État de droit, dans le domaine de la Justice notamment mais aussi dans le cadre du fonctionnement de l' État en lui-même.

 

I. ... mais reste cependant relativement loin de l' État de droit idéal

II.

1. Une justice défectueuse...

Les deux sources de crise de l' État de droit se trouvent à la fois dans la Justice, le système judiciaire et dans l' État lui-même.

Concernant la Justice, on peut tout d'abord citer un problème de garantie des libertés de l'individu entrant en rapport avec la Justice. Ainsi Jean-Claude Nicod se pose la question suivante : « Un État de droit peut-il maintenir les détenus dans des conditions aussi avilissantes que celles qui règnent dans certains établissements pénitentiaires ? Il arrive trop souvent que les droits de l' Homme ne soient pas garantis aux détenus. «2. On remarque tout d'abord un défaut notoire au niveau des conditions préalables de détention des individus. La notion de présomption d'innocence, issue de la Déclaration des Droits de l' Homme de 1789, a perdu tout son sens et a été totalement déformé par la presse, ce qui pousse Paul Lombard a affirmer que « Dans le temps, pour assister au spectacle du pilori, il fallait se rendre place de Grève ; aujourd'hui, il suffit de zapper devant son poste de télévision. «3. La notion d' inculpation  quant à elle, sert normalement à assurer une protection au prévenu alors qu'aujourd'hui, elle a été détournée jusqu'à devenir un synonyme de coupable.

Le système judiciaire se trouve lui aussi pleinement en crise. On constate une augmentation considérable du nombre de procès non maîtrisée. On parle aussi d'inflation législative. Face une somme trop importante de lois, la Justice se retrouve surpassée et n'est plus à même d'accomplir sa mission. S'ajoute aussi une crise de confiance de la population en la justice. Les Français ont perdu confiance en leur justice et souvent à cause des pouvoirs exécutif et législatif. C'est principalement à cause de l'accumulation des « affaires «, des auto-amnisties, des petits scandales que 73% des français considèrent que la justice remplit mal son rôle, 83% pensent que les riches et les pauvres ne sont pas traités de la même manière et que 90% estiment que la justice est soumise au pouvoir politique4. De plus, l'indépendance des juges est remise en cause et en lente disparition. La Justice de trouve stigmatisée par l'accusation des politiques de « gouvernement des juges « et ces politiques préfèrent conserver le pouvoir de nomination des Hauts Magistrats plutôt que de privilégier une magistrature indépendante. Enfin, s'ajoute aussi une crise d'accès. L'accès à la justice est difficile pour certains qui se retrouvent exclus du système judiciaire. La hausse des tarifs et des prestations des associations de médiation, de contrôle judiciaire ou d'aide aux victimes ne permettent pas à toute la population d'accéder dans les mêmes conditions au droit. Toutes ces crises se sont dues à une crise de moyen financiers.

 

2.   ... qui s'accompagne d'un État parfois contradictoire avec l' État de droit désiré

 

L' État au sein même de son fonctionnement présente aussi une limite à l' État de droit. Il se trouve qu'il est parfois bafoué ce qui fait dire à Claude Pernollet « le retour [de l' État français] à l' État de force «5. L' État de droit pâti de l'influence des groupes de pression qui consiste d'une certaine manière, une dérive maffieuse de l' État. Cela nous ramène à l'actualité des affaires. L' État lui-même s'oppose à l' État de droit dans certains. Ainsi Nicolas Poulantzas affirme que « L' État agit souvent en transgressant la propre loi-règle qu'il édicte non seulement en agissant à côté de cette loi mais en agissant contre sa propre loi «6. De plus, certains auteurs affirment aussi que l'impossibilité de l' État de droit en France actuellement, est du à un déséquilibre institutionnel entre l' Exécutif et le Législatif, provenant de l'architecture constitutionnelle de la Vème République. En effet, les dirigeants politiques ne sont responsables devant rien car le Parlement a un pouvoir inférieur à celui du Gouvernement. 

Enfin, on peut mettre en évidence les agissements de l' État à travers un domaine donné : l' État et les étrangers. Si l'on définit un État de droit a le qualité de son droit, de ses lois, on peut se poser la question de savoir si la politique d'immigration est compatible avec ce fameux État de droit. En effet, il s'agit depuis au moins une décennie de tenter de tarir l'immigration. VGE avait mis en place des réformes dans ce sens, jusqu'à aujourd'hui avec la mise en place de l'immigration choisie sous le gouvernement Chirac. Quelle est la qualité d'une loi visant à lutter contre l'immigration ? Dans ce cas, ne faut-il pas voir l' État de droit de biens dus à tous, que les États sont chargés de promouvoir en en facilitant l'organisation et le fonctionnement ?

 

Pour conclure, on peut donc dire que l' État de droit en France, depuis son apparition, a fortement évolué, cherchant à s'améliorer dans un souci constant d'adaptation du système politique aux modernisations sociales, économiques, technologiques,... Ces dernières décennies, de nombreuses réformes et mesures ont été mises en oeuvre, allant directement dans la direction de l' État de droit. Cependant, ce tableau est noirci par d'autres aspects du fonctionnement actuel du régime français qui font de l' État un idéal à atteindre. La Justice est en crise et l' État français a tendance aussi à s'opposer lui-même au but visé; ce qui nous fait dire que l' État de droit n'est actuellement pas achevé en France, mais qu'il reste une préoccupation toujours d'actualité, dans le but d'améliorer sans cesse l'organisation et le fonctionnement de l' État français pour garantir au maximum les libertés des citoyens. 

 

Bibliographie

 

L' État de droit en France. Ombres et Lumières. Colloque Droit et Démocratie du 18 novembre 1992, coll. Droit et Démocratie, éd. La Documentation Française, Paris, 1993

Allocutions de André Braunschweig, Guy Danet, Yves Jouffa, Jean-Claude Nicod et Claude Pernollet, p.11-37

L' État de droit. Travaux sur la mission de modernisation de l' État publiés sous la direction de Dominique Colas, coll. Questions, éd. Presses Universitaires de France, 1987. p.3-8 & p.215-251

Manuel de Droit Constitutionnel, Bernard Chantebout, coll. Sirey Université, éd. Dalloz, 24ème édition, août 2007. p.23

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