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L'instant Fatal -

Publié le 06/04/2013

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I- Un langage poétique libre et original. 1. Une oralité renforcée par l'emploi d'un registre de langue populaire. La syntaxe est également escamotée dans les phrases où disparaisse les adverbes de négations comme dans ce même vers 33, ainsi qu'au vers 43 « si tu le fais pas «. L'effet d'oralité généré par ses élisions intempestives contribue à assoir la modernité du poème. A ce sujet on peut encore noter, l'interjection « ah ah « qui se dispense des marques du discours direct. On trouve aussi dans ses vers des métaphores littéraires : « le teint de rose « vers 15, « la cuisse de nymphe « vers 19 qui voisine toutefois avec des images plus populaires telle que « la taille de guêpe « vers 16, et « les mignons biceps «. Les vers 39 à 44 offrent une analogie « entre les pétales « et « la mer étale / de tout les bonheurs « fondée sur un vocabulaire au connotation (les images qu'il provoque) et dénotation (ce que signifie le mot) particulièrement méliorative. 2. Une versification novatrice. Ce mélange des registres familier et soutenue, de ces langues populaires et nobles se doubles d'une versification apparemment désinvolte et cependant recherchée. On note l'abandon de la majuscules, de la ponctuation, ou encore d'un système de rimes régulier et la présence d'un contre rejet au vers 5-6 et 22-23 . 3. La musicalité du poème. On remarque en outre des répétitions récurrentes, qui, allié à l'utilisation d'un vers court et impaire : le pentasyllabe, tende à faire du texte un matériaux musical. Ce vers de 5 syllabes peu courant en poésie donne un côté ritournelle à ce poème et l'expression « soleil et planètes / tourne tous en rond « vers 29-30 évoque une ronde enfantine. Mais l'originalité formelle du poème n'occulte pas le goût persistant de son auteur pour une certaines forme de tradition poétique. II- Un attachement persistant à la tradition poétique. 1. La référence au genre poétique du blason. Même si le poème de Queneau affecte une certaine modernité sur le plan formelle à travers notamment l'excentricité langagière dont-il use malicieusement, il ne faut pas croire que le poète ce dispense totalement de la tradition poétique. Au contraire, il s'en nourrit de manière manifeste empruntant par exemple au genre du blason en vogue (à la mode) au 16ème siècle. Le blason est une forme de poème généralement versifiée et à rimes plates renfermant soit l'éloge, soit la satire (on parle alors de contre blason d'un être ou d'un objet avec une prédilection pour le corps féminin). Queneau ne déroge pas à la règle puisqu'après avoir vanter les charmes présents du corps juvénile de sa destinataire, il évoque sa laideur future de veille femme. 2. L'intertexte ronsardien La source principale dans laquelle Queneau puise son inspiration est le modèle ronsardien. Bien que le choix du pintasyllabe soit original et rare en isométrie (vers semblables), le mètre reste régulier et obéit à la scansion (marquer le nombre de pieds) du vers français la forme exploiter par Queneau peut évoquer le poème lyrique de l'antiquité déjà illustré par Ronssard. Les emprunts à ce dernier sont nombreux et variés. La tradition horatienne du carpe diem (: invitation à cueillir le jour présent sans se soucier du lendemain) que qu'on retrouve chez Ronssard rapperait chez Queneau. Au niveau de l'adresse les situations des deux poètes sont proches même si le locuteur (celui qui parle) parait moins impliqué chez Queneau qui n'a pas apriori pour objectif de récolter directement les gains de la philosophie prônée à la jeune fille. Tout deux installe en effet une proximité avec les destinateurs de leurs poèmes à travers « mignonne et fillette « « petite et ma petite «. Dés les premiers vers de « si tu t'imagines... « apparaît le thème du temps cruel et dévastateur déjà présent dans les deux poèmes de Ronssard. La dégradation du corps évoquée dans les vers 35 à 38 de « si tu t'imagines... « l'ai également dans « quand vous serez bien veille « : « quand vous serez une veille accroupie « et dans mignonne : « comme à cette fleur la vieillesse / fera ternir votre beauté «. C'est par analogie que le destin de la rose et de la femme que le carpe diem domine dans les trois poèmes. Les citations de Ronssard émaillent (éclair, dissimilé dans le poème) même directement le texte de Queneau : « ceuille, cueille, cueille / cueille, les rose / les rose « vers 39 - 41. Ces clins d'oeil instaurent une complicité avec le lecteur amateur de Ronssard mais cette complicité plaisante ne suscite pas pour autant la moquerie à l'égard du modèle. Le but de Queneau n'étant pas de parodie ni Ronsard, ni le carpe diem mais de s'inscrire dans une tradition poétique qu'il ravive et renouvelle. III- La tradition poétique renouvelée. 1. Le renouvellement du blason. Quelques vers rappel chez Queneau le genre du blason, les vers 15 à 20 font l'éloge du corps de la jeune fille à travers l'emploie de métaphore et d'adjectifs mélioratifs tel que : « rose «, « émail «, « nymphe «, « mignons «, « léger « ou entre l'expression « taille de guêpe «, mais si d'ordinaire le blason s'attache à une seule partie du corps, on en trouve plusieurs chez Queneau. L'originalité du blason tient aussi au mélange de stéréotypes du passé et du présent. Si le teint de rose ou le pied léger évoque les canons du passé, la taille de guêpe renvoie à des canons modernes et populaires. Les mignons biceps apportent une nouveauté en associant un terme très affectif à un autre plus technique. Les vers 35 à 38 appartiennent pour leur part au genre du contre blason si la ride véloce (rapide) affiche un caractère recherché et tient de l'euphémisme (atténue une idée), les vers qui suivent sont d'une précisions brutales et évoque les canons d'une laideur bourgeois plus proche d l'époque contemporaine de Queneau. 2. Une évocation du délabrement physique plus affirmée chez Queneau. Si comme Ronssard, Queneau fait preuve de cruauté à l'égard de sa destinataire en soulignant dans un premier temps sa beauté avant d'anticipé crument et avec une certaine jubilation narquoise (moqueuse) les dégâts que risquent de provoquer le passage du temps, il se montre sans doute encore plus redoutable que son prédécesseur. Il n'est pas besoin d'attendre la vieillesse chez Queneau pour que le corps s'enlaidisse. La ride est véloce et le relâchement et l'épaississement du corps surprennent dans la jeunesse même représentant une menace imminente très sournois « il s'approche «. Certes Ronssard inquiète en évoquant l'avenir de la mignonne, mais il ne donne aucun détail anatomique précis pour illustré les ravages de la vieillesse. On accordera néanmoins à Queneau d'atténuer sa cruauté par l'emploi affectueux de « fillette « et de consacrer en outre les derniers vers de son poème à une image émouvante des roses de la vie qui en devenant une mer étale peuvent suspendre la fuite du temps. 3. Une dimension humoristique. Autre composante du poème de Queneau permettant le renouvellement de la tradition : la dimension humoristique. Le poète fait le choix d'aborder la thématique sombre de la fuite du temps sur un ton léger et espiègle en accumulant cocasseries (bizarre et amusant) typographiques et facéties (plaisanteries) verbales. L'évocation de la future dégradation physique de la fillette prête elle même à sourire par son caractère hyperbolique puisque que la svelte nymphette se transforme sous nos yeux en l'espace de quatre vers en veille femme obèse et fripée. L'éclat de rire « ahah « qui retenti d'ailleurs au milieu du poème semble inviter le lecteur à se rire du temps qui passe, à accepter et dédramatiser la vieillesse et la mort. Puisqu'on ne peut les éviter, autant jouir avec insouciance du moment présent, seule façon d'atteindre à une forme d'éternité. Conclusion : Si Queneau revendique dans « si tu t'imagines... « une certaine innovation poétique en se libérant des carcans d'une poésie conventionnelle reposant sur l'emploi d'un système de rimes régulier, une syntaxe élaborée et d'un vocabulaire plutôt soutenu, et se rapproche du genre plus populaire de la chanson, le poème n'accuse pas pour autant de rupture nette avec la tradition poétique. Au contraire, il ranime le modèle ancien du blason du corps féminin et réactive le motif du carpe diem dans un dialogue ludique (amusant) quoi que dépourvu d'intention parodique avec la poésie ronsardienne. Mais Queneau ne se contente pas de plagier ces modèles, ils leur insufflent un nouveau dynamisme, fondant sa modernité sur un échange avec l'héritage poétique.

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