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Littérature Argumentative Et Société

Publié le 03/08/2010

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On a pour habitude d’associer à la littérature l’ensemble d’' uvres écrites susceptibles d’être soumises à un jugement esthétique .L’argumentation quant à elle, se rencontre dans des genres littéraires aussi variés que le théâtre , la poésie , l’essai ou le roman. Quelque soit la manière où le genre dans lequel elle est mise en oeuvre , son objectif ultime est de convaincre ou de persuader le destinataire du bien-fondé de l’opinion défendue qui , bien souvent , a trait au domaine politique , social ou culturel. D’où la problématique suivante : Quel rôle joue la littérature argumentative dans la société ? Dans le but d’apporter des réponses pertinentes à notre problématique , nous verrons d’abord que la littérature argumentative a la possibilité d’influer sur la société, puis nous nous efforcerons de mettre en évidence ses limites. Il paraît indubitable que la littérature argumentative constitue un outil précieux pour quiconque désire répandre des idées , à fortiori lorsqu’elles sont novatrices. En effet , la littérature argumentative a cela de bon qu’elle permet à celui qui en fait bon usage de présenter ses idées de sorte que ces dernières amènent les lecteurs à abonder dans son sens ou à défaut de porter un autre regard sur le sujet dont il est question. Ainsi ,lorsque Simone de Beauvoir ,dans son ouvrage Le Deuxième Sexe (1949)  , émet l’idée que c’est l’image de la femme véhiculée par la société qui amène cette dernière à croire qu’elle est intrinsèquement inférieure à l’homme , elle se positionne avec fermeté en faveur de l’émancipation féminine et invite les femmes à se regarder autrement. D’autre part , la littérature argumentative possède un rôle didactique voire émotionnel dont les hommes de lettre aiment faire usage. La littérature argumentative , même si elle a pour fonction principale la défense d’une opinion , ne se limite pas à cela. Elle sert également à transmettre des savoirs , à éclairer le lectorat sur des sujets abscons. D’où l’existence d’auteurs qui ont mis au centre de leur démarche de partage , des savoirs qu’ils jugent indispensables au progrès social et à l’évolution des mentalités et ce , en jouant parfois sur les émotions du destinataire. Par exemple , lorsque dans son Traité sur la tolérance(1763) Voltaire énonce les vétilles sur lesquelles sont fondés les sentiments de haine qui divisent les catholiques et les protestants , il joue sur les émotions autant que sur des faits patents et avérés pour obtenir l’adhésion des lecteurs. On peut aussi penser au Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes(1755), dans lequel Rousseau adopte une démarche pédagogique qui vise à faire admettre la véracité de la thèse selon laquelle la propriété est le point de passage des sociétés primitives aux sociétés civiles inégalitaires. Par ailleurs ,il convient de s’intéresser à la manière dont cette littérature joue sur les raisons et les c' urs par l’entremise de moyens rhétoriques liés aux visées argumentatives. Elle est au coeur des problèmes relatifs au domaine religieux ,social ou encore politique. En effet , il n’est pas rare qu’un écrivain ne mette son talent au service d’une cause : on parlera alors d’engagement. C’est ainsi que la poésie engagée, qui se singularise par un usage immodéré de figures et de style et de structures syntaxiques identiques ( le premier invitant lecteur à exercer son que la littérature argumentative a déjà prouvé qu’elle pouvait exercer une influence sur l’évolution immodéré tandis que le second est une bonne manière de faciliter la mémorisation et l’assimilation des textes )s’efforce d’indigner d’émouvoir ou de surprendre le destinataire pour obtenir son adhésion. Il est ici possible de citer le recueil Calligrammes (1918)de Guillaume Apollinaire dans lequel il exprime la souffrance et l’horreur qui procèdent de la guerre à travers des poèmes originaux qui interpellent le lecteur. Du reste ,on peut aussi mentionner Sartre, qui fait remarquer dans son livre Qu’est-ce que la littérature(1947) « que l’écrivain engagé sait que la parole est action «.Selon lui , l’écrivain qui se positionne en faveur d’une cause , a donc pleinement conscience du rôle qu’il peut jouer dans la défense de cette cause :l’écrivain se rend utile. Par ailleurs , il paraît certain que la littérature argumentative a déjà prouvé qu’elle pouvait exercer une influence sur l’évolution de la société dans le domaine moral et politique , notamment. Il suffit de se référer à l’Histoire pour s’apercevoir que par le passé , la littérature argumentative a inspiré de nombreux mouvements contestataires. En effet , elle s’est montrée à même de susciter une volonté de changement parfois de manière étonnamment plus radicale qu’elle ne l’avait souhaitée ,car allant jusqu’à être érigée en hymne à l’insurrection. Ainsi , à la fin du XVIII ème siècle , nombre de révolutionnaires se réclament de Rousseau et de son Contrat social , comme pour mieux marquer l’influence qu’il a exercé sur leur trajectoire et le moteur qu’il a été dans le processus révolutionnaire. De la même manière , mais sur le plan moral cette fois , la littérature argumentative a provoqué un bouleversement des mentalités. Ainsi vient à l’esprit le gigantesque retentissement qu’a connu l’Essai sur l’inégalité des races humaines(1853-1855) du comte Arthur de Gobineau , ouvrage dans lequel il effectue une hiérarchie des « races « , qui fait de lui l’un des premiers théoriciens du racisme sur lequel s’appuiera plus tard Adolf Hitler , par exemple. Donc , si la littérature argumentative joue à certains égards un rôle prépondérant dans la société ,un rôle d’orientation de la pensée , c’est possiblement parce qu’elle a le pouvoir d’éveiller les consciences et de rendre plus aisée la transmission de connaissances. Cependant , n’est-il pas permis de se demander si la littérature n’est pas , du fait de son caractère non décisionnel et de son éloignement plus ou moins marqué des réalités sociales , condamnée à jouer un rôle secondaire dans la société ? . C’est justement parce qu’elle ne peut être rien de plus qu’un laboratoire d’idées , et non pas un organe décisionnel reconnu comme tel , que la littérature argumentative est appelée à jouer un rôle indirect au sein de la société. L’écrivain américain du XX ème siècle , Russel Banks estime d’ailleurs « [qu’il] ne [croit] pas que la littérature puisse changer la politique. [Car,] elle n’agit pas au centre , mais seulement dans les marges. C’est toujours aux marges que se produit le changement , avant le cas échéant de gagner le centre «. Cette citation traduit très bien le caractère indirect de la littérature qui apparaît davantage comme un sac duquel on tire des idées intéressantes. De même, si l’on prend l’exemple de la vie politique française , on remarque aisément qu’il est fréquent que soient réunies à l’Assemblée nationale notamment, des commissions dans lesquelles interviennent des intellectuels ayant réalisés des ouvrages argumentatif défendant une thèse qu’ils veulent voir reconnue, et étudiée. Mais , lorsque l’on fait appel à eux , ce n’est évidemment qu’à titre consultatif. Donc , si la littérature argumentative n’est pas nécessairement dédaignée par les gouvernants , elle n’occupe pas forcément une place qui lui permet de peser sérieusement sur les choix politiques. Partant , il faut veiller à ne pas accorder à la littérature argumentative plus d’importance qu’elle n’en a réellement car (est-il besoin de le rappeler ?)ce n’est précisément que de la littérature. Une des autres raisons de son manque d’influence est qu’elle demeure représentation artistique qui , nolens volens , est intrinsèquement , peu ou prou, éloignées des réalités sociales. L’homme de lettres , même lorsqu’il s’ingénie à représenter fidèlement le réel , n’y parvient pas car , en lui , réside une subjectivité face à laquelle il ne peut mais , et de laquelle tire son origine le processus de création. N’est-ce pas là une des caractéristiques de l’artiste ? Ainsi , pour Zola , auteur de romans à thèse , « l’auteur ne voit les objets qu’à travers son tempérament ; il retranche , il ajoute , il modifie , et, en somme , le monde qu’il nous donne est un monde de son invention «(Le Salut public de Lyon,29 avril 1865).Alors , faut-il exiger des auteurs ,non pas une invention , mais une transcription de la réalité ?De l’avis de Milan Kundera(auteur de La Plaisanterie) la littérature «  nous apprend à comprendre le monde comme une interrogation à multiples visages «.Donc , il n’est pas stupide de penser que la propension de l’écrivain à s’éloigner de la réalité est motivée par la fonction même qu’il s’assigne. Toutefois , le point de vue selon lequel la littérature argumentative de par son caractère artistique est en décalage avec le monde réel peut être renforcé par la notion de liberté de l’écrivain qui , on peut le déplorer , est susceptible de légitimer l’outrancier éloignement des réalités de certains ouvrages. .En dépit de l’appartenance au domaine artistique de la littérature , il nous est apparu qu’elle a pu exercer son influence , que ce soit sur la morale , ou la politique. Mais , c’est aussi cette appartenance au domaine artistique et le fait qu’elle n’ait pas de pouvoir de décision qui la condamne à un rôle en de nombreux points secondaire , au sein de la société. En outre , l’actuel foisonnement des moyens d’expressions liés à l’ère numérique , n’invite pas à l’optimisme quant à la place que la littérature argumentative est amenée à occuper dans la société , à l’avenir.

 

 

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