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Madame Bovary - Le bal à La Vaubyessard

Publié le 03/08/2010

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bovary

I, 8 « Quand la contredanse fut finie […] se mit à respirer son bouquet. « pp. 84-87    Situation    Le bal est le sommet de la première partie. Il constitue l’un des rares moments où chez Emma, rêve et réalité coïncident. L’invitation du couple Bovary pour cette occasion est accidentelle : elle constitue en effet une marque de reconnaissance de la part du marquis d’Andervilliers que Charles a soulagé d’un abcès (Cf. fin du chapitre 7).  Le médecin n’a en réalité pas sa place dans cette société de hobereaux (= gentilshommes campagnards) normands. L’élégance d’Emma sauve la situation et elle a vite fait d’écarter son mari au nom des bienséances liées au corps médical. Elle sera donc seule à danser et rejoint à ce titre le luxe et la gratuité des romans.    I) Une société raffinée    1) L’élégance féminine    Les femmes ne sont pas vues par Emma dans leur individualité mais dans leur parure, qui est le signe extérieur de leur appartenance à un monde de luxe et de raffinement. C’est d’ailleurs la seule chose en elles qui intéresse Emma (Cf. « garnitures de dentelles «, « broches de diamant «, « bracelets à médaillon «, « chevelures «). Noter que les objets sont les sujets des verbes : « éventails – bouquets – flacons «, ce qui témoigne de l’importance qu’ils revêtent aux yeux d’Emma dont Flaubert adopte le point de vue.  Les verbes sont tous des verbes de mouvement qui ajoutent même au mouvement une nuance sensible : « frissonnaient – bruissaient « => Ces objets qui semblent doués d’une forme de vie apportent à l’héroïne une image de richesse et de sensualité. Noter que dans le roman, sa sensualité s’exprime toujours dans le luxe, le beau => extrême variété de ces détails de toilette qui s’oppose à l’uniformité laide des mères rejetées par Emma dans sa haine des femmes.    Par une forme de mimétisme stylistique, remarquer la noblesse et la beauté des phrases avec une tendance à l’ampleur qui traduit l’émerveillement d’Emma :    - « Sur la ligne…poignet « : un complément de lieu commun à trois propositions indépendantes de plus en plus riches => rythme ternaire de la valse de plus en plus étourdissante :  1. Sujet + verbe  2. Sujet + verbe + COD  3. Sujet / complément de nom + verbe + complément circonstanciel / subordonnée relative.    - « Les garnitures …bras nus «  Trois sujets de même longueur : nom + complément de nom  Trois verbes + un complément circonstanciel répondant à chacun des trois sujets.    - « Les chevelures…bluets «  Sujet + apposition double, verbe, trois compléments circonstanciels de manière et cinq compléments d’objet direct de plus en plus longs = enrichissement du rythme ternaire.    2) L’élégance masculine    La description est séparée du premier paragraphe par l’épisode de la danse pour ne pas lasser le lecteur. Ici les hommes sont regardés par Emma qui s’intéresse à eux (= focalisation interne). Ce sont des hommes « du monde « et leur ressemblance est fondée sur une communauté de richesse possédée de longue date, d’éducation et de conversation  On constate chez eux une aisance donnée par l’habitude du monde et la facilité de la vie.  Chez Emma, on remarque une admiration profonde => mélange de lucidité qui lui fait deviner ce qui fait la supériorité de ces hommes (contact journalier des belles choses…) et de romantisme vulgaire fondé sur des stéréotypes : ainsi, dans l’imaginaire de l’héroïne, ces hommes rejoignent-ils ses héros de roman dans des lieux communs : « passions journellement assouvies, domination des choses, chevaux de race, femmes perdues…«.  Elle s’extasie devant des conversations d’une atroce pauvreté : « causait Italie «, « grosseur des piliers de St Pierre « !  Nous retrouvons la même technique que dans le récit de la formation d’Emma : série d’éléments juxtaposés « piliers de Saint Pierre, Tivoli, le Vésuve… « => l’absence de subordination traduit ici encore l’absence de raisonnement.    II) Les « dessous « de cette société    1) Vanité    Les conversations sont vaines et tournent autour de thèmes convenus :  - Voyages en Italie => mode + snobisme de l’époque.  - Les courses de chevaux, dont le snobisme veut qu’elles aient lieu « en Angleterre «. Mais remarquer que l’exploit du héros a consisté à « saut[er] un fossé « ! => ironie de Flaubert.  De même, les noms « Miss Arabelle et Romulus « (Romulus = fondateur de Rome avec son frère Rémus) désignent ici des chevaux ! => tous ces détails symboliques stigmatisent impitoyablement sous la plume de l’auteur le ridicule et le vide d’existences oisives.    2) Hypocrisie    L’hypocrisie mondaine apparaît, entre autre, à travers les intrigues amoureuses révélées par la scène du billet doux intercepté par Emma. Cette scène très rapide était plus longue, descriptive et explicite à l’origine, mais Flaubert l’a resserrée pour mieux faire ressortir l’adresse de ces aristocrates rompus aux manœuvres douteuses.    Comparer avec la première version : « Une jeune femme blonde dont le maintien décent rehaussait le profil angélique était assise auprès d’Emma. Un cavalier en habit bleu passa devant elle, et s’inclina légèrement. « Puis il décrivait ensuite avec complaisance le manège de deux personnages : « Le monsieur s’avança par-dessus le dossier et pendant qu’il faisait le geste d’étendre le bras, Emma vit la jeune femme lui jeter quelque chose dans le chapeau en disant vite et bas : « Prends donc. « Cela fit en tombant un petit choc sur le carton du chapeau. «  Dans la version définitive, « une dame, près d’elle « remplace toute la première phrase. L’auteur s’efface davantage en ne parlant plus de « maintien décent « ni de « profil angélique « et, sans insister, laisse au lecteur le soin de tirer lui-même ses conclusions sur l’hypocrisie mondaine. Précisant « quelque chose de blanc «, il éclaire mieux la nature de l’objet jeté dans le chapeau, tandis qu’en supprimant quelques détails et le brutal « Prends donc «, il souligne davantage la muette complicité des gestes, rend la scène plus rapide et plus concise, plus mystérieuse aussi, et par là plus troublante pour l’héroïne et le lecteur.    3) Arrivisme    Les réceptions sont en réalité l’occasion de se faire connaître ou valoir. Elles cachent de solides intérêts financiers et politiques : ainsi, le bal lui-même n’est qu’un des éléments des manœuvres du marquis d’Andervilliers pour accéder à la chambre des députés.    III) Emma dans le grand monde    Flaubert met en scène ici le bonheur absolu de Mme Bovary immergée dans un monde qui, pour une fois, correspond à ses rêves. Débarrassée de Charles, elle s’y confond avec délices.    1) L’émotion de la danse    Une certaine timidité est rapidement vaincue par une sensualité qui la soumet au rythme de la danse : « se balayant «, « elle glissait « => parfaite adaptation et grâce d’Emma.  Son « sourire « traduit un état de « pleine satisfaction «.  Importance du violon = instrument aux sonorités plus ardentes que les autres, proche de la voix humaine. Là encore, Emma perçoit la musique par le trouble de ses sens.  On note une autre sensation auditive : « bruit clair des louis d’or « => chez Emma, la sensualité est toujours liée à l’argent à dépenser. Elle retient ce bruit entre tous les autres.  Tous les sens sont d’ailleurs représentés et sollicités : vue, ouïe (musique), toucher (des cavaliers), goût (« glace au marasquin «…), odorat (air, fleurs dans les cheveux…).  La dernière phrase qui décrit le contact de la danse se charge d’ailleurs d’une note d’érotisme, comme pour annoncer qu’afin d’assouvir ses désirs de grandeur, Emma devra passer par l’adultère : « se frôlaient «, « les mains se donnaient, se quittaient «, « les mêmes yeux, s’abaissant devant vous, revenaient se fixer sur les vôtres «.    2) La vision des paysans    En opposition avec le bal, Flaubert nous présente les paysans derrière la vitre, avec un effet de reflet. Ces paysans sont la réalité d’Emma (fille de fermier et femme de médecin de campagne) mais ici sont reniés, rejetés comme irréels. Ils sont d’ailleurs associés à une image éclatée et à un bruit de brisure avec les « éclats de verre « de la fenêtre cassée. De même, l’image carcérale des « barreaux « rappelle que pour Emma, le monde paysan est une prison.  Ce qui est vrai pour elle, c'est-à-dire digne d’appartenir à la réalité de son vécu, c’est le bal, c’est-à-dire le rêve : « autour du bal, il n’y avait plus que de l’ombre, étalée sur tout le reste « : ce voile symbolique de son inconscient est symptomatique de son refus de la réalité.  La phrase suivante la ramène au rêve qui est sa seule réalité : « Elle mangeait alors une glace au marasquin, qu’elle tenait de la main gauche dans une coquille de vermeil, et fermait à demi les yeux, la cuiller entre les dents. « Ici encore, les yeux mi-clos révèlent la sensualité de l’héroïne qui pose pour elle-même, toute à son plaisir de la dégustation dans un cadre luxueux (vermeil = argent recouvert d’or), mais aussi sa fermeture à une réalité insupportable…    Conclusion    Les instants de bonheur d’Emma sont ceux où le réel paraît se fondre avec le rêve. Le bal en est un, le plus intense peut-être. Mais le désastre d’Emma est son incapacité à accepter le réel lorsqu’il est différent du rêve et à faire la part entre les deux.

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« du héros a consisté à « saut[er] un fossé » ! => ironie de Flaubert.De même, les noms « Miss Arabelle et Romulus » (Romulus = fondateur de Rome avec son frère Rémus) désignent icides chevaux ! => tous ces détails symboliques stigmatisent impitoyablement sous la plume de l'auteur le ridicule etle vide d'existences oisives. 2) Hypocrisie L'hypocrisie mondaine apparaît, entre autre, à travers les intrigues amoureuses révélées par la scène du billet douxintercepté par Emma.

Cette scène très rapide était plus longue, descriptive et explicite à l'origine, mais Flaubert l'aresserrée pour mieux faire ressortir l'adresse de ces aristocrates rompus aux manœuvres douteuses. Comparer avec la première version : « Une jeune femme blonde dont le maintien décent rehaussait le profil angéliqueétait assise auprès d'Emma.

Un cavalier en habit bleu passa devant elle, et s'inclina légèrement.

» Puis il décrivaitensuite avec complaisance le manège de deux personnages : « Le monsieur s'avança par-dessus le dossier etpendant qu'il faisait le geste d'étendre le bras, Emma vit la jeune femme lui jeter quelque chose dans le chapeau endisant vite et bas : « Prends donc.

» Cela fit en tombant un petit choc sur le carton du chapeau.

»Dans la version définitive, « une dame, près d'elle » remplace toute la première phrase.

L'auteur s'efface davantageen ne parlant plus de « maintien décent » ni de « profil angélique » et, sans insister, laisse au lecteur le soin de tirerlui-même ses conclusions sur l'hypocrisie mondaine.

Précisant « quelque chose de blanc », il éclaire mieux la naturede l'objet jeté dans le chapeau, tandis qu'en supprimant quelques détails et le brutal « Prends donc », il soulignedavantage la muette complicité des gestes, rend la scène plus rapide et plus concise, plus mystérieuse aussi, et parlà plus troublante pour l'héroïne et le lecteur. 3) Arrivisme Les réceptions sont en réalité l'occasion de se faire connaître ou valoir.

Elles cachent de solides intérêts financierset politiques : ainsi, le bal lui-même n'est qu'un des éléments des manœuvres du marquis d'Andervilliers pour accéderà la chambre des députés. III) Emma dans le grand monde Flaubert met en scène ici le bonheur absolu de Mme Bovary immergée dans un monde qui, pour une fois, correspondà ses rêves.

Débarrassée de Charles, elle s'y confond avec délices. 1) L'émotion de la danse Une certaine timidité est rapidement vaincue par une sensualité qui la soumet au rythme de la danse : « se balayant», « elle glissait » => parfaite adaptation et grâce d'Emma.Son « sourire » traduit un état de « pleine satisfaction ».Importance du violon = instrument aux sonorités plus ardentes que les autres, proche de la voix humaine.

Là encore,Emma perçoit la musique par le trouble de ses sens.On note une autre sensation auditive : « bruit clair des louis d'or » => chez Emma, la sensualité est toujours liée àl'argent à dépenser.

Elle retient ce bruit entre tous les autres.Tous les sens sont d'ailleurs représentés et sollicités : vue, ouïe (musique), toucher (des cavaliers), goût (« glaceau marasquin »…), odorat (air, fleurs dans les cheveux…).La dernière phrase qui décrit le contact de la danse se charge d'ailleurs d'une note d'érotisme, comme pourannoncer qu'afin d'assouvir ses désirs de grandeur, Emma devra passer par l'adultère : « se frôlaient », « les mainsse donnaient, se quittaient », « les mêmes yeux, s'abaissant devant vous, revenaient se fixer sur les vôtres ». 2) La vision des paysans En opposition avec le bal, Flaubert nous présente les paysans derrière la vitre, avec un effet de reflet.

Ces paysanssont la réalité d'Emma (fille de fermier et femme de médecin de campagne) mais ici sont reniés, rejetés commeirréels.

Ils sont d'ailleurs associés à une image éclatée et à un bruit de brisure avec les « éclats de verre » de lafenêtre cassée.

De même, l'image carcérale des « barreaux » rappelle que pour Emma, le monde paysan est uneprison.Ce qui est vrai pour elle, c'est-à-dire digne d'appartenir à la réalité de son vécu, c'est le bal, c'est-à-dire le rêve : «autour du bal, il n'y avait plus que de l'ombre, étalée sur tout le reste » : ce voile symbolique de son inconscient estsymptomatique de son refus de la réalité.La phrase suivante la ramène au rêve qui est sa seule réalité : « Elle mangeait alors une glace au marasquin, qu'elletenait de la main gauche dans une coquille de vermeil, et fermait à demi les yeux, la cuiller entre les dents.

» Iciencore, les yeux mi-clos révèlent la sensualité de l'héroïne qui pose pour elle-même, toute à son plaisir de ladégustation dans un cadre luxueux (vermeil = argent recouvert d'or), mais aussi sa fermeture à une réalitéinsupportable… Conclusion Les instants de bonheur d'Emma sont ceux où le réel paraît se fondre avec le rêve.

Le bal en est un, le plus intensepeut-être.

Mais le désastre d'Emma est son incapacité à accepter le réel lorsqu'il est différent du rêve et à faire la. »

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