Devoir de Philosophie

Methode de Dissertation

Publié le 02/01/2011

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Méthodologie de la Dissertation

 

Et tout d’abord une remarque. Vous êtes appelé à disserter. Qu’est-ce à dire ? Une chose très simple : produire un texte philosophique. Ni plus ni moins. Autrement dit vous devez construire vos devoirs sur le modèle des extraits que nous étudions en cours. Ce qui m’amène à rappeler ce que vous savez déjà : la structure d’un texte philosophique est la suivante : Problème / Argumentation / Thèse. Si vous comprenez bien cela, vous aurez compris l’essentiel : on attend de vous que vous apportiez une réponse argumentée à une question donnée.  Commençons donc par le commencement : la question.

I.                  Analyser l’énoncé

On vous pose une question, c’est à cette question et non pas à une autre qu’il s’agit de répondre. Quand bien même votre réflexion serait intéressante, si vous répondez à un autre problème qu’à celui qui vous est proposé, vous passerez à côté du sujet. Ce qui s’appelle faire un hors sujet. Est-il besoin de souligner les conséquences d’une telle erreur[1] ? Je crois que non. Il est en revanche important de s’arrêter un instant su les causes de ce mal, et sur les moyens de l’éviter.

1. Pourquoi se trompe-t-on sur le sens de l’énoncé ?

On peut invoquer plusieurs raisons :

  1. Une lecture trop rapide

Le premier travail, et il est essentiel, consiste à lire le sujet. A priori, rien de plus simple, pourtant c’est une réelle difficulté : trop souvent nous lisons mal et nous lisons mal parce que nous lisons trop vite. Il faut absolument prendre le temps de comprendre l’énoncé. Et ici, comme pour l’interprétation des textes, nous sommes souvent induits en erreur par la première lecture que nous en faisons : « c’est ça le sujet, répondons-y ». Le problème, c’est qu’à partir trop vite, et donc à s’en tenir à la première interprétation de l’énoncé, on ne cerne pas précisément le sens de la question voire on passe à côté de celle-ci. La première impression est un obstacle à la compréhension du sujet. Il faut s’en méfier. On ne comprend le sens du sujet qu’après l’avoir travaillé pendant un certain temps.

  1. La question ne nous convient pas 

Face à une question qui ne vous convient pas (le sujet ne nous intéresse que modérément, on n’a pas traité la question en cours – ou on a « oublié » de réviser ce cours là précisément) il est tentant de substituer à ce sujet scandaleux un autre sujet plus à votre convenance. De grâce prêtez un peu de bon sens à votre correcteur : il n’est pas bien intelligent, c’est acquis, mais tout de même…il est peu probable que la ruse s’avère payante.

  1. La question nous plaît

Le sujet vous intéresse : il évoque un thème qui vous passionne[2] : vous foncez donc tête baissée. Et vous ne faites pas l’effort de cerner précisément la question posée.

2. Comment éviter le drame ?

Il faut, convenons-en, éviter l’écueil du hors sujet. Surtout si on veut avoir une bonne note. Sinon évidemment…

Pour cela il faut tout d’abord prendre le temps de lire attentivement l’énoncé. Mais comment s’y prendre concrètement ?

  1. Faire attention à la forme du sujet

 

Les sujets se présentent presque toujours sous la forme de question. On peut, certes, vous proposer des citations à discuter, ou, à la limite un concept à étudier – mais ce sont des cas particuliers, et il est très peu probable que le sujet se présente sous cette forme. Or il n’y a pas cent cinquante manière de tourner une question.

 On peut vous demander :

-         Faut-il ?

-         Peut-on ?

-         En quoi ?

-         Qu’est-ce que ?

-         Pourquoi ?

-         Comment ?

Etc.

La première chose à faire c’est de bien cerner la forme de la question. Peu importe le thème, que vous deviez réfléchir sur l’Etat, le Désir ou autre chose encore, si il vous est demandé « qu’est-ce que (…), », il est entendu qu’on attendra de vous in fine une définition. De la même façon si la question commence par « faut-il (…) ? » ou encore « peut-on », seule une réponse du type oui / non sera proprement pertinente.

  1. Analyser les concepts

Si la question a une forme, il n’en reste pas moins qu’elle porte sur un thème déterminé. La Liberté ou le Devoir par exemple. Il est bien évident que vous ne pourrez traiter de manière réellement approfondie et donc satisfaisante le sujet que si vous faites l’effort de bien définir ces concepts. Ils ont un sens précis, c’est en ce sens qu’il faut les prendre ; ils peuvent s’entendre en plusieurs sens, il faut tenir compte de cette polysémie. Quoi qu’il en soit votre réflexion doit prendre appui sur des définitions rigoureuses.

Cependant, si chaque mot importe il ne faut pas pour autant se perdre dans des analyses préliminaires vous éloignant de la question. Soyez rigoureux, pas psychorigides ; soyez précis, pas tatillon. Subtilité n’est pas pinaillage ! Diantre !

II. Comprendre le sens de la question : la problématisation ; les enjeux

Si on vous propose un sujet, c’est qu’il appelle la réflexion. Vous devez partir du principe, même si vous détestez votre professeur, ou si vous méprisez la caste des enseignants, que le sujet est intéressant ; et que s’il ne vous apparaît pas sous ce jour c’est uniquement parce que vous n’y avez pas encore suffisamment réfléchi.

Le but du jeu c’est donc de comprendre l’intérêt de la question, ce pour quoi on vous la pose. Or, si vous m’autorisez cette facilité, une question intéressante doit répondre à deux conditions : être une question et être intéressante. Procédons avec méthode.

  1. Une question, donc

Une question n’est pas une affirmation détournée, c'est-à-dire une question purement rhétorique. Une question n’en est vraiment une que lorsque aucune réponse ne s’impose a priori, c'est-à-dire lorsqu’elle ne va pas de soi. Ce qui se produit quand :

-         Aucune réponse connue ne nous semble pertinente. Il faut donc en trouver une nouvelle.

-         Plusieurs réponses fortes sont en concurrence. Il faut alors prendre parti dans le débat.

Au fond problématiser une question, c’est précisément montrer en quoi celle-ci n’admettant pas de réponse évidente, mérite qu’on prenne le temps d’y réfléchir et d’en débattre.

  1. Et intéressante, qui plus est

On vous pose une question. Que faut-il faire ? Que faut-il en faire ? Deux choses, au moins. Tout d’abord, il convient de retrouver le problème (« ce qui fait question ») dont est née la question proposée. Mais ce n’est pas tout. Dites-vous bien qu’on ne vous pose pas de questions au hasard, elle renvoie à un véritable problème. Si la question est posée, c’est d’abord parce qu’elle mérite d’être posée (c’est une question qui n’est pas anodine). Ce sont les enjeux d’un problème qui en font l’intérêt. Mais comment s’y prendre pour mettre à jour ces « enjeux » ?

Il me semble essentiel, ici, de réfléchir aux réponses possibles et de cerner les conséquences qu’il y a à soutenir ces différentes positions. Car la réponse qu’on apporte à une question philosophique n’est pas sans conséquences. Si vous voulez que votre lecteur ait envie de vous lire, vous devez lui montrer quels sont, justement, les enjeux de la question proposée. De même qu’en sport, les matches intéressants sont les matches à enjeux, de même, les dissertations de philosophie deviennent intéressantes lorsque les réponses possibles sont importantes, nous engagent (vers un ‘style de vie’, vers un ‘modèle de société’ ou une ‘posture morale’). N’hésitons pas à le dire : votre existence ne sera pas la même selon que vous opterez pour telle ou telle réponse. C’est de votre « vision du monde » qu’il s’agit, et c’est bien en fonction de celle-ci que vous vous orientez dans la vie. Quand je dis que c’est de votre existence qu’il retourne je ne plaisante qu’à moitié. Disons que je dramatise – un peu. Je dirais presque que comprendre les enjeux d’une question c’est comprendre ce en quoi elle met notre existence (la compréhension que nous avons de nous-même, des autres et du monde) en jeu.

Prenons un exemple. « La violence peut-elle être légitime ? » Si je réponds oui, alors, je justifie l’action révolutionnaire, mais peut-être aussi le meurtre. A l’inverse, si je réponds non (parce que, justement, le meurtre me paraît injustifiable), je me condamne peut-être à l’inaction ou, du moins à l’inefficacité. On voit ici les deux positions possibles : soit je me refuse à la violence au nom de la ‘morale’, soit, j’accepte d’être violent au nom des nécessités de l’action. Les enjeux sont clairs : celui qui refuse la violence ne peut pas « transformer » le monde, « faire » l’histoire[3]. A l’opposé, celui qui se donne le droit d’être violent se donne aussi la possibilité d’agir sur le monde – mais encourt le risque de sombrer dans l’arbitraire.

III. Le travail de réflexion

Après avoir analysé l’énoncé, vous avez compris le sens de la question, c'est-à-dire son intérêt. Vous voilà en mesure de chercher une réponse. Mais comment s’y prendre ?

1. Qu’il faut savoir faire face aux circonstances

Vous devez vous adapter au sujet qui vous est donné. Je prends deux exemples.

Supposons que la question soit du type : « faut-il ? ». Vous savez que la réponse attendue est du type oui / non[4]. Vous allez donc examiner les arguments en faveur de chacune des réponses. Il s’agira d’abord de les trouver et de les organiser (si vous trouvez plusieurs arguments en faveur de chaque parti), puis de vous demander lesquels sont les plus convaincants. Il faut confronter les arguments car c’est de cette confrontation que naîtra la réponse que vous proposerez.

Supposons maintenant une question du type « qu’est-ce que ? ». Il sera pertinent de partir de définitions simples, celles que propose le sens commun, celles qui vous viennent naturellement à l’esprit. Il faut bien partir de quelque chose, et si on vous demande de définir un concept ou une expression c’est qu’on suppose que le mot ou la formule ne vous est pas absolument inconnue.  Mais on attendra de vous que vous ne vous en teniez pas là. Sinon, quel intérêt ? Vous devrez donc approfondir votre « définition-point-de-départ » quitte, peut-être, à l’abandonner au final.

2. Du cours, des auteurs 

Le cours peut vous aider à élaborer votre réflexion. Je vous y présente en effet des auteurs qui ont réfléchi, bien souvent, aux questions qui vous sont soumises. Il peut être intéressant de savoir ce qu’un Platon, un Descartes ou un Kant aurait répondu. De la même façon, il est possible que, durant le cours, j’aie été amené à soutenir ma propre thèse sur tel ou tel problème. Certes je ne suis pas Kant, mais enfin ce n’est pas pour cela que ce que je dis est nécessairement faux[5].

Soyons précis sur ce point. Je ne vous demande pas de répéter ce qu’un auteur ou un autre dit. Après tout, si ce que je dis n’est pas forcément faux, ce que dit Kant n’est pas nécessairement vrai. Mais, il s’agit de Kant et si ce qu’il écrit n’est pas nécessairement vrai, ce qu’il pense est très probablement intéressant. On aura donc tout intérêt à le convoquer pour l’interroger, quoi qu’on en retienne au final.

Asséner une référence, fut-ce la célèbre Critique de la raison pure, n’est pas donner une preuve[6] ! Il ne faut pas se cacher derrière les auteurs. En revanche il faut dialoguer avec eux. Qu’ont-ils dit ? Et surtout, que pensons-nous de ce qu’ils ont dit ? On est toujours plus intelligent à plusieurs que seul (je me permets de faire remarquer, qu’étymologiquement, un « idiot » est une personne ne parvenant pas à sortir d’elle-même, à penser depuis le point de vue de l’autre). Si du moins, on fait preuve d’esprit critique.

N’oubliez jamais ceci : l’important n’est ni de penser comme pense votre prof, ni de dire à votre examinateur ce que pense Sartre ; l’important est de développer votre propre pensée de façon cohérente et convaincante – c’est à dire solidement argumentée[7]. Reste que les meilleures copies sont celles qui parviennent à concilier culture philosophique et réflexion personnelle. Vous devez tendre vers cet idéal.

IV. Le Plan

Venons-en à la douloureuse question du plan.

1. Du plan, qu’il est nécessaire

Le principe de base que vous devez toujours avoir à l’esprit est le suivant : aucun plan n’est imposé, mais il est imposé d’avoir un plan. En effet, si votre pensée n’est pas organisée :

-         On suivra difficilement votre raisonnement. Or si votre raisonnement est mal ordonné, il ne pourra pas convaincre.

-         On en conclura que vous n’êtes pas au clair avec vous-même. Il est bien connu que « ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement ». De là à dire que « ce qui s’énonce confusément, dénonce une pensée obscure à elle-même » il n’y a qu’un pas – que vos correcteurs, même les moins sadiques, n’hésiterons pas à franchir.

2. Nécessaire, certes, mais encore?

a. Le chef, c’est vous

C’est avec cette question que les choses se compliquent. Car, justement, il est impossible de donner une réponse à cette question. Ou, plus exactement, il est impossible de présenter un modèle qu’il serait possible d’utiliser à chaque fois et quel que soit le sujet. Il faut bien comprendre d’une part que le plan dépend de ce que vous voulez dire (et je ne sais pas ce que vous voulez dire), et d’autre part, qu’on ne fera pas le même plan quand la question appelle une définition et quand elle exige une réponse du type oui / non. Ce qui m’amène à faire la remarque suivante : ne commencez pas par faire un plan ; commencez par réfléchir[8]. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs ! Autre manière de dire la même chose : le plan ne doit pas être un carcan, il ne doit pas vous empêcher de penser – il est la forme que va trouver votre pensée pour s’exprimer[9].

b. Ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi

Aucun plan n’est imposé, mais il existe des types de plan assez « pratiques ». Je peux vous en donner les principes, ce sera à vous d’adapter ces modèles aux sujets que vous rencontrerez. A vous d’introduire la subtilité là où je me contente du minimum de rigueur qu’on est en droit d’attendre de vous.

Le but du jeu c’est, partant de la question donnée, d’élaborer une réponse convaincante. Il s’agit donc, quel que soit le plan suivi, de progresser vers sa réponse. Il ne faut pas commencer par la fin ! Si vous êtes une vache, vous êtes une vache qui mène l’enquête. Un conseil, si vous voulez rendre votre devoir vivant (donc agréable) construisez-le comme un roman policier. Ménagez le suspens…

Venons-en maintenant aux différents plans possibles.

Je peux vous proposer plusieurs manières de procéder. Attention, ce que je vais distinguer, vous pouvez, si vous le jugez souhaitable, le « mêler »[10]. Les types de plan que je distingue ne s’opposent pas : ainsi, par exemple, la réponse du bon sens peut correspondre à la thèse du plan dialectique…D’autre part, je me contente de structure ternaires (plan en trois parties) : essayez d’aller plus loin : subdivisez chacune des parties (chaque partie peut elle-même être construite sur ce modèle ternaire par exemple - ce qui donne un plan en 9 parties, ou du moins être divisée en paragraphes dont, le premier introduit l’idée, le second l’argumente, et le troisième l’illustre par un exemple. Les plus pervers d’entre vous peuvent s’amuser à construire un plan en 27 parties  selon le principe que je viens de donner : trois grandes parties, chacune subdivisée en trois sous parties, chaque sous partie étant faite sur le modèle idée / argument / exemple)[11]

a. Premier modèle :

I.                    La réponse du Bon sens : la solution immédiate

Vous présentez la réponse du « bon sens », c'est-à-dire soit l’opinion commune soit votre propre opinion de départ (ce que vous répondriez naturellement, sans réfléchir). Bien entendu vous argumenterez cette réponse.

Après tout, il faut bien partir de quelque part, penser à partir de quelque chose. L’opinion constitue ce point de départ.

II.                 La mise à l’épreuve de cette réponse

Mais l’opinion se fonde bien souvent sur de simples impressions, sur des préjugés. L’opinion, en ce sens, c’est l’irréfléchi[12]. Est-ce à dire que je pense ainsi plutôt qu’autrement sans raison ? Non, bien entendu, mais les raisons que j’invoque sont :

-         Confuses. Au fond, je n’y ai pas tellement réfléchi, je n’ai pas pris le temps de « mettre les choses au clair ».

-         Fondées sur les apparences. « Il semble que (…) ». S’en tenir aux apparences c’est s’en tenir au vraisemblable. Et le vrai-semblable n’est pas le vrai : si les apparences ne sont pas nécessairement trompeuses, elles le sont parfois cependant. Qui cherche la vérité ne peut donc s’y fier.

Il faut par conséquent prendre du recul, examiner cette opinion (fut-ce la nôtre) qui se présente comme une réponse naturelle et peut-être « évidente ». Comme le dit Alain, il faut se méfier et avant tout de soi-même ! A l’opinion succède la réflexion. Et je rappelle ici que réfléchir c’est revenir sur (soi). C'est-à-dire revenir sur ses propres opinions. Vous allez donc critiquer votre opinion (ou l’opinion commune). Montrer en quoi elle est insuffisante ou pourquoi elle est intenable.

III.               La Thèse

Il fallait partir de quelque part, vous êtes parti de l’opinion. Mais, voilà, après examen, votre confiance en celle-ci s’est effritée – et c’est un euphémisme. Faut-il s’arrêter là ? Non ! Vous devez maintenant dépasser l’opinion, proposer une réponse plus pertinente, mieux fondée. Et ceci est possible, justement parce que vous  avez pris le temps de la réflexion.

b. Deuxième modèle :

Disons que votre travail préparatoire vous a conduit à une réponse. Appelons cette réponse A. Vous savez donc que votre devoir doit se terminer par ce « A ». Comment procéder dès lors ? A vrai dire simplement. Puisque vous voulez aboutir à « A », vous partirez de « -A » (la réponse opposée) ou de « B » (une autre réponse). Vous critiquerez ensuite ce « -A » ou ce « B ». Ce qui ne devrait pas être trop difficile puisque ce n’est, par définition, pas la réponse que vous avez jugée pertinente. Ayant opéré cette critique, vous aboutirez tout naturellement à A, dont, bien entendu vous chanterez les louanges. Ce qui donne le plan :

I.                    –A (ou B)

II.                 Critique

III.               A

Comme vous le voyez ce plan ne diffère pas fondamentalement du précédent. Dans les deux cas, en effet, on part d’une réponse puis on la critique et, enfin, on propose une solution plus pertinente puisque tenant compte de ce moment critique.

c. Troisième modèle : le plan dialectique

I.                    Thèse

A la question posée j’apporte une première réponse. Par exemple, à la question « faut-il obéir aux lois ? », je réponds avec l’anarchiste : non. Et, bien entendu, j’explique pourquoi. Puis, après avoir mis en lumière la force de cette solution, j’en montre les faiblesses.

II.                 Antithèse

Puisque la solution n’est pas vraiment convaincante, j’examine la solution adverse, celle des légalistes. Là encore je montre en quoi cette thèse est pertinente. Puis (n’hésitant pas à rappeler les aspects positifs de la position anarchiste – « oui, mais, si j’accepte la thèse légaliste je renonce à ce que l’anarchiste affirme avec raison ») je souligne les limites de cette seconde thèse (que j’ai appelée antithèse, dans la mesure où elle s’oppose à la position de départ).

III.               Synthèse

Ayant examiné les deux thèses extrêmes j’en arrive à la conclusion que, quoique l’une et l’autre ait raison à certains égards (l’anarchiste a raison de tenir à la « liberté individuelle » ; le légaliste a raison de soutenir que les lois sont nécessaires à l’ordre – et qu’il n’y a pas de société sans ordre), aucune n’est réellement satisfaisante (l’anarchisme conduit au désordre ; le légalisme tend à confondre le légal et le légitime – or une loi peut être injuste). Il convient donc d’opérer la « synthèse ». Qu’est-ce à dire ? Il s’agit de conserver de chacune des réponse ce qu’elle a de pertinent tout en la « nettoyant » de ce qui la rend intenable. La synthèse essaiera de concilier ordre et liberté. Par exemple en affirmant que s’il faut accepter de se plier à la loi y compris lorsqu’elle ne nous sied guère, il faut néanmoins, dans certaines circonstances (lorsque notre conscience nous le commande) savoir désobéir.

Deux remarques s’imposent. (1)Quand vous construisez un plan de ce style ou d’un autre, d’ailleurs, vous devez soigner les transitions. L’erreur serait d’opposer la thèse et l’antithèse sans que le passage de l’une à l’autre ne soit motivé. Ce sont les faiblesses de la thèse qui suscite l’examen de l’antithèse. Autrement dit la structure du raisonnement n’est pas Oui / Non (suivi d’une réponse dépassant et le oui et le non), mais plutôt : il pourrait sembler que « oui » / Mais (…) / il pourrait donc sembler plus pertinent de penser que « non » / Mais (…) (suivi de votre solution). (2)La synthèse est une réponse, pas une fuite…faire la synthèse ce n’est pas dire « oui et non ». Il faut soutenir une réponse : oui, non ou une réponse nuancée du type : oui, à certaines conditions ; non, mais…etc. J’insiste. « Oui et non » c’est une réponse qui se contredit elle-même. On ne peut dire une chose et son contraire. Imaginons. Je vous demande « cette table est-elle jolie ? ». Vous ne répondrez pas, je pense, « elle est belle et elle est affreuse ». Soit vous la trouvez belle, soit vous la trouvez affreuse soit vous la trouvez « bof »… « bof » est une réponse sensée, pas « belle et moche » - qui ne veut rien dire !

d. Le plan thématique

Une question peut être abordée sous des angles différents. Elle peut avoir une dimension politique, mais elle sans se limiter pour autant à cet aspect. Il est possible que cette question ait aussi une dimension éthique, épistémologique, que sais-je encore ? Or il faut essayer de traiter les sujets sous tous les aspects intéressants. On étudiera donc le problème sous l’angle éthique, politique, etc. On n’hésitera pas à distinguer trois aspects fondamentaux (les philosophes aiment le trois…). Je souligne ici simplement que la difficulté sera de réussir à articuler les trois parties. Il faudra donc travailler les transitions, les articulations – afin de montrer pourquoi la question après avoir été traitée sous un angle doit l’être, ensuite, sous un autre.

3. De l’introduction et de la conclusion, qu’il faut les soigner

Je me suis attardé sur le corps de votre travail. Reste que celui-ci est encadré de deux parties absolument décisives, j’ai nommé l’introduction et la conclusion. Si ces parties sont importantes c’est en raison de leur position stratégique. Disons en quelques mots.

a. l’introduction

Je prendrai ici une image. Si la suite de la dissertation peut être comparée à une pièce, alors l’introduction est le vestibule par lequel il faut passer pour entrer, s’introduire donc, dans la pièce. Je pousserai même la comparaison un peu plus loin. Vous n’entrerez dans la pièce principale qu’en passant par ledit vestibule[13], mais vous n’y entrerez que si vous possédez la clé ouvrant la porte ! Si vous avez suivi ce que j’ai dit précédemment vous aurez compris que cette clé vous est donnée par le travail de problématisation / mise en lumière des enjeux du sujet. Maintenant comment s’y prendre concrètement ? Voici une manière de mener son affaire.

1. accroche. Vous pouvez ici partir d’un exemple, d’un cas concret. 2. Vous analysez cet exemple pour montrer en quoi il fait question (comme par hasard la question dont il retourne n’est autre que celle qui vous est proposée). 3. Vous problématisez cette question. 4. Vous en montrez les enjeux. 5. Vous annoncez les grandes lignes de votre réflexion.

L’essentiel, cette fois encore, n’est pas d’appliquer sans réfléchir un modèle, mais de faire apparaître les points décisifs que sont, en particulier, la problématisation et les enjeux.

b. La conclusion

Si l’introduction problématise la question, la conclusion se doit d’y apporter une réponse. Vous avez montré l’intérêt de la question posée, il serait dommage, dès lors, de ne pas y répondre ! Ainsi le rôle fondamental de la conclusion est-il clair : il faut qu’elle propose une réponse claire et appropriée au sujet[14]. Mais je crois qu’il ne faut pas se contenter de cela. La conclusion doit être le moment où vous retracez le chemin suivi, ce chemin qui vous a conduit de la question jusqu’à la réponse que vous soutenez. Il me semble dans ces conditions possible de construire votre conclusion suivant le schéma suivant :

1. Synthèse. Vous reprenez l’essentiel de votre développement en quelques phrases (ex. : « Il nous a tout d’abord semblé que (…), mais nous nous sommes aperçu que (…), ce qui nous a amené à soutenir que (…)). 2. Réponse. « C’est pourquoi, à la question (…), il nous paraît légitime de répondre que (…). 3. Vous pouvez si vous le souhaitez proposer une « ouverture ». En soi, c’est quelque chose de tout à fait pertinent, mais l faut faire bien attention à ouvrir sur une ou des questions ayant un rapport direct avec le sujet de départ et / ou votre réponse.

V. Des exemples, qu’il en faut mais pas trop

Je voudrais pour terminer dire un mot des exemples, il me semble en effet nécessaire d’être relativement précis sur ce point.

  1. Fonctions des exemples

Les exemples peuvent avoir deux fonctions.

a. illustrer

Ils sont alors une image qui vient illuminer un propos un brin austère. La pensée philosophique s’exprime dans un langage conceptuel qui fait la part belle aux idées générales et « abstraites ». Or ce langage suscite, vous le savez bien, des critiques : la philosophie serait un discours éloigné des réalités ! Donner des exemples, c’est montrer que votre réflexion reste en prise directe avec la réalité, c’est montrer que l’abstraction du langage n’est que le détour nécessaire à la compréhension du réel.

b. donner à penser

Justement ce que vous devez penser c’est le réel. Vous devez donc en partir. L’exemple est ici le matériau de votre réflexion, ce que vous allez analyser pour en tirer les enseignements.

2.      Erreurs à éviter

a. multiplier les exemples

Quand l’exemple a pour fonction d’illustrer votre propos il est inutile de d’en donner plusieurs. Mieux vaut une illustration bien choisie que dix dont neuf seraient mal à propos. Prenez donc le temps de bien réfléchir à vos exemples.

b. Se contenter de donner des exemples

Comme je l’ai dit l’exemple peut aussi servir de point d’ancrage à la réflexion. Mais cela signifie qu’il n’est pas signifiant par lui-même. Il ne devient significatif que par l’analyse que vous en proposez, donc par l’enseignement que vous en retirez. Autrement dit si il faut partir de l’exemple il ne faut pas s’en satisfaire : il n’a d’intérêt que si l’on en retire quelque chose. Il faut passer de l’exemple au concept. Par définition l’exemple est un cas particulier (il y a plusieurs exemples possibles), il faut remonter à l’idée générale (dont, précisément il est une des illustrations possibles) car il tire son sens de cette idée.

c.       Raconter sa vie

Une dernière erreur consiste à raconter sa vie. Je veux dire par là que, s’il est légitime de s’appuyer sur ses propres expériences, il faut absolument éviter de tomber dans le récit autobiographique. Vous n’êtes pas là pour raconter votre vie, vous êtes là, si je puis dire, pour la comprendre. Inutile de vous attarder sur vos traumatismes, vos amitiés déçues, etc. Soyons clair si je vous mets en garde contre quelque chose c’est uniquement contre le côté « défouloir » que prennent parfois les dissertations.

3. Où chercher ses exemples ?

L’essentiel c’est que vos exemples soient pertinents. Cependant, quelques conseils ne seront peut-être pas inutiles. D’abord vous pouvez choisir vos exemples dans la vie quotidienne : après tout c’est notre principale source d’expérience. Vous pouvez d’autre part illustrer votre propos en vous replongeant dans l’Histoire, dans les Sciences, etc. vous utiliserez alors vos connaissances acquises dans les différentes disciplines que vous étudiez. Enfin, il est souvent intéressant de puiser ses exemples dans la littérature : les grands personnages de romans nous apprennent bien souvent énormément. Attention cependant, privilégiez les « classiques », c’est à dire les auteurs ayant obtenu la reconnaissance de ceux qui sont reconnus comme légitimes à juger de la valeur d’un roman[15].

 


[1] En l’occurrence, et pour ceux qui ne l’auraient pas compris : une grosse gamelle. Le hors sujet c’est l’échec assuré !

[2] Par hypothèse il est supposé que certains thèmes vous passionnent.

[3] A quoi vous avez le droit d’opposer Gandhi comme me le fait remarquer mon frère.

[4] Vous avez droit à la nuance, pas aux réponses de Normand. Méditez la différence, elle est abyssale.

[5] A défaut de génie, il m’arrive d’avoir de la chance !

[6] Ce serait poser Kant en détenteur de la vérité.

[7] Le modèle du philosophe n’est pas le mouton, c’est…la vache. Car le philosophe, Nietzsche l’a très bien dit, « rumine » les problèmes, se refuse aux réponses trop rapides et préfère la lenteur qui seule assure la bonne digestion. Pour ceux à qui la métaphore bovine déplairait disons que le philosophe est un marathonien et non un sprinter.

[8] D’où le plan que je suis moi-même : III. Le travail de réflexion, IV. Le plan.

[9] Il est la robe dont le décolleté mettra vos arguments en valeur (veuillez excuser mon humeur badine, aujourd’hui c’était repas de fête – avec tout ce que cela implique, et que je me dois de taire).

[10] J’opère des distinctions par souci de clarté. Il n’est pas interdit d’unir ce que j’ai distingué.

[11] En prépa, par exemple, une dissertation se construit assez classiquement en 27 parties (Trois parties, divisées chacune en trois sous-parties, elles mêmes divisées en trois). Je n’exige pas de vous que vous alliez jusques là, mais faites des plans précis ! Ce sera plus facile de rédiger ensuite.

[12] Au sens technique du terme. Une « opinion » réfléchie, c'est-à-dire argumentée (je sais ce que je pense et pourquoi je le pense), s’appelle une thèse.

[13] De même qu’il est fort malpoli d’entrer par la fenêtre, de même il serait peu élégant de commencer par la première partie de votre développement.

[14] Cf. Partie I, analyse de l’énoncé.

[15] C’est à dire vos profs. On peut le regretter, mais mieux vaut le savoir – et agir en conséquences.

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