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Montaigne et la mort

Publié le 31/03/2011

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montaigne

 La mort comme instant de vérité

a)      Philosopher c’est apprendre à mourir

Le chapitre 20, « Que philosopher, c’est apprendre à mourir » est révélateur d’une conception de la mort comme instant de vérité, qui fait tomber les masques. Montaigne part d’une citation de Cicéron « Philosopher c’est apprendre à mourir », c’est-à-dire que toutes les activités de contemplation nous détournent du corps comme le fait la mort. Pour Starobinsky, apprendre à mourir c’est faire converger en un seul point tout les écarts entre l’acte et la parole, entre le discours et la conduite de vie. Nous sommes tous égaux devant la mort «  Cette même mort qu’un valet ou qu’une simple chambrière passèrent dernièrement sans peur. » Elle enlève les masques. Elle est également « appuy de notre liberté » puisque je ne puis me dire maître de moi-même que quand je suis maître de la mort. Dans les derniers instants de la vie, l’esprit réunit toutes les contradictions de la vie. La mort démasque, il ne faut donc pas la craindre et, au contraindre enlever toute la crainte et l’horreur qu’on y attache pour préférer l’identité de notre être qui y est révélée. D’après l’interprétation de Starobinsky : Si l’on regrette de mourir, c’est que l’on a mal vécu sa vie, il importe alors peu de se la faire enlever. Si l’on a bien vécu sa vie, alors il faut accepter de ne pas avoir du temps en plus, qui peut être gâcherait cette existence réussie. Notre réaction face à la mort elle-même reflète donc notre vie. En pensant la mort et en la pensant comme ma mort, je me penserai moi-même par son intermédiaire. A la lumière de cette réflexion et de l’imminence de la mort, tous mes actes seront reliés entre eux et feront sens dans une continuité et une cohérence parfaite.

 

b)      La mort comme juge du bonheur d’une vie

Ensuite, la mort nous est présentée comme seul juge du bonheur d’une vie. Le titre même du chapitre 19, « Qu’il ne faut juger de notre heur, qu’après la mort » nous montre que la mort seule peut nous dire si l’on a bien vécu, si l’on a été heureux. Montaigne part d’un proverbe et montre ensuite que la vie est une comédie « qu’on ne lui ait vu jour le dernier acte de sa comédie, et sans doute le plus difficile « , pour mieux démontrer que la mort est indispensable pour juger toute notre vie : « c’est le maître jour, c’est le jour juge de tous les autres »(Sénèque lettre 26). Il fait même référence à son propre travail, déclarant : « je remets à la mort l’essai du fruit de mes études ». La mort seule peut juger de la qualité et de l’aboutissement de son œuvre, qui ne peut s’achever que par la mort de l’auteur. Il cite de même plusieurs exemples de morts ayant rétabli ou défait des réputations (Scipion : mort décente qui a rétabli sa réputation. Il mentionne trois personnes mauvaises qui ont eu une mort parfaite. La Boétie : mort parfaite.). Seule la « belle mort » peut prouver une « belle vie » en venant la couronner. Jouant sur le mot « essai » il qualifie la mort d’ « essayeuse par excellence ». Ainsi on ne peut dire d’un homme qu’il a une vie heureuse tant qu’il est encore vivant, et la mort révèle aux autres, aux vivants, la nature de la vie qui l’a précédée.

 

c)       Le suicide

Comme Montaigne le laisse transparaître dans le chapitre 20, je ne puis me dire maître de moi-même que quand je suis maître de ma mort. La mort volontaire est alors ce moment ou plus aucune volonté ne peut empiéter sur la mienne. Je suis alors le seul à me donner ou à m’enlever l’existence. Montaigne traite du suicide afin d’en dénoncer la vanité et l’échec dernier de l’entreprise. En particulier, il s’intéresse à Caton, qui réunit dans son suicide le consentement du destin et le refus de la servitude. Pour Starobinsky, il choisit de représenter l’instant le plus proche de la mort ou sa pensée est signée par le sacrifice de la vie : « Quand je le voy mourir et de deschirer les entrailles, je ne puis contenter de croire simplement qu’il eust lors de son âme exempte totalement de trouble et d’effroy […] Je croy sans doubte qu’il sentit du plaisir et de la volupté en une si noble action. » Montaigne veut ainsi représenter le dernier moment ou le héros se donne volontairement à la mort. L’homme est alors rendu étranger à lui-même, en se donnant la mort il se donne à lui-même sa limite. Il s’agit donc bien d’un « dépouillement des masques » puisque l’être véridique est tout entier retenu et défini en sa fin : la conscience détruit toute possibilité de fuite ou d’hypocrisie. La mort, particulièrement la mort volontaire accomplie la mise à nu de l’âme, l’être dans sa grandeur et de misère est mis en lumière entièrement. L’heure de la mort donne en outre du sens à toute la vie qui a précédé. Il y a donc ici une intention d’appeler la mort à la rescousse, dans les Essais même, puisqu’elle est « l’essayeuse par excellence ».

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