MORALE ET SOCIÉTÉ
Publié le 22/02/2012
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Toutes les fois que nous délibérons pour savoir comment nous devons agir, il y a une voix qui parle en nous et qui nous dit: voilà ton devoir. Et quand nous avons manqué à ce devoir qui nous a été ainsi présenté, la même voix se fait entendre et proteste contre notre acte. Parce qu'elle nous parle sur le ton du commandement, nous sentons bien qu'elle doit émaner de quelque être supérieur à nous; mais cet être, nous ne voyons pas clairement qui il est, ni ce qu'il est. C'est pourquoi l'imagination des peuples, pour pouvoir s'expliquer cette voix mystérieuse, dont l'accent n'est pas celui avec lequel parle une voix humaine, l'imagination des peuples l'a rapportée à des personnalités transcendantes, supérieures à l'homme, qui sont devenues l'objet du culte, le culte n'étant en définitive que le témoignage extérieur de l'autorité qui leur était reconnue. Il nous appartient, à nous, de dépouiller cette conception des formes mythiques dans lesquelles elle s'est enveloppée au cours de l'histoire, et, sous le symbole, d'atteindre la réalité. Cette réalité, c'est la société. C'est la société qui, en nous formant moralement; a mis ces sentiments qui nous dictent si impérativement notre conduite, ou qui réagissent avec cette énergie, quand nous refusons de déférer à leurs injonctions. Notre conscience morale est son oeuvre et l'exprime ; quand notre conscience parle, c'est la société qui parle en nous. Or, le ton dont elle nous parle est la meilleure preuve de l'autorité exceptionnelle dont elle est investie.
Le devoir, c'est la morale en tant qu'elle commande ; c'est la morale conçue comme une autorité à laquelle nous devons obéir, parce qu'elle est une autorité et pour cette seule raison. Le bien est la morale conçue comme une chose bonne, qui attire à elle la volonté, qui provoque les spontanéités du désir. Or, il est aisé de voir que le devoir, c'est la société en tant qu'elle nous impose ses règles, assigne des bornes à notre nature; tandis que le bien, c'est la société, mais en tant qu'elle est une réalité plus riche que la nôtre, et à laquelle nous ne pouvons nous attacher, sans qu'il en résulte un enrichissement de notre être.
(L'Éducation morale).
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