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Norbet Godon - Art vidéo, histopire d'une sectorisation

Publié le 07/11/2013

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L'art vidéo est, d'après Bill Viola, « la seule forme artistique à avoir une histoire avant même d'avoir une histoire ». D'après cette citation, donner une définition succincte de « l'art vidéo » s'avère difficile, tout d'abord car les oeuvres consacré dans ce domaine sont très différentes et qu'elle ne représente pas un secteur à part entière mais qu'elle agit dans d'autres champs de production comme le cinéma, le théâtre ou encore la télévision. Norbert Godon, artiste multimédias et conférencier au Centre Georges Pompidou, tente d'expliquer dans son texte Art vidéo, histoire d'une sectorisation ce qu'est l'art vidéo. Cependant, il ne tente pas de donner une explication exhaustive, mais cherche surtout/plutôt à retracer l'historique de cet art. Pour cela, il va raconter en détail l'histoire de la vidéo telle qu'elle fut employée dans le champ artistique, et plus explicitement de regarder en quoi l'apparition de la vidéo dans le champ artistique a pu renouveler la forme des démarches esthétiques en remontant à l'origine de la notion « d'art vidéo ». Au départ, la vidéo était un outil avec pour seule raison de rassembler les gens. L'art vidéo a commencé avec un évènement important, celui de l'installation de postes de télévision dans un espace d'art en 1963 par Nam June Paik. Il est considéré dès lors comme le premier artiste du mouvement d'art vidéo. Ses postes vidéos retransmettaient l'image d'une chaine de télévision mais de façon déformée par des manipulations techniques pour utiliser le petit écran comme un instrument de musique ayant une interactivité avec le public. Historiquement, c'est au même moment qu'a eu lieu l'émergence de la télévision dans les foyers, ainsi que l'amélioration de l'industrie cinématographique. C'est d'ailleurs pour cela qu'il utilisait l'image vidéo, car il était favorable à l'avènement des médias de masse, et prétendait participer à l'élan d'un art tourné vers l'avenir. Cependant, son oeuvre aujourd'hui se voit détourné de ses convictions de base, qui était que pour lui, ses premiers travaux tendaient à inscrire son geste dans un métissage des pratiques culturelles, de la fusion des disciplines entre elles. Dès lors, une multitude d'artistes vidéastes continueront dans la lancée de Nam June Paik. En 1970 viendront ces héritiers artistiques, qui feront évoluer ses idées, comme Stephen Back, Ed Emshwiller ou encore l'essayiste Marshall McLuhan avec son essai Understanding Media. D'après Norbert Godon, « l'art devait être un mode de vie et la vidéo devient l'objet de sa cristallisation ». L'art vidéo est devenu à ce moment un instrument de la fusion des cultures, de par la présentation des promesses d'un progrès social ainsi que la fascination de cette technologie et de son pouvoir d'attraction. « L'art vidéo » a aussi vu prendre son essor avec un autre pionner du nom de Wolf Vostel. Contrairement à Paik, Vostel misait plus sur la performance et favorisait la critique de la société industrielle et médiatique. Ses démarches avaient une perspective progressiste, et avaient pour objectif de faire participer l'évolution des pratiques artistiques dans ses oeuvres, et de ne pas seulement porter une quelconque action politique au sein même du champ artistique. La vidéo n'a pas été introduite dans l'art par hasard, mais pour faire évoluer l'art lui-même et en l'utilisant pour avoir une critique sociale qui est un objet de production artistique. Grace à l'accessibilité des appareils vidéo de chez Sony ou Portapack en niveau de coût d'argent, les artistes pouvaient réaliser leur propre film alors qu'avant ils utilisaient les fréquences des chaines de télévision pour la majorité - bien entendu, les caméras Super huit permettaient déjà à certains de filmer. Avec l'avènement des caméras, l'art n'est plus une question d'objet mais d'action, de mouvement, avec une nouvelle forme artistique ayant une dimension temporelle. Sont apparus alors Vito Acconci, Gina Pane ou encore Chris Burden, qui ont tous utilisé la vidéo comme support de nouveau travail tout en gardant une trace de leurs parcours avec les dites vidéos. Il y a donc comme avant une fusion des champs culturels, une friction des genres artistiques. Du coup nous pouvons nous demander si l'art vidéo peut accorder un attrait aux films de Chris Marker ou encore de Jean-Luc Godard, puisque leurs films mélangent aussi les cultures et fait évoluer l'art. Cependant, ils ne correspondent pas à une identité dite « d'art vidéo », étant plus accès au grand public et plus littéraire alors que l'art en lui-même doit être plus obscur, il ne pas prendre le spectateur par la main et doit le laisser réfléchir par lui-même. On a alors l'apparition de catégorie et une institutionnalisation des critères de reconnaissance. L'art vidéo a vu des institutions cinématographiques et muséales jouer un rôle dans l'élaboration de son histoire. De ce fait, la reconstitution de l'histoire de l'art vidéo est quasi impossible à définir. Déjà car les appareils utilisés lors des premières oeuvres se sont détériorés et peu d'oeuvres ont été conservées, et surtout car c'est depuis la naissance de l'art vidéo que le choix des oeuvres à garder - donc des artistes à reconnaitre - a été fait par la conservation ou la représentation et l'exposition dans les musées d'art contemporain, où il eut d'ailleurs un rapide succès avec la télévision. Cela ne permet pas de voir l'histoire de l'art vidéo par rapport à sa véritable histoire, mais par rapport à une « histoire remaniée », avec un choix des artistes en amont. De plus, les subventions données aux artistes provoquaient une exclusion de certains d'entre eux. Martia Sturken a très bien résumé ce phénomène en expliquant que « ces institutions façonnent l'histoire de la vidéo sans vraiment rendre justice à l'influence des autres formes artistiques, des théories de la communication et des facteurs sociopolitiques qui ont contribué au développement de la production ». C'est d'ailleurs à cette époque-là que la notion « d'art vidéo » fut mise en place. Néanmoins, vu qu'un nouveau support artistique émerge, il y a des interrogations qui surviennent. Après l'émergence de la photographie dans les musées vient celle de la vidéo. Et les mêmes questions - souvent théoriques et pratiques - qu'il y a eu lors de l'apparition de la photographie en tant qu'art subviennent pour « l'art vidéo », ces deux médias étant souvent réduit à leur support. Pourtant, les professionnels de l'art ont rapidement accepté la vidéo, encouragés par les institutions, ce qui a alors favorisé la production « d'art vidéo » correspondant à la définition que ces mêmes institutions étaient prêtes à recevoir. Il ne manquait plus qu'à distinguer les vidéos des vidéos d'art. Contrairement aux vidéos, les films d'art vidéo doivent se distinguer de par l'affirmation d'un concept formel, le plus lisible possible. A un procédé doit correspondre une idée, un message à décrypter en fonction du registres des attitudes signifiantes déjà éprouvées dans le champ. C'est pour cela qu'il ne faut pas confondre Art vidéo et Cinéma, du fait que les deux offrent un champ et une grille de lecture différente, car les jugements et positions sont différents, et de par ce fait, les critiques d'art ont pu avoir des réflexions sur l' « image en mouvement ». Ainsi, l'art vidéo devient de plus en plus un outil de recul face au cinéma commercial et à la télévision. Cela se voit surtout à partir des années 1980 avec les travaux de la seconde génération d'artistes vidéastes, comme Douglas Gordon, ou encore Ange Leccia. Ils jouent avec le cinéma, interrogeant directement le septième art en réutilisant les images de films préexistants. « L'art vidéo », aujourd'hui se voit s'agrandir en sollicitant les « nouveaux médias ». Nous voyons ici en quoi le repliement de la production de vidéos sur des problématiques propres à l'histoire qui en a été faite, elle-même calquée sur une histoire des arts contemporains en général peut engendrer conjointement une autodétermination des démarches créatives et critiques (l'une d'elle étant justement la confusion conceptuelle des champs disciplinaires, valant pour elle-même en tant que facteur de transversalité). Il y a toujours eu une notion d'avant-garde avec l'art vidéo, qu'elle soit actuelle ou passée. L'idée « d'art vidéo » s'est vu changer depuis ses débuts jusqu'à maintenant. De nos jours, les écoles d'art forment des artistes vidéastes, chose qui n'était pas le cas au début de l'art vidéo. Nous pouvons donc percevoir une logique qui a évoluer et qui maintenant s'enseigne, en privilégiant les nouvelles technologies. L'artiste expérimente donc de nouvelles manières de produire du sens par tous les moyens possibles et imaginables, et cela avec l'aide des « nouveaux médias ». De plus, le public se voit douter des vidéos qui lui sont proposées, se demandant si oui ou non elles doivent bien porter le nom « d'art vidéo ». C'est une chose positive car elle amène le spectateur à s'interroger sur l'oeuvre en question. Les oeuvres vont subir un métissage des principes artistiques, ce qui est conforme à la tradition historique de « l'art vidéo », avec une hybridation des disciplines. Les oeuvres « d'art vidéos » vont donc soutenir une réflexion construite dans l'expérience faite par l'auteur, qu'elles proposent aux spectateurs. La vidéo, lors de son apparition avec « l'art vidéo » apportaient des promesses de décloisonnement. De nos jours elle concerne cette idée mais avec de nouvelles normes. Elle peut alors se situer dans la pertinence de la réflexion suscitée par l'objet et non dans la seule image codifiée de la subversion comme valeur ajoutée. L'art vidéo remplit ainsi toujours sa mission première, à savoir : faire de l'art.

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