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nous allons être injustes envers eux, en leur faisant vivre une vie moins bonne que celle qu'ils sont capables de mener ?

Publié le 22/10/2012

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nous allons être injustes envers eux, en leur faisant vivre une vie moins bonne que celle qu'ils sont capables de mener ? — S. Cette fois tu oublies que la loi ne se soucie pas d'assurer un bonheur privilégié à une seule classe d'hommes dans l'État, mais qu'elle s'emploie à ce qu'il se réalise dans le tout de l'Etat en établissant l'harmonie entre les citoyens tant par la persuasion que par la nécessité, et en faisant qu'ils se rendent entre eux les services que chaque classe est capable de rendre à la communauté ; et tu oublies que la loi, en formant de tels hommes dans l'État, ne se propose pas d'autoriser chacun à se tourner vers ce qu'il veut, mais vise à s'en servir pour qu'ils concourent à la cohésion de l'État. — G. C'est vrai, je l'avais oublié. — S. Après quoi tu peux remarquer, Glaucon, que nous ne serons nullement injustes à l'égard des philosophes qui seront formés chez nous, mais c'est le langage de la justice que nous leur tiendrons en les astreignant à prendre soin des autres et à les protéger. Nous leur ferons valoir qu'il est naturel que dans les autres États ceux qui sont devenus philosophes s'épargnent le tracas des affaires : ils se sont formés d'eux-mêmes, malgré le régime, et il est juste que qui s'est formé soi-même sans rien devoir à personne ne veuille rien rembourser. Mais vous, leur dirons-nous, c'est nous qui vous avons formés dans votre intérêt propre et dans celui de l'État pour être chefs et souverains comme cela se fait dans les ruches ; vous avez reçu une éducation meilleure et plus accomplie que ces autres philosophes et vous êtes mieux à même d'allier philosophie et politique. Il faut donc qu'à tour de rôle vous descendiez cohabiter avec les autres et que vous partagiez leur accoutumance à voir dans l'obscurité ; car une fois accoutumés, vous verrez beaucoup mieux qu'eux, et vous reconnaîtrez chaque image, ce qu'elle est et de quoi elle est l'image, puisque vous avez vu le vrai en matière de beau, de juste et de bon ; de sorte que, pour nous comme pour vous, c'est la réalité d'un Etat qui sera gouvernée, et non pas son rêve, comme c'est le cas dans la plupart des États d'aujourd'hui, où l'on se livre à des combats d'ombres et où on rivalise pour le pouvoir, comme s'il s'agissait d'un grand bien. Au vrai, voici sans doute ce qu'il en est : un État où ce sont ceux qui sont le moins avides du pouvoir qui seront appelés à l'exercer aura forcément le meilleur gouvernement et le moins séditieux, alors que c'est l'inverse dans le cas contraire. — G. C'est bien vrai. — S. Alors, crois-tu que nos élèves resteront sourds à de tels propos, et qu'ils refuseront de partager la charge du pouvoir à tour de rôle, tout en passant la plus grande partie de leur temps ensemble dans la pureté de leur retraite ? — G. Il est impossible que des gens justes se dérobent à nos justes prescriptions. Mais le plus remarquable c'est qu'à l'inverse des chefs d'Etat actuels, chacun d'eux assumera le pouvoir comme une obligation. — S. C'est un fait, mon ami : c'est la découverte d'une condition meilleure que celle de gouvernant pour les gens qui vont gouverner qui te permet d'avoir un Etat bien gouverné ; car c'est seulement dans un tel État que gouvernent ceux qui ont la vraie richesse : non pas celle que donne l'or, mais celle qu'exige le bonheur, la conduite bonne et raisonnable. Ce n'est pas possible si ce sont des gueux avides de faire personnellement fortune qui viennent aux affaires publiques ; avec l'idée que c'est là qu'il faut faire main basse, car le pouvoir devenant objet de lutte, cette guerre civile et intestine entraîne leur perte et celle de tout l'État. — G. Rien de plus vrai. — S. Or, vois-tu un autre mode de vie que celui de la philosophie authentique qui soit capable d'inspirer le mépris du pouvoir ? — G. Non. — S. Il est certain en tout cas qu'il faut interdire l'accès au pouvoir à ceux qui en sont épris, sans quoi les rivalités s'affrontent. — G. C'est inévitable. — S. Ainsi à qui imposer la garde de l'État sinon aux gens les mieux avertis des moyens de le mieux gouverner, qui connaissent d'autres dignités et une vie meilleure que celles de la politique ? République VII, 519c-521b 8. LES HABILES ET LES SAGES [SOCRATE-THÉODORE] — S. Il y a chance que ceux qui, dès leur jeunesse, ont roulé dans les tribunaux et autres lieux du même genre soient à ceux qui ont été nourris dans la philosophie et dans une occupation semblable, ce que des gens de service sont à des hommes libres. — T. En quoi donc ? — S. En ce que ceux-ci ont loisir et que c'est en paix qu'ils tiennent à loisir leurs propos... tandis que les autres, c'est toujours dans l'affairement qu'ils parlent ; car l'heure tourne, et il ne leur est pas permis de parler de ce qu'ils veulent : la partie adverse oppose la contrainte et le formulaire d'accusation dont il n'est pas permis de s'écarter selon le serment légal réciproque, comme ils le disent, et leurs propos portent sur un esclave du même genre qu'eux et s'adressent à un maître qui siège tenant toujours cause en main ; jamais leurs contextes n'ont d'autre objet que privé et la vie en est souvent l'enjeu. Tout cela les rend tenaces et finassiers, habiles à flatter le maître en paroles et à le circonvenir en fait, mesquins et torses en leurs âmes. Tout jeunes, la servitude les priva d'épanouissement, de droiture et de liberté, les astreignit aux pratiques tortueuses, imposa à leurs âmes encore tendres de gros dangers et de grandes frayeurs ; incapables de leur opposer le juste et le vrai, tournés d'emblée vers le mensonge et les injustices réciproques, ils sont à ce point tordus et rabougris que, parvenus à l'âge adulte, leur esprit n'a rien de sain, alors qu'ils sont devenus, à ce qu'ils croient, habiles et savants. [...] Dès leur jeunesse, les philosophes commencent par ignorer le chemin qui mène à la place publique, le lieu du tribunal, du conseil, et de tout autre salle commune ; ils n'ont d'yeux ni d'oreilles pour les lois ni pour les décisions orales ou écrites ; quant aux intrigues des partis pour occuper les postes, aux réunions,

« NÉCESSITÉ DE LA PHILOSOPHIE 49 l'on se livre à des combats d'ombres et où on rivalise pour Je pouvoir, comme s'il s'agissait d'un grand bien.

Au vrai, voici sans doute ce qu'il en est : un État où ce sont ceux qui sont Je moins avides du pouvoir qui seront appelés à l'exercer aura forcément Je meilleur gouvernement et Je moins séditieux, alors que c'est l'inverse dans Je cas contraire.

-G.

C'est bien vrai.

-S.

Alors, crois-tu que nos élèves res­ teront sourds à de tels propos, et qu'ils refuseront de partager la charge du pouvoir à tour de rôle, tout en passant la plus grande partie de leur temps ensemble dans la pureté de leur retraite? -G.

Il est impos­ sible que des gens justes se dérobent à nos justes prescriptions.

Mais Je plus remarquable c'est qu'à l'inverse des chefs d'Etat actuels, chacun d'eux assu­ mera le pouvoir comme une obligation.

-S.

C'est un fait, mon ami : c'est la découverte d'une condi­ tion meilleure que celle de gouvernant pour les gens qui vont gouverner qui te permet d'avoir un Etat bien gouverné; car c'est seulement dans un tel État que gouvernent ceux qui ont la vraie richesse : non pas celle que donne l'or, mais celle qu'exige le bon­ heur, la conduite bonne et raisonnable.

Ce n'est pas possible si ce sont des gueux avides de faire per­ sonnellement fortune qui viennent aux affaires publi­ ques; avec l'idée que c'est là qu'il faut faire main basse, car le pouvoir devenant objet de lutte, cette guerre civile et intestine entraîne leur perte et celle de tout l'État.

-G.

Rien de plus vrai.

-S.

Or, vois-tu un autre mode de vie que celui de la phi­ losophie authentique qui soit capable d'inspirer Je mépris du pouvoir? -G.

Non.

-S.

Il est certain en tout cas qu'il faut interdire l'accès au pouvoir à ceux qui en sont épris, sans quoi les rivalités s'af­ frontent.

-G.

C'est inévitable.

- S.

Ainsi à qui imposer la garde de l'État sinon aux gens les mieux avertis des moyens de le mieux gouverner, qui connaissent d'autres dignités et une vie meilleure que celles de la politique ? République VII, 519c-521 b. »

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