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Paul-André LESORT Le lecteur de roman

Publié le 15/01/2018

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Paul-André LESORT

Le lecteur de roman

Paul-André Lesort montre ici que l'évolution du roman le conduit de nos jours à être non plus un art de connaissance, mais un art de communication : il ne donne pas accès à la vérité morale, mais à la conscience d'autrui.

( . . . ) C'est au lecteur qu'il faut poser les vraies questions : Pourquoi lire des romans ? Pourquoi s'intéresser aux personnages imaginaires d'autrui ?

Beaucoup argueront du besoin d'évasion. Et il est vrai que c'est à ce besoin que répondent quantité d'œuvres romanesques. Lire ces œuvres, c'est par la force d'imagination du romancier être ravi, transporté dans un monde dont nous savons avec soulagement qu'il n'est pas le nôtre. Peu importe au lecteur que ce monde étranger soit paradis ou enfer, monde rose ou monde noir ( . . . ) . Les romans les plus réalistes, n'est-ce pas encore par compensation à l'égard de l'existence quotidienne que le lecteur s'y plonge? ( . . . )

Qu'est-ce d'ailleurs que ces personnages que le romancier prétend faire habiter dans notre conscience ? Des personnages inventés, créés par lui, et qui ne pourraient avoir quelque ressemblance avec nous que s'ils étaient libres, si leurs espoirs ou leurs craintes dépendaient d'un avenir inconnu. Mais nous savons que cet avenir déjà existe, que la dernière page du livre est écrite, qu'est déjà condamné ou sauvé cet être qui se débat comme un insecte entre des doigts énormes ( . . . ) .

« Pou rquoi donc lire des romans ? Pou r percer à jour ces mensonges, ces illusi ons, ces espérances déçues, ces craintes mal étouffées ? Po ur décou vrir la réalité de l'homme écrivain derrière son camouflage ? N' avons-nou s donc le choix qu'entre l'évasion dans le rêve gratuit et l'analyse positi ve du document truqué ? ( ...

) Non, les faits eux-mêmes du récit ne tirent pas leur pouvoir sur nou s de leur source, mais du point qu'ils atteignent en nous .

Autour de ces faits s'élarg issent des ondes concen triques , s'é tend un champ magnéti que dans lequel nous sommes pris.

Quelque chose s'est réveil lé.

Une conscience obs cure et confuse s'éclaire .

Nous savons que le perso nnage n'existe pas : ma is nous voici souda in à la place du personnage, et toute notre vie possible est mise en jeu dans ces situat ions po ssibles où nous entraîne le roman cier.

Le cercle de notre univers quotidien s'est bris é, et par cette brèche se révèle la multitude des autres univers ( ...

).

Êtres faits de la même substance que nous, pris dans le même tissu de l'espace et du temps, et qui , pa r une sér ie d'analog ies, de ressemblances et de tran spositions , am plifient souda in le champ de notre hum anité.

Les vraies questions son t là.

L' art du roman est un art de la com muni­ cat ion, et non un art de la conn aissance.

Et c'est parce qu'il commence seu lement à prendre conscience de sa voca tion, que cet art est en pleine év oluti on ( ...

).

Il ne peut plus être un instrument d'ana lyse sociale, ni d' ana lyse psycholog ique .

Il ne cherche pas des lois, mais des êtres .

Non des types, mais des perso nnes ( ...

) .

Le roman classique donne au lecteur une place de spec tateur.

Specta­ teur privilégié, que le rom ancier a le pou voir de faire pénétrer au fond de la con science des person nages, soit que par une opéra tion mystérieuse cette con science se laisse compla isamm ent opérer et fouiller par le roma ncier, so it que le personn age -et la différence est déjà grande -se livre lui-même à quel que inter locuteur.

Le romancier classique est un morali ste, comme le drama turge et le faiseur de maximes ( ...

) .

Quand se révèle le désir de peindre les passions, non plus de l'ex térieur, mais à travers ces passions mêmes, alors app araît la pre mière forme roma­ nesque qui perm ette au lecteu r de s'id enti fier succes sivement aux différen ts personn ages : c'e st la forme du roman par lettr es, qu'e mploient notamment en Ang leterre Richardson dans Claris se Har lowe et en France Jean-Jacq ues Ro usseau dans La Nouve lle Héloïse, et Laclos dans Les Liaisons dangere uses .

Mais le roman par lettres suppose encore une convent ion, le lec teur devant ad mettre au dép art l'étrange hasard qui a livré à un même regard toutes ces lettres échangées .

Reste à expli quer ce hasard -tou t au moins à le rend re vrai semblab le.

En r8r5, paraît Adolphe de Ben jam in Con stant.

Et ce roman, tou t en tier constitué par un cahier de con fessi ons, est précédé d'une préface dans laquelle l'auteur racon te en détails comment ce cahier lui est tombé entre les mains .

D'A dolphe à Con fession de Minuit de Duhamel, en passant par ( ...

) Volupté de Sainte-Beuve, L'Immor aliste de Gide et A la recherche du temps perdu de Prou st ( ...

) , l'h istoire du roman, aux xrx-xx e siècles,. »

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