Peut-on parler d'une identité européenne ?
Publié le 16/01/2011
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1 / L'Europe une réalité de plus en plus présente...
A ) Une Europe inscrite dans l'histoire.
1) Un héritage médiéval.
L'idée d'Europe remonte au Moyen-âge. A cette époque c'était déjà constitué un espace culturel, politique et économique commun sur tout le continent européen, à l'exception du monde byzantin qui apparaît comme l'ennemi. On ne parle cependant pas d'Europe mais de Chrétienté. Ces pays étaient réunis sous l'autorité d'un chef spirituel commun, le pape. Plus tard, l'Eglise de Rome fera figure d'institution commune. D'autre part, l'Europe s'est fondée sur trois apports culturels : chrétien, romain et barbare.
Pendant tout le Moyen-âge, le latin contribue à unir les peuples d'Europe, facilite la communication et la diffusion des idées. L'omniprésence de la religion dans la vie quotidienne fait apparaître des mœurs communes sur tout le continent : même calendrier, fêtes, habitudes alimentaires.
Les hommes n'avaient pas le sentiment d'appartenir à une seule communauté nationale mais à plusieurs locales et régionales (seigneurie, ville, langue) ; ce n'est que lors de la Révolution française que le concept de nation prend tout son sens.
L'apparition de ce nouveau concept a affaibli l'idée d'Europe unie, qui s'est faite par la suite plus discrète. Elle ne réapparaît véritablement qu'après la Seconde guerre sous un aspect cette fois plus économique.
2) De la CECA à l'euro : une construction essentiellement économique.
En 1946, Churchill déclarait: «la première chose pour recréer une famille européenne est d'instituer un partenariat entre la France et l'Allemagne «. Ceci est chose faite le 18 avril 195 1, les deux pays décident de mettre en commun leurs productions de charbon et d'acier au sein de la CECA.
L'union de l'Europe prend ensuite forme avec la signature du traité de Rome le 25 mars 1957 qui consacre la CEE (Communauté économique européenne) composée de six membres fondateurs : France, Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg, et les Pays-Bas. La Grande-Bretagne, le Danemark et l'Irlande entrent en 1973, la Grèce en 1981, l'Espagne et le Portugal en 1986 et enfin en 1995 le dernier élargissement concerne l'Autriche, la Finlande et la Suède. Le 7 février 1992, les douze membres qui composent alors la CEE se décident à franchir une nouvelle étape dans le processus d'intégration à l'Europe ; ils instituent l'Union Européenne. Dès lors, les gouvernements vont s'attacher à la réalisation du projet de monnaie unique destiné à renforcer un sentiment d'identité européenne. Ainsi, le 1er janvier 1999, l'euro entre en vigueur.
Cette transition réussie entraîne un regain de crédibilité de l'Europe. En effet, le cercle vicieux dans lequel semblait enfermé le projet de monnaie unique c'est transformé en cercle vertueux. La portée politique et psychologique de cet événement est considérable pour les Européens. L'euro crée pour les pays qui y sont engagés une obligation de s'entendre, dont ils se montrent conscients et s'acquittent plutôt mieux que ce que laissaient présager les débats passés. Sur le fond, le consensus reste malgré tout difficile à atteindre.
L'Union économique étant réalisée, reste à s'accorder sur un projet politique commun.
B) Vers un projet politique commun.
1) Une union nécessaire au maintien de l'Europe.
Après la Seconde Guerre mondiale, les nations affaiblies du Vieux continent ne pouvant plus rivaliser face à la «superpuissance « que sont devenus les Etats-Unis, ont vu dans l'union la seule solution pour résister à la domination américaine. Aujourd'hui, l'euro s'inscrit encore dans cet objectif Il n'a pas «la volonté de supplanter le rôle du dollar. Il prendra tout simplement sa place au côté du dollar «, comme l'indiquait Dominique Straus Kahn, le ministre français de l'économie. Pour la première fois en effet, le billet vert a un challenger potentiel.
D'autre part, le déclin démographique des pays européens laisse entrevoir à terme une perte de poids considérable au sein du système-monde. D'où la nécessité d'une union. Dans trente ans, l'Union européenne représentera entre 4,5 et 6,3% de la population mondiale, alors que l'Allemagne actuelle en représentera 0,8% et la France 0,6% en 2025. Des peuples vieux, riches et peu nombreux peuvent-ils survivre? La question est posée.
2) Les institutions européennes, de nouvelles perspectives.
L'Europe n'est pas une simple juxtaposition d'Etats ; elle se présente comme une solidarité politiquement et juridiquement organisée. L'Europe dispose d'institutions communautaires :
- Le Conseil européen : les chefs d'Etat et de gouvernement y dictent les grandes orientations de la politique européenne (Gerhard Schrôder)
- Le Parlement européen, colégislateur avec le Conseil des ministres : vote le budget, contrôle la Commission et a un droit de veto dans certains domaines.
- Le Conseil des ministres, colégislateur avec le Parlement: vote les directives proposées par la Commission, c'est aussi l'organe de décision.
- La Commission européenne, investie et révocable par le Parlement: elle a l'initiative des lois et gère le budget européen, c'est le vrai moteur de l'Europe.
- La Cour de Justice de La Haye.
Si ces institutions sont bien réelles, de nouvelles solutions sont envisageables afin de
renforcer l'Union.
Pour l'instant, la politique étrangère et de sécurité commune reste à un stade mythique même si chacun souhaite son existence. En effet, conscient de l'absence apparente de capacité de réaction dans le domaine de la sécurité, Tony Blair a relancé le débat sur la défense européenne à l'automne 1998. L'actualité témoigne cependant d'un effort commun des Européens. Ils ont d'abord paru suivre, dans l'affaire du Kosovo, le leadership américain. Toutefois, ils semblent s'être repris, Français et Britanniques signalant leur disponibilité à engager des forces terrestres au Kosovo, avec ou sans participation américaine. Des signes précurseurs de cette attitude plus volontaire des Européens étaient déjà perceptibles : opération européenne menée par l'Italie en Albanie au printemps 1997, mise en place à
l'automne 1998 d'une force d'extraction européenne en Macédoine pour assurer la sécurité de la mission de vérification de l'OSCE au Kosovo.
Toutes ces nouvelles perspectives témoignent de l'inachèvement de l'Union européenne. En effet, des problèmes continuent d'entraver son bon fonctionnement.
Il / ... dont la concrétisation s'avère difficile.
A) Un déficit démocratique.
1) Le paradoxe Etat-Nation / Europe.
L'Union européenne est marquée par un dangereux déficit démocratique. En effet, les institutions, notamment le Parlement, n'ont encore que peu de pouvoir; leurs décisions n'ont souvent qu'un titre indicatif D'autre part, les députés européens sont fréquemment accusés d'être des technocrates voulant faire une Europe des élites plutôt qu'une Europe des citoyens. Les députés font donc l'Europe mais ne sont pas encore l'Europe. D'autant que ces représentants sont la plupart du temps loin de leurs électeurs.
Les députés européens se trouvent de plus dans une situation ambiguë, partagés entre leur rôle d'élu national ou régional et l'élaboration d'un projet commun à l'Europe. Ils sont donc parfois confrontés à des conflits d'intérêts. Mais, pour être véritablement efficace au sein de l'Union, ils se doivent de dépasser le cadre purement national.
Un autre obstacle intervient lors des débats en assemblées plénières. La pluralité des langues pose des problèmes d'organisation car elle fait intervenir des interprètes, ceux-ci ne traduisant pas toujours fidèlement les propos initiaux des intervenants. Ces intermédiaires empêchent la tenue d'un débat dynamique où se confrontent les différentes idées.
L'Europe de demain implique alors un effort dans le dépassement des clivages politiques traditionnels. Parallèlement, le Parlement sera amené à prendre de plus en plus d'importance au sein de l'Union.
2) Comment faire émerger une âme d'une union d'intérêts ?
La définition de l'identité européenne ne passe plus par un critère culturel mais par celui de l'efficacité et la compétitivité. On ne pense plus l'Europe en terme de communauté mais de société (opposition conçue au " siècle par le penseur sociologue allemand Ferdinand Tonnies et reprise par Max Weber). La communauté est une forme d'association réglée par l'affectivité, un sentiment d'amitié ou de parenté entre ses membres. Au contraire, la société est un type d'association humaine, de groupement humain réglé par l'intérêt. Tel est le paradoxe de la situation européenne actuelle : «on réduit tout à l'intérêt et on veut que l'âme naisse de l'intérêt « (Alain Finkielkraut). Ce paradoxe a selon lui un précédent: la culture d'entreprise. Ainsi, l'Europe qui est en train de se construire n'est pas une nation élargie mais un élargissement de cette culture d'entreprise.
André Frossard évoque également le problème, je cite : «L'Europe a de plus en plus de membres et de moins en moins d'âme. Elle en avait une autrefois qui s'appelait le christianisme et qui l'a protégé plus d'une fois du pire. Aujourd'hui, elle n'a plus ni âme ni pensée, elle a tout misé sur l'intérêt matériel, le profit. Si l'intérêt est en effet un agent de cohésion efficace quand les affaires vont bien, quand celles-ci vont mal il n'y a pas d'explosif plus puissant. «
La construction d'une identité européenne réelle montre donc encore certaines faiblesses, elles suscitent de plus l'émergence de nouveaux problèmes.
B) la construction européenne : l'émergence de nouveaux problèmes.
1) Crainte d'une perte d'identité nationale.
Il existe encore quelques réticences vis-à-vis de l'Europe, notamment la crainte d'une perte de souveraineté des Etats et de leurs particularismes. Les Français ont peur que la construction de l'Europe se traduise par une destruction du passé national, en particulier pour tout ce qui concerne la culture paysanne. En effet, la PAC impose ses décisions aux agriculteurs, décisions qui portent atteinte à la survie des terroirs régionaux.
Ce qui caractérise l'Europe, c'est en fait la diversité de ses peuples. Ainsi, la meilleure solution serait une double allégeance à sa culture nationale et à la culture européenne. Ceci permettrait de combiner les avantages du petit et du grand Etat.
2) Les dangers d'un monde sans frontières.
La suppression des frontières à l'intérieur de l'espace européen a mené à la prise de conscience d'un réel danger. Avant, la diversité des Etats facilitait l'exil des savants, des artistes, des personnes persécutées. Il leur suffisait de passer la frontière pour changer de gouvernement. C'est grâce à ces frontières que la liberté de penser a pu s'exercer. Avec la suppression de celles-ci, il n'y a plus moyen d'échapper à la barbarie. La liberté s'en trouve considérablement affectée.
On peut citer l'exemple de Salman Rushdie, condamné à mort par un ayatollah iranien, est désormais condamné à mort partout. Il ne peut donc échapper à sa sentence.
L'identité européenne est certes en cours de réalisation mais est encore loin d'être achevée. De nombreux défis restent encore à relever. L'identité européenne ne se construira pas sans un esprit volontariste. Il est de plus urgent de consolider les institutions communes, d'accroître leurs pouvoirs et leur contrôle mais aussi et surtout leur légitimité. Les élections européennes du 13 juin 1999 seront un pas de plus vers cet objectif
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