[POLITIQUE] BOSSUET

   En dehors de la place si importante que Bossuet tient dans la littérature et dans les querelles religieuses qui agitèrent la fin du XVIIe siècle (jansénistes, quiétistes, hérésies multiples), son nom s'inscrit dans l'histoire des idées politiques autant par l'influence directe qu'il eut comme précepteur du dauphin que comme champion de la « réaction « aux « idées subversives « de Grotius, de Spinoza, de Hobbes et de Locke. Ce sont deux travaux : La Politique tirée de l'Ecriture sainte (écrit de 1679 à 1693, inachevé, publié posthume en 1709) et le Discours sur l'histoire universelle (écrit en même temps, à l'occasion de son préceptorat) qui sont ici les plus marquants.    A l'idée de l'Etat laïque, qui gagne du terrain depuis que Luther a secoué le monde chrétien et l'autorité de l'Eglise, Bossuet oppose (et justifie) la monarchie absolue très chrétienne. L'origine de la société, dit-il en substance, n'est ni dans une « nature politique ou sociale de l'homme «, ni dans un prétendu « contrat « ou pacte. L'origine est Dieu. C'est Dieu qui, obligeant par sa loi les hommes à s'aimer les uns les autres, crée le lien social. Si d'autre part tout gouvernement est bon s'il est juste et durable, c'est la monarchie héréditaire qui est la forme idéale de l'Etat, l'autorité et la souveraineté venant aussi de Dieu.    A cette thèse, Bossuet ajoute un chapitre qui situe les devoirs du roi et conteste le principe du « bon plaisir «. Car si Dieu est le créateur et le fondement de toute l'organisation socio-politique, il s'ensuit que le roi doit se soumettre aux impératifs de la raison et aux ordres de Dieu à qui il rendra finalement compte.    Le Discours sur l'histoire universelle précise une conception de l'histoire qui aura un grand retentissement, ne serait-ce que par les réactions violentes qu'elle entraînera au XVIIe siècle. Reconstituant patiemment, avec une érudition historique énorme, l'histoire du monde depuis sa création jusqu'à Charlemagne, Bossuet veut montrer que l'histoire a un sens, ce sens étant le dessein de Dieu d'assurer le triomphe du christianisme et son intervention providentielle dans les affaires humaines.    On est surpris de voir à quel point cette thèse fameuse a soulevé d'objections au XIXe siècle tendant à la ridiculiser, car le sens de l'histoire (déjà affirmé par saint Augustin) sera vraiment l'affirmation majeure des hégéliens et des marxistes, tout autant que la foi en l'avènement final d'une cité régénérée. Certes l'immanence aura remplacé alors la transcendance, le génie de l'histoire ou la loi suprême de l'économie aura remplacé Dieu... mais le schéma de pensée reste le même. Le véritable anti-Bossuet sera Montesquieu.