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Portraits de femmes

Publié le 22/02/2012

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Dans son étude psychocritique du théâtre de Giraudoux, Charles Mauron souligne la ressemblance entre la mère et la fille dans Électre, sensible à travers leurs affrontements mêmes. La haine qui rend Électre clairvoyante, l'aveugle pourtant sur un point :elle ne perçoit pas que si Clytemnestre aime quelqu'un, c'est sa fille, parce qu'elles sont femmes toutes deux, mais femmes viriles, l'une crispée sur le pouvoir qu'elle a ravi à l'époux mort, l'autre sur sa pureté virginale et cette haine qu'elle emprunte au souvenir du même mort. Électre justicière devient aussi froide à l'égard de sa mère que Clytemnestre à l'égard de ses enfants. [...] À maints égards, sous sa froideur, Clytemnestre apparaît aussi blessée, aussi pathétique qu'Électre. Comme Athalie, cette «Phèdre ridée», elle esquisse des gestes de tendresse qu'on rabroue. Sur son mensonge même, il y aurait fort à dire. Si elle a tué Agamemnon, c'est que la feinte lui était devenue intolérable. Le moyen qu'elle choisit pour se délivrer appartient, en vérité, au mythe tragique. [...] le meurtre d'Agamemnon pourrait bien n'être que la forme, imposée par la tragédie, d'une simple rupture du couple légitime. Or cette rupture, dans de telles conditions, est bien tenue par Giraudoux pour un triomphe de la vérité sur le mensonge social. Clytemnestre, incapable de supporter plus longtemps son propre mensonge et le visage fermé de sa fille, est-elle si éloignée d'Électre que la froideur et l'hypocrisie de sa mère exaspèrent? Comme le crime et le talion, la coupable et la justicière se ressemblent — c'est bien ce qui, déjà, inquiétait Eschyle. Charles Mauron, Le Théâtre de Giraudoux. Étude psychocritique, José Corti, Paris, 1971

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