Devoir de Philosophie

Portraits de femmes - Une partie de campagne de Maupassant

Publié le 14/09/2018

Extrait du document

maupassant

Rapprochements : le motif de l’escarpolette

 

La femme sur l’escarpolette, en galante compagnie, est un motif* de la peinture du XVIIIe siècle, que Maupassant pouvait difficilement ignorer après les ouvrages des Goncourt (L’Art au XViif\" siècle, 1859 ; Watteau, 1876). Dans Les Hasards heureux de l’escarpolette, de Fragonard, << la peinture fige un instant. L’esthétique du rococo veut que cet instant pictural ait son éloquence particulière, qu’il retienne la pointe aiguë d’une situation fugitive, qu’il figure une occasion » (Jean Sta-

de << Mlle Dufour >> à << grimacer diversement >> .

Écriture : deux tableaux antithétiques

 

Chez Maupassant, une intention satirique préside d'abord à la reprise du topos. En mai 1881 (UPC est publiée en avril), le chroniqueur se moque des balançoires, << ces odieux engins de plaisir, la joie des femmes à la campagne, instruments de migraine et de maux de cœur, qui, le dimanche, emplissent la banlieue parisienne de leur mouvement régulier, incessant, monotone, étourdissant» (Chro., 1, 218). Dans la phrase qui montre les << dames installées déjà sur les escarpolettes >>, l'emploi de l'adverbe suggère que, comme l’annonce l'enseigne de l'auberge, << fritures, [ ...] bosquets et balançoires >> constituent les plaisirs obligés d'une partie de campagne.

Mlle Dufour essayait de se balancer debout, toute seule, sans parvenir à se donner un élan suffisant. C'était une belle fille de dix-huit à vingt ans ; une de ces femmes dont la rencontre dans la rue vous fouette d'un désir subit, et vous laisse jusqu'à la nuit une inquiétude vague et un soulèvement des sens. Grande, mince de taille et large des hanches, elle avait la peau très brune, les yeux très grands, les cheveux très noirs. Sa robe dessinait nettement les plénitudes fermes de sa chair qu'accentuaient encore les efforts des reins qu'elle faisait pour s'enlever. Ses bras tendus tenaient les cordes au-dessus de sa tête, de sorte que sa poitrine se dressait, sans une secousse, à chaque impulsion qu'elle donnait. Son chapeau, emporté par un coup de vent, était tombé derrière elle ; et l'escarpolette peu à peu se lançait, montrant à chaque retour ses jambes fines jusqu'au genou, et jetant à la figure des deux hommes qui la regardaient en riant, l'air de ses jupes, plus capiteux que les vapeurs du vin. Assise sur l'autre balançoire, Mme Dufour gémissait d'une façon monotone et continue : " Cyprien, viens me pousser ; viens donc me pousser, Cyprien ! " A la fin, il y alla et, ayant retroussé les manches de sa chemise, comme avant d'entreprendre un travail, il mit sa femme en mouvement avec une peine infinie. Cramponnée aux cordes, elle tenait ses jambes droites, pour ne point rencontrer le sol, et elle jouissait d'être étourdie par le va-et-vient de la machine. Ses formes, secouées, tremblotaient continuellement comme de la gelée sur un plat. Mais, comme les élans grandissaient, elle fut prise de vertige et de peur. A chaque descente, elle poussait un cri perçant qui faisait accourir tous les gamins du pays ; et, là-bas, devant elle, au-dessus de la haie du jardin, elle apercevait vaguement une garniture de têtes polissonnes que des rires faisaient grimacer diversement.
maupassant

« robinski, L'In vention de la liberté.

1700-1 789, Skira, 1964).

L'occasion est donnée à un jeune homme, couché derrière un buisson de rosiers, dejeter un regard ardent sous la robe d'une jeune femme que la balançoire a condu ite juste au-dessus de lui.

Elle est au sommet de sa course, elle va redescendre ; le voyeur entrevoit un pied tendu qui tente vainement de rattra­ per une chaussure envolée et une jambe que ce geste découvre jusqu'a u genou.

L'amour naîtra- t-il de ce hasard heureux ? À l'a rrière-plan, deux petits amours de pierre surveillent la scène, qui se déroule sous les frondaisons généreuses d'un parc à l'anglaise ...

En 1876, quand le peintre impressionniste Auguste Renoir peint à son tour La Balançoire (contemporain du célèbre Mou­ lin de la Gal ette), le cadre a changé.

Le tableau évoque une réunion d'amis dans le jardin ombragé du peintre.

Un jeune homme, que l'on voit de dos, est campé devant une jeune femme rêve use, debout sur une balançoire immobile.

Sa pose met en valeur la ligne alanguie de son corps à la taille haute et aux hanches marquées.

Son interlocuteur lui parle-t-il d'amour ? C'e st ce que suggère le jeu des regards : la jeune femme, par pudeur semble-t-il, détourne le sien de celui du jeune homme, que l'on devine rivé sur elle.

À gau che, un homme observe mali­ cieusement son ami et un amour d'enfant, bien réel celui-là, la tête levée vers la jeune femme, semble attendre le dénouement de la scène.

Deux ans plus tard, Zola situe la scène dans .

Une jeune veuve, Hélène Grandjean, debout sur une balançoire, , revit les > qui faisaient son bonheur quand elle était jeune fille : >, ses jupons claquant au vent attirent le regard de celui qui va devenir son amant : > (U ne page d'amour, I, 4) .

La réunion des motif s de la balançoire, de la nature printanière , de la beauté plastique du corps féminin et de l'amour naissant consti­ tue désormais un topos *.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles