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Quel est le pouvoir de la parole dans les chants V à XIII ?

Publié le 24/09/2010

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  L'odyssée, oeuvre antique écrite par Homère, pose aujourd'hui encore problème. On ne sais avec exactitude qui était Homère, et, surtout, l'on a tendance à penser qu'il était aède, donc qu'il chantait ses histoires avant même de les écrire. A l'époque les aèdes et la parole avaient une importance capitale, et on retrouve cette importance dans l'épopée d'Homère. Quel est le pouvoir de la parole dans les chants V à XIII? Nous allons voir, pour répondre à cette question, l'importance des aèdes dans l'oeuvre, et dans un deuxièmes temps la façon dont Ulysse utilise la parole, à quel dessein  et quel pouvoir en fait il. Et enfin nous analyserons une certaine hiérarchie divine dans la parole, et ce qu'en font les dieux. 

 

 Il existe une mémoire sociale grecque dont les gardiens et les producteurs tout à a fois sont les aèdes: en leurs chants vit la gloire (le Klèos) des héros qui ne sont plus. D'où l'importance accordée à leurs chants! La parole ici a un pouvoir commémoratif, pouvoir exacerbé par un muse, qui inspire l'aède. Malheureusement il peut arriver qu'en contre partie elle lui demande quelque chose, ce fut le cas pour Démodocos, l'aède des phéaciens, qui perdit la vue en contre partie de l'aide d'une muse. Il en est d'ailleurs d'autant plus respecté: un héraut est constamment à son service, il est ses yeux. Son rang d'aède lui ouvre les portes d'innombrables avantages: sa lyre aigüe est accrochée au palais du roi, et c'est son héraut qui la lui amène, il prend le même chemin que les princes lorsque le Roi Alcinoos propose que démarrer les jeux. De plus, aiguillonné par quelque dieu et inspiré par la muse son chant est beau et émouvant, Ulysse va jusqu'à verse quelques larmes lorsque Démodocos raconte, sous la demande d'Ulysse, la fin de la guerre de Troie à laquelle Ulysse a participé avec son idée de construire un immense cheval de bois pour entrer dans les murs troyens. La parole a donc ici un pouvoir émouvant, en plus que commémoratif, lorsqu'elle est menée avec justesse. Un autre homme manie la parole avec verve, et sans l'aide d'une muse qui plus est, Ulysse, à qui Démodocos lègue la parole.

 Ulysse, avant d'arriver chez les Phéaciens, navigua entre des îles toutes plus inhospitalières les unes que les autres, où nul aède n'existe. C'est un monde d'oubli, où la mort est synonyme d'oubli, et où un seul se souvient: Ulysse. Chez Eole, le maître des vents, c'est Ulysse qui se doit de raconter la chute d'Ilion à défaut d'aède. Ulysse prend donc la parole après Démodocos, à l'invitation d'Alcinoos, pour raconter son périple. Se faisant il retrouve la gloire perdue, il est Ulysse, fils de Laërte, dont le nom a franchit les cieux... Sa façon de parler dénote par ailleurs des origines nobles, Alcinoos affirme qu'il est impossible de le confondre avec quelque charlatan ou fripon que ce soi, Ulysse sait tenir son public en haleine, ce qu'on remarquera lorsqu'il s'arrêtera au milieu de son récit parce que la nuit tombait, au moment où il racontait son passage aux enfers, tous étaient sans parler dans le silence, sous le charme de l'harmonie de ses pensées. La parole a ici un pouvoir séducteur, Ulysse manie la parole aussi bien sinon mieux que son glaive, s'armant de sa mêtis, sa ruse, pour désarmer ses hôtes. Il racontera de ses douces paroles comment, la ruse comme alliée, il trompa de sa subtile parole le cyclope en lui affirmant qu'il s'appelait « Personne «. Ulysse s'adapte, et utilise son art de la parole pour séduire, pour tromper, mais aussi pour convaincre... Ce qu'il fera arrivé sur l'île de Phéacie pour convaincre la princesse Nausicaa qu'il n'est ni pirate ni bandit, mais simple naufragé qui demande asile. Son discours flatteur séduira Nausicaa qui acceptera de l'aider. Ses mille ruses alliées à sa parole lui font faire des miracles, mais quel poids a sa faible parole de mortel face à celle d'un dieu?

 Il existe une certaine hiérarchie dans l'importance de la parole, chez les dieux aussi bien que chez les hommes. Zeus, père de tous les dieux tonne de sa voix tonitruante des ordres auxquels nul ne peut se souscrire. Hermès  ne s'y trompera pas, et obéira à l'ordre qui lui fut donné de demander à la nymphe Calypso de laisser Ulysse partir, après 7ans. Hermès est un dieu lui aussi, il est le messager des dieux, et tous les dieux aussi sont importants, omniprésents, la parole de Poséidon, l'oncle de Zeus, est elle aussi sans équivoque, même s'il doit respecter celle de Zeus, ce qu'il fera en lui demandant l'autorisation de maudire Ulysse, qui avait au préalable crevé l'oeil de Polyphéme, le fils de Poséidon. Zeus acceptera mais prédira qu'Ulysse rentrera tout de même chez lui, après un long voyage, et seul. Athéna, aux paroles ailées, est plus subtile, plus maligne, elle utilise sa parole de la même façon qu'Ulysse: avec adresse, intelligence et ruse. Mais dans la hiérarchie divine elle tiens tout de même un rôle non négligeable, après Zeus et Poséidon; c'est elle qui convoquera le conseil des dieux pendant l'absence de Poséidon, son rival, et qui convaincra par sa verve l'assemblée et surtout Zeus d'ordonner à Calypso de laisser Ulysse partir. Calypso n'est qu'une nymphe, au même titre que Circé la magicienne, et leur parole à toutes deux n'a que peu d'importance aux yeux des dieux. Cependant elles peuvent faire des prophéties, comme les dieux, et pour les mortels comme Ulysse leur parole est d'or: Calypso prédira à Ulysse qu'il aura des problèmes (une tempête de Poséidon) avant d'arriver en Phéacie, et Circé lui prédira ses rencontres avec Charibde et Scylla, les sirènes, l'île du soleil... Les sirènes sont un peu spéciales dans la hiérarchie divine, elles sont des muses de la mort, elles ont le pouvoir, par leur parole, d'envoûter les marins pour qu'ils s'échouent sur les rivages de leur île et pour les dévorer par la suite. Ulysse se fera attacher au mât et écoutera leur chant, qui racontent ses exploits passés, les sirènes ont aussi, comme les aèdes, le pouvoir de raconter des faits antérieurs. Les hommes ne sont pas des divinités, mais certains ont le don de prophétiser, comme Tirésias, qu'Ulysse rencontrera dans le royaume des enfers et qui lui prédira son retour, et même la façon par laquelle il mourra. Pour les hommes, les paroles des prophètes, au même titre que celles des aèdes, font autorité. Même le Roi Alcinoos respecte la parole de son aède, et les hommes respectent la parole de leur Roi et accepteront de donner des cadeaux, des dons, à Ulysse. Alcinoos est par ailleurs à la limite du divin car pratique l'inceste divin avec sa nièce. 

 

 Pour conclure nous avons vu que les aèdes possédaient  un pouvoir commémoratif par le biais de leur parole, au même titre que les sirènes mais pas dans les mêmes desseins, qu'Ulysse savait, comme Athéna sa déesse protectrice, utiliser sa parole avec ruse pour s'adapter à toute situation, et enfin qu'il y avait une certaine hiérarchie divine vis à vis de l'importance de la parole. Tous ces éléments laissent à penser que l'Odyssée a été écrite par un aède, Homère, qui, du fait de son titre, accorda dans son oeuvre beaucoup d'importance à la parole, et notamment à celle des aèdes.

 

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