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R. von Strigl, Introduction aux principes fondamentaux de l'économie politique

Publié le 15/05/2020

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Supposons qu'une célèbre cantatrice doive paraître sur la scène du théâtre d'une grande ville. Pour cette représentation, on met en vente un nombre limité de places debout, au prix de 2 shillings. Or, en pareille occasion, de nombreux amateurs enthousiastes de belle musique vont faire queue pendant des heures pour obtenir des places debout. Traduisons ce fait dans la formule qui nous ramène à nos sèches considérations économiques, qui semblent ici déplacées. Pour le prix de 2 shillings, la demande des places debout est plus grande que l'offre. Nous pouvons maintenant imaginer qu'on fasse une expérience pour vérifier cette thèse. La direction du théâtre constatant avant l'ouverture des. guichets que le nombre des amateurs est très grand, déclarerait à l'improviste que le prix de ces places va être élevé de 2 shillings à 2,50 shillings. On pourra prévoir que parmi le grand nombre d'amateurs quelques-uns n'auront pas plus de 2 shillings en poche, et devront se dire qu'ils ne peuvent pas sacrifier plus que cette somme pour un plaisir artistique, vu leur maigre revenu. Certains quitteront la queue. Si la direction du théâtre portait alors le prix à 3 shillings, il est probable que d'autres amateurs s'en iraient aussi.

Personne ne doutera que l'on pourrait continuer à hausser le prix jusqu'au moment où il n'y aurait pas plus d'amateurs que de places debout disponibles. Dans cette étude, nous n'avons pas tenu compte des scènes turbulentes qui se produiraient à coup sûr par suite de cette « politique des prix »; la seule chose qui nous intéresse ici est une certaine relation économique. Nous ne voulons pas non plus soulever la question de savoir si cette politique des prix serait« juste ». Il est certainement souhaitable que les gens peu fortunés aient l'occasion de jouir d'un spectacle artistique. Ce qui nous intéresse c'est seulement de savoir l'effet qu'exerceront les différents principes suivant lesquels on aura fixé les prix. Le fait est que, pour un prix de 2 shillings, il y a un « trop grand >> nombre d'intéressés. Il faut décider, d'une manière ou d'une autre, qui recevra les billets disponibles, en trop petit nombre pour toute la foule des amateurs. Et il n'est alors possible de décider que par les prix. Comme la grandeur de la demande dépend du prix, on pourra fixer ces prix de façon que la demande capable de payer ce prix soit réduite à l'importance de l'offre donnée. La fixation du prix décide alors de la demande qui recevra satisfaction.

Disons bien vite que cette sélection par les prix n'est nullement pour nous la seule juste, ni juste en général. On peut supposer que la demande réduite, en raison de l'offre existante, n'ait lieu, par exemple, qu'à partir de 5 shillings, prix trop élevé surtout pour les intéressés qui

« Exercices d'app lication 4 7 recherchent Ur)e place debout par pur amour de l'art, et nullement par l'envie d'assister à l'apparition sensationnelle d'une chanteuse sur la scène : retenons seulement que la sélection de la demande par fixation des prix est en principe possible.

Mais qu'arrivera-Hl si ce principe n'est pas appliqué? Si, par exemple, pour le prix de 2 shillings, le nombre des amateurs est bien plus grand que celui des places debout? Une partie de la demande est éliminée déjà par le prix, mais celle qui subsiste est plus forte que l'offre.

Là aussi, il faut décider d'une manière quelconque lesquels des amateurs recevront satisfaction.

En général, on verra que des jeunes gens arriveront plusieurs heures d'avance pour être à temps au gui­ chet.

Celui qui arrivera le premier aura son billet.

Nous voyons que la sélection des intéressés s'accomplit du fait que ceux-là seuls font affaire qui, en dehors du paiement des 2 shillings, peuvent sacrifier plu­ sieurs heures de leur temps.

Ce principe de sélection présente l'avan­ tage certain d'assurer une place à ceux qui ne peuvent payer plus, mais disposent d'un certain temps.

Certes, il est possible qu'un homme très occupé arrive alors trop tard, même s'il est en état d'apprécier la représentation à sa pleine valeur.

Mais il n'est pas dit que ce soit seulement le sacrifice d'un certain temps qui opère la sélection.

Par exemple, si l'ordre n'est pas maintenu sévèrement, il se produira une bagarre, on jouera violemment des coudes, et c'est celui qui sera physiquement le plus fort qui vaincra.

D'autres principes de sélection pourront agir.

Tel amateur se procurera une carte par protection ou par combinaison « à côté », (< en dessous >1.

Nous pouvons aussi imaginer que le choix est opéré tout autrement, que la direction du théâtre agis­ sant suivant une vue d'ensemble, suivant un principe« sain » renonce à élever ses prix et distribue les billets à tarif réduit, chose qui, normale­ ment, appellerait une sélection non entre tous les amateurs, mais seu­ lement entre certaines personnes qu'elle favorise parce qu'elle sait qu'il s'agit de connaisseurs ayant pour le concert un intérêt particulier.

Ce choix pourrait être confié à quelqu'un d'autre, à un service spécial qualifié ou à l'État.

Notons seulement la possibilité d'un sem­ blable principe pour la répartition.

Nous n'avons pas ici à savoir si on obtiendra ainsi un partage vraiment. »

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