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Sol LEWITT (1928-) L'idée comme machine d'art

Publié le 19/10/2016

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Sol LEWITT (1928-)

L'idée comme machine d'art 

Je m'en tiendrai à l'art qui me concerne : l'art conceptuel. Dans l'art conceptuel c'est l'idée ou le concept qui compte le plus. Pour un artiste conceptuel, tous les projets et toutes les décisions sont antérieurs à l'exécution qui reste une chose superficielle. L'idée devient une machine d'art. Mais l'art conceptuel n'est pas théorique, il n'illustre pas de théories. C'est un art intuitif, un art qui a trait à toutes sortes de processus mentaux et qui préserve sa gratuité. Généralement, il n'est pas tributaire du métier au sens artisanal du terme. Pour l'artiste conceptuel il s'agit essentiellement de susciter un intérêt mental ; il cherchera donc à museler l'affect. II ne faut pas croire pour autant qu'on cherche à ennuyer. C'est seulement l'attente de quelque aiguillon affectif - auquel l'art expressionniste a habitué - qui empêchera le visiteur de percevoir l'art en question.

L'art conceptuel n'est pas nécessairement logique. La logique dans une œuvre ou une série d'œuvres reste un moyen : occasionnel et aussitôt détruit. La logique peut masquer la véritable intention de l'artiste, faire croire au visiteur qu'il comprend l'œuvre ou induire une situation paradoxale (logique illogique par exemple). Des idées logiques dans la conception peuvent s'avérer illogiques au niveau de la perception. Il n'est pas nécessaire que les idées soient complexes. La plupart des bonnes idées sont d'une simplicité enfantine. Si les bonnes idées se donnent pour simples, c'est qu'elles semblent inévitables. Dans le domaine des idées, l'artiste peut même se réserver des surprises. On trouve les idées intuitivement.

L'apparence d'une œuvre reste secondaire. En se matérialisant elle doit ressembler à quelque chose. Peu importe la forme définitive, cela doit commencer par une idée. C'est le processus de conception et de réalisation qui engage l'artiste. Une fois réalisée, l'œuvre est ouverte à la perception de chacun, y compris l'artiste. (Par perception, j'entends l'appréhension des données sensorielles, la compréhension objective de l'idée et, simultanément, l'interprétation subjective de ces deux rapports.) L'œuvre ne sera perçue qu'une fois achevée.

L'art essentiellement destiné à la vue sera dit perceptuel plutôt que conceptuel. Cela implique l'ensemble de l'art optique, cinétique, centré sur la lumière ou la couleur. Dès lors que la conception et la perception sont des fonctions contradictoires (l'une est a priori, l'autre a posteriori), l'artiste ne saurait appliquer un jugement subjectif à son œuvre sans appauvrir son idée. Pour vraiment explorer son idée, l'artiste évitera autant que possible les décisions arbitraires ou aléatoires ; le caprice, le goût et autres fantaisies n'auront pas cours. Si l'apparence d'une œuvre déçoit, elle ne devra pas nécessairement être rejetée. Il arrive que ce qui semble maladroit au départ s'avère ensuite visuellement satisfaisant.

L'une des manières d'éviter la subjectivité, c'est de travailler avec un plan. Cela permet aussi de ne pas reprendre successivement chaque œuvre. Certains plans exigent des variations par milliers, d'autres varient, mais à chaque fois le plan est fini. D'autres plans impliquent l'infini. Toutefois, l'artiste sélectionnera toujours les formes et les règles de base déterminant la solution du problème. Lors de la réalisation de l'œuvre, moins l'on prendra de décisions, mieux cela vaudra. Cette méthode permet de limiter au maximum l'arbitraire, le caprice et la subjectivité.

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