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Solution Au Paradoxe De l'Écrivain En Littérature : Le Temps Figé

Publié le 25/04/2012

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temps

b) Solution au paradoxe de l'écrivain : le temps est figé Nombreux sont les auteurs de science-fiction qui ont utilisé l'hypothèse d'une trame temporelle unique afin de pouvoir intégrer le paradoxe de l'écrivain dans leurs romans. Le héros est impuissant face a la dimension du temps, et se débat souvent dans un passé qu'il ne peut changer.  Les actions du voyageurs ont en effet lieu dans un passé antérieur a son voyage et constituent des évènements datés, dont il peut éventuellement avoir connaissance.  Pour que cette solution permette le paradoxe de l'écrivain, il faut que la chronologie narrative soit \"globalement\" cohérente : on dit que la boucle de causalité doit être justifiée. Intéressons-nous  a la conception d'une intrigue qui, afin de convenir à cette idée de cohérence, exprime les intrusions du voyageur temporel dans le passé comme des informations existantes dans le présent. En effet,  Chris Marker soutient la thèse d'un temps unique dans le photo-roman La Jetée. Afin de rendre crédible l'idée d'une situation qui est sa propre cause, Marker représente l'intervention du protagoniste dans le passé comme un souvenir d'enfance flou, qui n'est pas réellement appréhendé. En tant que photographe, il envisage par ailleurs une introspection sur la portée fondatrice des images picturales. Mais l'écrivain utilise bien cette image confuse du passé pour justifier qu'un évènement antérieur produise des effets dans le présent et le futur, qui sont les causes de ce même évènement. Il est effectivement intéressant d'observer que la justification de cette boucle de causalité, qui rend l'histoire concevable, repose sur la cohérence du récit, qui prend ici appui sur le trouble d'un souvenir incompris. Le spectateur prend ensuite conscience que le souvenir du héros est celui de sa propre mort et qu'il ne peut changer ce qui est le passé de son enfance. L'histoire globale est bien cohérente : l'action du personnage dans le passé est connue dans le présent. Chris Marker propose  un cas dans lequel le paradoxe de l'écrivain est autorisé. On peut citer de nombreux autres exemples d'ouvrages dans lesquels l'auteur justifie la boucle de causalité en imposant une cohérence au récit. Dans La machine de Technicolor (1967), de Harry Harrison,  les personnages principaux souhaitent filmer un documentaire sur une colonie Viking d'Amérique du Nord, fondée par un certain Thorfinn Karlsefni après une grande bataille dans le Vinland. Le réalisateur, Barney Hendrickson, fait appel à un savant fou qui leur fournit une machine à voyager dans le temps. Ils capturent un scandinave nommé Ottar, qu'ils engagent comme guide et interprète et payent en alcool. Par un enchainement de péripéties, tel que le dérèglement de leur machine ou une attaque massive d'indigènes dont ils sont victimes, les personnages embarquent sur des navires de colons avançant vers la terre des skraelings. Le héros pousse désespérément Ottar à la tête du convoi. A la fin de la nouvelle, le puzzle est reconstitué et on découvre que Ottar n'est autre que Thorfinn Karlsefni et que l'équipage est responsable de la fondation de la colonie qu'ils devaient filmer. Ici c'est bien sur la confusion des noms et surnoms empruntés par les personnages que repose la cohérence du récit et la justification de la boucle de causalité : c'est la raison pour laquelle les personnages ne se rendent pas compte qu'ils sont en train de constituer eux-mêmes l'histoire sur laquelle ils tournent. De même les légendes vikings racontent les combats exactement comme les personnages les ont vécus. Il est intéressant de noter que Thorfinn Karlsefni était un explorateur islandais qui a mené une bataille dans le Vinland avec trois navires et 160 colons : Harrison se base sur des faits historiques et donne une crédibilité supplémentaire à son récit. Voici l'homme, de Michael Moorcock est un roman qui, lui aussi, illustre l'hypothèse d'un temps figé. En effet un voyageur temporel, un névrosé du nom de Karl Glogauer retourne à l'an 28 dans l'espoir de rencontrer Jésus à qui il voue une véritable adoration. Mais il reste bloqué dans ce passé et finit par jouerr lui-même le rôle de Jésus après avoir découvert que celui-ci était un attardé bossu. Moorcock joue subtilement avec la trame temporelle : la reconstitution de la vie de Jésus par le héros constitue en elle-même la justification de la boucle de causalité, car sans elle, le héros n'est jamais retourné dans le passé, Jésus n'ayant pas existé. La cohérence du récit s'appuie par ailleurs sur le fanatisme de Karl Glogauer, qui est prêt à tout pour rencontrer Jésus, et peut donc décider de vivre sa vie. Poul Anderson, dans le recueil de nouvelle La Patrouille du temps, illustre la thèse de la trame temporelle unique à travers le personnage de Manse Erverard, un agent spatio-temporel chargé d'éviter les dérapages provoquant un trop important dérèglement de l'histoire. Même si toute modification du temps ne mènent pas à une situation apocalyptique, il faut éviter certaines divergences majeures, provoquées par exemple par des « délinquants temporels ». L'histoire et le temps sont ici volontairement figée : on s'attache à conserver une trame temporelle dictée par les Daneliens, une civilisation du futur qui cherche a préserver son passé pour que leur existence soit meilleure. De même au cinéma, l'hypothèse de la trame unique est utilisée pour appuyer le paradoxe de l'écrivain. Comme Chris Marker dans La jetée, Thierry Gilliam et ses scénaristes justifient la boucle de causalité dans une adaptation cinématographique du photo-roman : L'armée des 12 singes (1995). Gilliam approfondit l'hypothèse d'un temps unique : toutes les tentatives du personnage principal de changer le passé se révèlent infructueuses et sa mort  atteste par sa similitude le souvenir d'enfance du début du film. En outre, les scientifiques en charge de la mission dans le temps de James Cole n'ont pas réellement d'intérêt a éviter la dissémination du virus qui a tué la plupart de la population humaine et sont conscients de leur impuissance. Ils tentent plutôt d'obtenir une souche pure du virus d'origine, afin de trouver un antidote au mal de leur temps. Nous avons choisi comme exemple Retour vers le futur, où le paradoxe de l'écrivain est illustré dans un cas incohérent, ou la boucle de causalité n'est pas justifiée. Marty McFly joue aux jeunes de 1955 la chanson Johnny B.Goode de Chuck Berry. Mais la chanson a été écrite en 1958 et quand un ami appelle l'artiste, celui-ci entend le morceau et décide de le jouer. La chanson n'a donc jamais été écrite et la situation est un paradoxe de l'écrivain classique. Pour que la boucle de causalité puissent être justifiée, il aurait certainement fallu que le présent de Marty soit au courant de l'origine de la création de Johny B.Good, qui s'avère être un faux plagiat. Ainsi, un récit cohérent placé dans une trame temporelle unique serait la base d'une solution au paradoxe : une explication plausible de la boucle de causalité rend concevable une situation qui est sa propre cause. Nous verrons plus tard que l'idée de cohérence est reprise en physique, avec le principe de cohérence de Novikov. Mais en plaçant l'être humain dans un temps figé, il est évident que ces solutions rentrent en conflit avec l'existence du libre-arbitre, qui exprime la faculté remarquable de l'esprit humain d'être à l'origine même de ses actes. On peut en effet s'interroger sur ce qui retiendrait un voyageur temporel d'effectuer des actions incohérentes, comme tuer son grand-père. Comme nous le verrons plus loin, la physique quantique donne un élément de réponse grâce aux probabilités.

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