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Synthèse de cours : LE VIVANT

Publié le 24/07/2010

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A la différence des mots « physique « ou « mathématique «, très tôt employés pour désigner des secteurs clairement délimités de la connaissance scientifique, le terme « biologie « n’est créé et utilisé pour la première fois, qu’au début du XIX° siècle, par Lamarck en France, et Treviranus en Allemagne. « l’unique et vaste objet de la biologie, écrit Lamarck, c’est tout ce qui est généralement commun aux végétaux et aux animaux, comme toutes les facultés qui sont propres à chacun de ces êtres sans exception « ; or ce qu’ont en commun ces « deux sortes d’êtres «, c’est d’être « tous essentiellement des corps vivants «.    Pourquoi la biologie a-t-elle mis plus de vingt siècle à se constituer comme science ?  Un domaine du savoir ne devient une science à part entière qu’à deux conditions au moins : son objet doit être clairement cerné et défini ; il faut disposer de méthodes rigoureusement adaptées à l’investigation de cet objet.  Mettre en évidence les raisons de cette longue impossibilité, c’est sans doute le meilleur moyen de comprendre la complexe spécificité du phénomène de la vie et de son étude.  Le « mystère « de la vie n’est, aujourd’hui encore, pas totalement élucidé. Dans les siècles passés, la description était souvent plus poétique que scientifique. Diderot utilise la rêverie pour décrire les transformations successives de l’œuf en être vivant. Michel Foucault estime que « jusqu’à la fin du XVIII° siècle la vie n’existe pas mais seulement les êtres vivants «. De fait « la vie n’existe pas « comme objet d’une investigation complètement scientifique, tant qu’elle n’est qu’un mot pour désigner la différence entre l’inerte et l’animé.  Pour commencer on peut constater que tous les êtres vivants ont en commun (ils sont aussi les seuls à le posséder) deux aptitude essentielles : ils sont en relation constante avec un milieu extérieur grâce auquel ils se nourrissent et se développent ; ils sont capables de se reproduire entre eux ( entre espèce). Pour être plus précis, les êtres vivants sont des organismes (système existant par soi, dont tous les éléments ou organes sont interdépendants) aptes à l’auto-construction, l’auto-conservation, l’auto-régulation et en partie à l’auto-réparation. Bichat disait en 1800 pour définir la vie : « l ‘ensemble des fonctions qui résistent à la mort «. comment alors avoir une approche scientifique de la vie ? L’expérimentation fait avancer la biologie, mais c’est au prix de certains paradoxes. Paradoxe évoqué par Canguilhem : « le vivant séparé de la vie par la science et s’essayant à rejoindre la vie à travers la science «. Des problèmes éthiques liés aux conditions d’étude (on ne peut pas faire subir n’importe quoi à un être vivant).  Ces efforts pour connaître la vie ont alterné , dés l’origine, avec les interprétations métaphysiques ou religieuses, chaque fois que la démarche scientifique était jugée impuissante à résoudre seules les problèmes rencontrés.  La première explication (chronologiquement) est le finalisme. La Nature dans son ensemble obéirait à un plan qui expliquerait entre autres, sa structure hiérarchique : de la pierre à l’homme on peut classer tous les êtres selon le degré de complexité de leur organisation. L’homme « fin « de la nature. En suite chaque organisme peut être décrit de façon finaliste. Une harmonie existe entre les différentes parties d’un être vivant et ses besoins vitaux, et par conséquent la justification de l’existence des organes par la nécessité des fonctions à remplir et non l’inverse.  Considérer les manifestations de la vie comme des effets dont il faut chercher et comprendre les causes, c’est incontestablement, s’engager dans une démarche scientifique. Etre finaliste c’est ajouter à cette attitude une dimension non scientifique, en postulant que la nécessité des effets permet de rendre compte des causes.  Un autre choix d’explication apparemment inverse est le mécanisme. La nature est un grand mécanisme dont le fonctionnement découle strictement de l’agencement des différentes parties (pas de nécessité, un simple rapport mécanique). Le biologiste anglais Harvey inspiré par le modèle mécanique des pompes, met en évidence le rôle exact du cœur dans la circulation sanguine. Mais représenter la nature et chacune de ses parties sur le modèle de la machine, c’est oublier les spécificités d’un organisme vivant et le réduire au caractère inerte de la matière. Il reste aussi une question : qui a construit la machine ? Descartes répond que c’est Dieu qui a construit et mis en marche la machine, mais il introduit là de l’irrationnel. Pour Kant qui reprend le modèle cartésien de la montre, il rappelle qu’elles ne peuvent pas se reproduire entre elles et par conséquent une explication mécaniste ne peut suffire à rendre compte de l’existence des êtres organisés complexes.    Au XVIII° siècle une autre solution est proposée pour palier aux insuffisances du mécanisme : c’est le vitalisme. C’est l’action en son sein d’une espèce de « force vitale « (de nature mystérieuse, les vitalistes l’avouent eux-mêmes) qui expliquent l’irréductibilité spécifique de tout être vivant. C’est à cette époque que l’on fait les premières découvertes importantes sur le cerveau et la reproduction dans le monde animal. Les interprétations des résultats sont souvent plus métaphysique que scientifique. De plus on s’attache trop à la spécificité de l’être vivant et l’on oublie le milieu dans lequel il vit. Il y a bien quelque chose de rebelle à la mécanisation dans la vie mais ce « quelque chose « ne suffit pas à lui seule à trouver une solution au problème de la vie.    C'est au XIX° siècle que la biologie devient une science a part entière et conduit à trois découvertes décisives :  - La théorie cellulaire consacre l'existence d'un constituant ultime commun à tous les être vivants.  - La génétique permet de comprendre les mécanismes de la transmission héréditaire et contribue à la maîtrise du phénomène de la reproduction.  - Les premières théories de l'évolution éclairent le devenir des différentes espèces vivantes et leur "histoire" notamment dans leur relation avec la nature.    En affirmant que les espèces vivantes ont une « histoire «, Lamarck puis Darwin imposent à la connaissance du vivant un tournant. Ils ruinent les thèses selon lesquels Dieu aurait tout créé une fois pour toute, sous des formes fixes dés l’origine. Les lois de l’hérédité (seuls les caractères inscrits dans le code génétique d’un individu sont transmissibles à ses descendants) seront reliées à une meilleure connaissance des mécanismes et conditions de reproduction, comme de la nature et des échanges entre le vivant et son milieu. C’est précisément de la réunion de ces caractéristiques que le phénomène de la vie tire ces caractéristiques. Il fallait comprendre cela pour que la biologie dispose de son objet propre et puisse se constituer comme science.    Pourtant deux problèmes majeurs subsistent encore aujourd’hui. Quel est le moteur essentiel de cette évolution et a-t-elle un sens ? Beaucoup de biologistes admettent la thèse contenue dans le titre même du livre de Jacques Monod le hasard et la nécessité dans lequel il précise que dés l’instant ou une modification génétique aurait fini par entraîner des changements décisifs dans la totalité d’une espèce, celle ci serait soumise à une « pression de sélection « qui subordonnerait sa survie à la poursuite de son évolution. Mais certains apports paléontologique (étude des fossiles, c’est-à-dire des espèces disparues) conduisent d’autres biologistes à juger cette explication insuffisante. En effet ces découvertes sont souvent insuffisantes et ne montrent pas précisément la continuité des espèces retrouvées.  L’autre problème est plus un aveu d’impuissance, la question du finalisme n’est pas tranchée. Pour Bergson par exemple « l’émergence du vivant à partir de la matière brute est la marque d’une sorte d’élan créateur libre au sein de la nature «. D’autres biologistes divergent encore sur cette question de l’évolution qui poursuit ou non un projet.    Les choix autant scientifiques que philosophiques sont difficiles. Les progrès de la recherche en biologie peuvent nous mener au meilleur comme au pire. Il est question de la vie. Pour comprendre l’on peut essayer de prendre deux exemples. Les généticiens pourront peut être un jour modifier le patrimoine génétique. On pourra choisir tel caractéristique pour un individu. Qui aura le pouvoir de choisir, pour quelle fin, qui prendra cette responsabilité ?  Une autre problématique est la part de l’inné et de l’acquis et le désir de savoir quels sont les parts respectives chez les êtres humains. Cela peut mener à une sorte de caution scientifique qui affirmerait la toute puissance du déterminisme génétique. Nous serions dés le départ inégaux biologiquement et nous devrions bâtir une société sur ce postulat.  Les biologistes ont le pouvoir de poursuivre ou non leurs recherches, celui de fournir à d’autres des moyens d’agir et d’établir leur politique.

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