Devoir de Philosophie

telle qu'elle se manifeste dans son corps ; mais il

Publié le 23/10/2012

Extrait du document

telle qu'elle se manifeste dans son corps ; mais il pousse cette affirmation jusqu'à nier la Volonté en tant qu'elle apparaît dans d'autres individus ; et la preuve, c'est qu'il tente d'asservir leurs forces à sa propre volonté, et de supprimer leur existence dès qu'ils font obstacle aux prétentions de cette volonté. La source dernière de cette humeur, c'est l'égoïsme porté à un degré extrême, et tel que nous l'avons analysé précédemment. De là ressortent deux vérités : d'abord celle-ci, que ce qui apparaît en un pareil homme, c'est une volonté de vivre extraordinairement violente et qui dépasse de beaucoup la simple affirmation de son propre corps ; et en second lieu, cette autre, que l'esprit de cet homme est soumis sans réserve au principe de causalité et comme prisonnier du principium individuationis... C'est encore pour cette raison, c'est en vertu de cette liaison indissoluble qui amène à la suite d'une volonté forte et fréquente un cortège de douleurs fortes et fréquentes, que tout homme très méchant porte sur son visage les marques d'une souffrance intime : eût-il obtenu en partage tous les biens extérieurs, toujours il aura l'air malheureux, et cela sans autre répit que les instants où il sera possédé soit par la jouissance présente, soit par l'image de cette jouissance. Cette souffrance intérieure, qui fait partie inséparable de l'essence même des gens de cette sorte, est la source véritable de cette joie, qu'on aurait tort de rapporter au simple égoïsme, car elle est désintéressée, et qu'ils tirent de la douleur d'autrui, joie qui est le fond propre de la méchanceté, et qui, à un degré supérieur, est la cruauté même. Ici, la douleur d'autrui n'est plus un simple moyen, destiné à conduire vers un but différent de volonté du sujet : elle est elle-même le but. Comme l'homme n'est que le phénomène de la Volonté, mais qu'elle est en lui éclairée à un degré supérieur par la connaissance, il ne cesse, pour mesurer la satisfaction réelle que la Volonté obtient en lui, de la comparer à la satisfaction possible, telle que la lui représente l'intelligence. De là l'envie : toute privation s'exagère par comparaison avec la jouissance d'autrui, et s'adoucit à la seule pensée que les autres sont privés comme nous. Les maux qui sont communs à tous les hommes et inséparables de leur existence nous troublent peu ; de même encore ceux qui frappent notre pays tout entier, ainsi les intempéries du climat. Le seul souvenir d'un malheur pire que le nôtre, allège notre chagrin ; la vue des douleurs d'autrui apaise notre douleur. D'autre part, supposons un homme en qui la volonté est animée d'une passion extraordinairement ardente : en vain, dans la fureur du désir, il ramasserait tout ce qui existe pour l'offrir à sa passion et la calmer : nécessairement il éprouvera bientôt que tout contentement est de pure apparence, que l'objet possédé ne tient jamais les promesses de l'objet désiré, car il ne nous donne pas l'assouvissement final de notre fureur, de notre volonté ; que le désir satisfait change seulement de figure et prend une forme nouvelle pour nous torturer encore ; qu'enfin, les formes possibles fussent-elles toutes épuisées, le besoin de vouloir, sans motif connu, subsisterait et se révélerait sous l'aspect d'un sentiment de vide, d'ennui affreux : torture atroce ! Dans un état de faible développement de la Volonté, tous ces effets ne se font que faiblement ressentir et ne produisent en nous que la dose commune d'humeur noire ; mais chez celui en qui la volonté se manifeste jusqu'au degré où elle est la méchanceté bien déterminée, il naît de là nécessairement une douleur extrême, un trouble inapaisable, une incurable souffrance : aussi, incapable de se soulager directement, il recherche le soulagement par une voie indirecte ; il se soulage à contempler le mal d'autrui, et à penser que ce mal est un effet de sa puissance à lui. Ainsi le mal des autres devient proprement son but ; c'est un spectacle qui le berce ; et voilà comment naît ce phénomène, si fréquent dans l'histoire, de la cruauté au sens exact du mot, de la soif du sang, telle qu'on la voit chez les Néron, les Domitien, etc. (Monde, I, 38o-2.) III LA NÉGATION DU VOULOIR-VIVRE « LA GUERRE A MORT FAITE A L'ÉGOISME « A) DE LA VERTU I. « ELLE NAIT DE L'INTUITION DE L'IDENTITÉ DU VOULOIR-VIVRE EN MOI ET EN AUTRUI « TOUTE MORALE ABSTRAITE EST STÉRILE Une morale non fondée en raison, celle qui consiste à « faire la morale aux gens «, ne peut avoir d'action, parce qu'elle ne donne pas de motifs. D'autre part, une morale qui en donne ne peut agir qu'en se servant de l'égoïsme or, ce qui sort d'une pareille source n'a aucune valeur morale. D'où il suit qu'on ne peut attendre de la morale, ni en général de la connaissance abstraite, la formation d'aucune vertu authentique ; elle ne peut naître que de l'intuition, qui reconnaît en un étranger le même être qui réside en nous. En effet, la vertu résulte assurément de la connaissance ; seulement ce n'est pas de la connaissance abstraite, de celle qui se communique par des mots. Sans quoi, la vertu pourrait s'enseigner ; et ici par exemple, comme nous exprimons en forme abstraite l'essence de la vertu et la connais-

Liens utiles