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Texte: Denis Diderot Jacques le Fataliste

Publié le 21/06/2013

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Denis Diderot Jacques le Fataliste (1796) Diderot a innové dans le domaine romanesque en s'inspirant de modèles anglais, comme Richardson et Sterne, et en privilégiant le réalisme et l'action plutôt que la psychologie qui était au coeur du roman classique. Jaques le Fataliste est un roman où le dialogue occupe une place essentielle ; il imbrique de nombreux récits et comporte nombre réflexions philosophiques. Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jaques disait que son capitaine disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. LE MAÎTRE. - C'est un grand mot que cela. JACQUES. - Mon capitaine ajoutait que chaque balle qui partait d'un fusil avait son billet. LE MAÎTRE. - Et il avait raison... Après une courte pause, Jacques s'écria : « Que le diable emporte le cabaretier et son cabaret ! « LE MAÎTRE. - Pourquoi donner au diable son prochain ? Cela n'est pas chrétien. JACQUES. - C'est que, tandis que je m'enivre de son mauvais vin, j'oublie de mener nos chevaux à l'abreuvoir. Mon père s'en aperçoit ; il se fâche. Je hoche de la tête ; il prend un bâton et m'en frotte un peu durement les épaules. Un régiment passait pour aller au camp devant Fontenoy1 ; de dépit je m'enrôle. Nous arrivons ; la bataille se donne. LE MAÎTRE. - Et tu reçois la balle à ton adresse. JACQUES. - Vous l'avez deviné ; un coup de feu au genou ; et Dieu sait les bonnes et les mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d'une gourmette2. Sans ce coupe de feu, par exemple, je crois que je n'aurais été amoureux de ma vie, ni boiteux. LE MAÎTRE. - Tu as donc été amoureux ? JACQUES. - Si je l'ai été ! LE MAÎTRE. - Et cela par un coup de feu ? JACQUES. - Par un coup de feu. LE MAÎTRE. - Tu ne m'en as jamais dit un mot. JACQUES. - Je le crois bien. LE MAÎTRE. - Et pourquoi cela ? JACQUES. - C'est que cela ne pouvait être dit ni plus tôt ni plus tard. LE MAÎTRE. - Et le moment d'apprendre ces amours est-il venu ? JACQUES. - Qui le sait ? LE MAÎTRE. - À tout hasard, commence toujours... Jaques commença l'histoire de ses amours. C'était l'après-midi : il faisait un temps lourd ; son maître s'endormit. La nuit les surprit au milieu des champs ; les voilà fourvoyés3. Voilà le maître dans une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet, et le pauvre diable disant à chaque coup : « Celui-là était apparemment encore écrit là-haut... « Vous voyez lecteur, que je suis en beau chemin, et il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en le faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait. Qu'est-ce qui m'empêcherait de marier le maître et de le faire cocu ? d'embarquer Jacques pour les îles ? d'y conduire son maître ? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau ? Qu'il est facile de faire des contes ! Mais ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai. Incipit (publication posthume). Bataille opposant à Fontenoy (commune de la Belgique actuelle), d'un côté la France de Louis XV et le maréchal de Saxe, de l'autre l'Angleterre et la Hollande. Chaîne portée en bracelet Perdus. Questions de lecture analytique Observez les modalités de phrase et le système énonciatif du premier paragraphe (l.1-5) et dites en quoi cette ouverture de roman est originale. D'après le dialogue, peut-on savoir lequel des deux personnages sera le héro du roman ? Répondez en variant vos arguments. Quel point de vue sur l'existence humaine ce texte présente-t-il ? Expliquez le mot « Fataliste «. Peut-on parler de « mélange des genres « ici ? Expliquer.

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