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Tirade De Phèdre (Racine) Acte I, Scène 3

Publié le 15/09/2006

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racine

 

PHEDRE Mon mal vient de plus loin. A peine au fils d’Egée Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée, Mon repos, mon bonheur semblait être affermi, Athènes me montra mon superbe ennemi. Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler, Je sentis tout mon corps et transir et brûler. Je reconnus Vénus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables. Par des vœux assidus je crus les détourner : Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-même à toute heure entourée, Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée. D’un incurable amour remèdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brûlait l’encens : Quand ma bouche implorait le nom de la déesse, J’adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse, Même au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. O comble de misère ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père. Contre moi-même enfin j’osai me révolter : J’excitai mon courage à le persécuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre, J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ; Je pressai son exil, et mes cris éternels L’arrachèrent du sein et des bras paternels. (acte I, scène3) 1/ Périphrase désignant Thésée. 2/ Orgueilleux : hautain, vouant un culte à Diane, déesse de la pureté, Hippolyte semble dédaigner l’amour et la femme. 3/ Pratique divinatoire. 4/ Cœur. Intro : Racine est un auteur dramatique du XVIIème siècle qui a porté la tragédie classique au sommet de la littérature sous le règne de Louis XIV. Avec la pièce Phèdre, dont nous avons un extrait, il signe sa dernière tragédie inspirée de l’Antiquité. L’héroïne éponyme, poursuivie par la vengeance de Vénus, est habitée d’une passion destructrice pour le fils de son mari Hippolyte. Dans notre extrait, elle confesse son amour coupable à sa confidente Oenone. Comment Racine parvient-il à dramatiser l’aveu de Phèdre ? Nous allons voir comment la jeune femme se heurte à la difficulté d’avouer l’inavouable, de raconter l’indicible, ce qui trahit la fatalité de sa situation. I/ La confession de Phèdre est rendue difficile par l’extrême honte qu’elle éprouve à confier un amour adultère, ce qui la pousse à manquer parfois de sincérité dans ses propos. 1/ Le sentiment de culpabilité qui trouble la jeune femme est perceptible tout au long de l’extrait. En effet, elle désigne son mari et le fils de ce dernier en recourant à des périphrases afin de nuancer le choc de la révélation. Elle espère ainsi atténuer la honte qu’elle ressent : « fils d’Egée « désigne Thésée, tandis que « superbe ennemi « désigne Hippolyte. Il faut attendre le vers 286 pour que Phèdre prononce le nom de celui qu’elle aime. Cependant on constate que la culpabilité plane au-dessus de la jeune femme : bien que Thésée ne soit pas sur scène au moment de l’aveu, il est tout de même présent à l’esprit de Phèdre puisqu’il ‘encadre’ l’extrait : dans le vers 269, on trouve « fils d’Egée «, tandis qu’au vers 296, on relève l’adjectif « paternels «. Phèdre semble marquée du sceau de l’infamie, c’est pour cette raison qu’elle tente de se disculper en dissociant d’elle-même les parties de son corps qui la trahissent : aux vers 285-286, « ma bouche « s’oppose au pronom personnel « je «, tandis qu’aux vers 290-291, la groupe nominal « mes yeux « s’oppose toujours au pronom personnel «  je «. Phèdre n’assume pas l’amour coupable qu’elle nourrit pour Hippolyte. 2/ La jeune femme, faute d’être capable de dominer ses sentiments, tente de limiter sa responsabilité, ce qui conduit le spectateur à déceler parfois dans son discours un manque de sincérité. Elle se trahit d’ailleurs lorsqu’elle dit : « Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner «, le spectateur comprend que Phèdre désire implorer la déesse Vénus pour être libérée de sa passion. Pourtant, aux vers 287-288 « J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer «, on comprend que le substantif « dieu « n’a pas pour référent Vénus mais Hippolyte ! Autrement dit, Phèdre construit un temple dédié à Vénus mais dans lequel elle semble cultiver son amour pour le fils de son mari. De plus, lorsqu’elle fait bannir Hippolyte, elle ne lutte pas contre son amour mais contre l’objet de son amour. La violence de la séparation mise en valeur par la métaphore de la séparation : « sein et bras paternels « précédée par un verbe violent « arrachèrent «, indique clairement l’erreur de Phèdre. En effet, bannit-elle Hippolyte des bras de son père ou de son esprit ? Bien que le spectateur ne puisse pas douter de la réalité de la souffrance de Phèdre, il peut tout de même se demander si Phèdre, paradoxalement, ne combat pas son amour en le cultivant. II/ Outre la honte ressentie, ce qui ne facilite pas l’aveu, Phèdre se heurte également à la difficulté de raconter. Ce qu’elle éprouve est violent et traduit la destruction physique et mentale de sa personne. 1/ La passion ressentie par la jeune femme, est une passion soudaine qui semble parcourir tout son corps pour se déployer en elle et ainsi totalement la dominer. Le vers 273 : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; « illustre cette idée : le parallélisme de construction permet de mettre en valeur les trois verbes dont le sens exprime une confusion croissante. La rapidité de ce coup de foudre qui s’abat sur la jeune femme est mise en valeur par l’homéotéleute portant sur le son ‘i’ qui rythme le vers. Phèdre est totalement bouleversée, ce choc amoureux la paralyse ce qui est souligné par la négation : « Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler «. Ses sens sont touchés, ses sensations trahissent un dérèglement de son corps : « Je sentis tout mon corps et transir et brûler « la répétition de la conjonction de coordination insiste sur ce paradoxe. Racine, pour exprimer la violence des sensations ressenties par Phèdre, a recours à des procédés stylistiques pour mettre en valeur les mots traduisant l’état de la jeune femme. 2/ Le récit du coup de foudre à Oenone révèle bien plus que le fait de tomber amoureux. En effet, c’est une véritable maladie d’amour qui s’abat sur Phèdre ce qui la détruit et l’aliène. Pour raconter le calvaire qu’elle vit, Phèdre utilise le lieu commun du feu afin de traduire la force de cette passion qui consume toute son énergie : « brûler, feux redoutables «. Elle tente de retourner cette folie destructrice contre celui même qui en est la cause : Hipppolyte. Le champ lexical de la violence : « persécuter, exil arrachèrent «, illustre cette idée. Cependant la destruction physique se double d’une destruction mentale et donc d’une aliénation. On relève un champ lexical de la dépossession : « un trouble, mon âme éperdue, ma raison égarée «. Le spectateur comprend l’état de Phèdre grâce à ce qu’elle dit, mais il constate aussi face à la difficulté de l’aveu, qu’elle sombre progressivement dans la folie, faute de pouvoir dominer la situation. III/ Au moment où Phèdre avoue, le spectateur sait qu’elle est condamnée, car le récit qu’elle fait à Oenone semble dérouler son destin et la fatalité est présente. 1/ Le destin de Phèdre semble être déjà écrit, les modalisateurs « mon bonheur semblait être affermi « et « je crus les détourner « trahissent le fait que toute tentative pour échapper au destin est vouée à l’échec. La présence de trois adjectifs composés du préfixe négatif –in : « inévitables, incurable, impuissants « renforce cette idée. La rencontre d’Hippolyte a marqué une rupture dans la vie de Phèdre, ce qui est visible par le changement de temps : le passé simple vient remplacer l’imparfait : « mon bonheur semblait être affermi, Athènes me montra mon superbe ennemi. «. La personnification de la ville d’Athènes insiste sur la disproportion entre l’énergie de Phèdre pour lutter et la force dont dispose la déesse Vénus. Phèdre devient donc, faute de pouvoir se défendre, l’esclave de son amour, elle s’affaisse progressivement sous le poids de sa passion : elle qui brûlait de l’encens « sur les autels (vers284) « s’abaisse « au pied des autels (vers 287) «. Le spectateur se demande alors si Phèdre ne serait pas la première des victimes lorsqu’elle est : « De victimes moi-même à toute heure entourée « car elle est l’otage de son destin, c’est ce que tendent à prouver ses paroles. 2/ Plus que le destin, c’est la fatalité qui touche la jeune femme. Elle appartient à une filiation maudite poursuivie par la vengeance de Vénus : la métonymie portant sur le mot « sang « sert à désigner l’hérédité fatale qui touche Phèdre. La jeune femme ne peut pas lutter, elle ne peut que se lamenter ce qui est souligné par l’exclamation : « O comble de misère ! « et par l’adjectif « éternels « dans l’expression « mes cris éternels «. La relation triangulaire du fils, du père et du mari est fatale à Phèdre qui est enfermée dans le cercle vicieux de la passion coupable. En effet, le chiasme du vers 283 : « D’un incurable amour remèdes impuissants ! « évoque l’enfermement de la jeune femme qui est prisonnière de Vénus : L’adjectif « incurable « est repris par l’adjectif « impuissants «, tandis que le substantif « amour « est repris par « remèdes «. Les propos de Phèdre, expriment plus que la honte ou la violence de la passion, ils expriment la souffrance d’une femme soumise à son destin maudit et qui se sait quelque part condamnée. Conclusion : L’aveu de Phèdre est dramatisé par Racine dans la mesure où la jeune femme, qui éprouve de la honte à dire sa passion coupable et qui essaie de minimiser sa culpabilité en justifiant ses actes, fait preuve paradoxalement d’une lucidité terrifiante lorsqu’elle évoque la fatalité qui poursuit sa famille et qui la touche. La violence des sensations qu’elle décrit accentue cet effet de destin maudit, auquel le spectateur ne peut pas rester insensible. L’art de Racine réside dans sa capacité à susciter la pitié du spectateur en mettant en scène des personnages qui souffrent et qui sont impuissants face à leur destin. La reine Bérénice, dans la pièce qui porte son nom, est un autre exemple d’une femme impuissante face à son avenir.

 

 

 

racine

« groupe nominal « mes yeux » s'oppose toujours au pronom personnel « je ».

Phèdre n'assume pas l'amour coupable qu'ellenourrit pour Hippolyte. 2/ La jeune femme, faute d'être capable de dominer ses sentiments, tente de limiter sa responsabilité, ce qui conduit le spectateurà déceler parfois dans son discours un manque de sincérité.

Elle se trahit d'ailleurs lorsqu'elle dit : « Je lui bâtis un temple, et prissoin de l'orner », le spectateur comprend que Phèdre désire implorer la déesse Vénus pour être libérée de sa passion.

Pourtant,aux vers 287-288 « J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer », on comprend que le substantif « dieu » n'a pas pour référentVénus mais Hippolyte ! Autrement dit, Phèdre construit un temple dédié à Vénus mais dans lequel elle semble cultiver son amourpour le fils de son mari.

De plus, lorsqu'elle fait bannir Hippolyte, elle ne lutte pas contre son amour mais contre l'objet de sonamour.

La violence de la séparation mise en valeur par la métaphore de la séparation : « sein et bras paternels » précédée par unverbe violent « arrachèrent », indique clairement l'erreur de Phèdre.

En effet, bannit-elle Hippolyte des bras de son père ou deson esprit ? Bien que le spectateur ne puisse pas douter de la réalité de la souffrance de Phèdre, il peut tout de même sedemander si Phèdre, paradoxalement, ne combat pas son amour en le cultivant. II/ Outre la honte ressentie, ce qui ne facilite pas l'aveu, Phèdre se heurte également à la difficulté de raconter.

Ce qu'elle éprouveest violent et traduit la destruction physique et mentale de sa personne. 1/ La passion ressentie par la jeune femme, est une passion soudaine qui semble parcourir tout son corps pour se déployer en elleet ainsi totalement la dominer.

Le vers 273 : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; » illustre cette idée : le parallélisme deconstruction permet de mettre en valeur les trois verbes dont le sens exprime une confusion croissante.

La rapidité de ce coup defoudre qui s'abat sur la jeune femme est mise en valeur par l'homéotéleute portant sur le son ‘i' qui rythme le vers.

Phèdre esttotalement bouleversée, ce choc amoureux la paralyse ce qui est souligné par la négation : « Mes yeux ne voyaient plus, je nepouvais parler ».

Ses sens sont touchés, ses sensations trahissent un dérèglement de son corps : « Je sentis tout mon corps ettransir et brûler » la répétition de la conjonction de coordination insiste sur ce paradoxe.

Racine, pour exprimer la violence dessensations ressenties par Phèdre, a recours à des procédés stylistiques pour mettre en valeur les mots traduisant l'état de la jeunefemme. 2/ Le récit du coup de foudre à Oenone révèle bien plus que le fait de tomber amoureux.

En effet, c'est une véritable maladied'amour qui s'abat sur Phèdre ce qui la détruit et l'aliène.

Pour raconter le calvaire qu'elle vit, Phèdre utilise le lieu commun du feuafin de traduire la force de cette passion qui consume toute son énergie : « brûler, feux redoutables ».

Elle tente de retourner cettefolie destructrice contre celui même qui en est la cause : Hipppolyte.

Le champ lexical de la violence : « persécuter, exilarrachèrent », illustre cette idée.

Cependant la destruction physique se double d'une destruction mentale et donc d'une aliénation.On relève un champ lexical de la dépossession : « un trouble, mon âme éperdue, ma raison égarée ».

Le spectateur comprendl'état de Phèdre grâce à ce qu'elle dit, mais il constate aussi face à la difficulté de l'aveu, qu'elle sombre progressivement dans lafolie, faute de pouvoir dominer la situation. III/ Au moment où Phèdre avoue, le spectateur sait qu'elle est condamnée, car le récit qu'elle fait à Oenone semble dérouler sondestin et la fatalité est présente. 1/ Le destin de Phèdre semble être déjà écrit, les modalisateurs « mon bonheur semblait être affermi » et « je crus les détourner »trahissent le fait que toute tentative pour échapper au destin est vouée à l'échec.

La présence de trois adjectifs composés dupréfixe négatif –in : « inévitables, incurable, impuissants » renforce cette idée.

La rencontre d'Hippolyte a marqué une rupturedans la vie de Phèdre, ce qui est visible par le changement de temps : le passé simple vient remplacer l'imparfait : « mon bonheursemblait être affermi, Athènes me montra mon superbe ennemi.

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La personnification de la ville d'Athènes insiste sur ladisproportion entre l'énergie de Phèdre pour lutter et la force dont dispose la déesse Vénus.

Phèdre devient donc, faute depouvoir se défendre, l'esclave de son amour, elle s'affaisse progressivement sous le poids de sa passion : elle qui brûlait del'encens « sur les autels (vers284) » s'abaisse « au pied des autels (vers 287) ».

Le spectateur se demande alors si Phèdre neserait pas la première des victimes lorsqu'elle est : « De victimes moi-même à toute heure entourée » car elle est l'otage de sondestin, c'est ce que tendent à prouver ses paroles. 2/ Plus que le destin, c'est la fatalité qui touche la jeune femme.

Elle appartient à une filiation maudite poursuivie par la vengeancede Vénus : la métonymie portant sur le mot « sang » sert à désigner l'hérédité fatale qui touche Phèdre.

La jeune femme ne peutpas lutter, elle ne peut que se lamenter ce qui est souligné par l'exclamation : « O comble de misère ! » et par l'adjectif « éternels »dans l'expression « mes cris éternels ».

La relation triangulaire du fils, du père et du mari est fatale à Phèdre qui est enfermée dansle cercle vicieux de la passion coupable.

En effet, le chiasme du vers 283 : « D'un incurable amour remèdes impuissants ! ». »

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