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Un bon personnage de roman est-il un reflet de la réalité ou sort-il tout droit de l'imaginaire de son auteur ?

Publié le 12/02/2011

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Sujet : Un bon personnage de roman est-il un reflet de la réalité ou une construction imaginaire très élaborée ?

\"Qu'un auteur utilise un personnage de roman pour traduire ses idées et conceptions de la société, rien de plus normal de naturel même. Cependant, ce n'est pas une nécessité car pour construire son personnage et lui donner vie, le romancier peut puiser à bien d'autres sources d'où l'extrême diversité de ce genre littéraire.\"

André MAUROIS (écrivain critique du XX Siècle.)

Le roman est depuis le XIXe siècle, un genre dominant de la littérature, basculant souvent entre réalité et fiction. Le personnage est une création réfléchie du romancier à travers lequel il peut s’exprimer et exposer le regard qu’il porte sur le monde. Il arrive parfois que le romancier nous fasse oublier jusqu’à l’irréalité du personnage pour le doter d’une sorte « d’humanité ». Mais un personnage de roman n’est-il qu’une imitation du réel ? Le romancier, à travers ses personnages, ne cherche-t-il pas à nous emmener dans des directions infinies d’une vie possible voire nous plonger dans un cadre totalement imaginaire ? C’est ce à quoi nous tenterons de répondre. Nous verrons d’abord que beaucoup de personnages de roman reflètent la réalité en essayant d’être le plus proche possible du réel, un personnage pouvant même être une incarnation fictive d’une personne existante. Mais un personnage reste avant tout un être fictif, car il ne se contente pas de refléter simplement la réalité : il peut parfois illustrer une idée, et il se distingue souvent par un trait de caractère remarquable ou un parcours hors du commun qui va faire de lui un personnage exceptionnel.

La plupart des personnages de roman reflètent souvent la réalité et évoluent dans un cadre proche voire identique au notre. L’esthétique réaliste (courrant du XIXe siècle) en est un exemple assez concret car elle vise à produire un effet de réel à l’aide de nombreuses descriptions détaillées. La physionomie des personnages, les détails morphologiques et psychologiques sont décrit avec une perfection qui peut donner l’illusion de réalité. Toutes ces descriptions visent à donner au personnage une sorte « d’humanité » qui permet au lecteur de s’identifier, ou au moins d’accrocher au roman. Ainsi, dans Le Temps retrouvé (1927) de Proust, le personnage du vieux duc de Guermantes est décrit de façon tellement détaillée qu’il nous semble l’avoir déjà vu tant notre image de lui devient concrète. Proust ne se contente d’ailleurs pas d’une simple description des traits du personnage : son visage et son corps se construisent petit à petit dans notre esprit grâce à des descriptions métaphoriques. Le vieux duc nous est présenté comme « un rocher à la tempête », une chose superbe pourtant marqués par « les vagues de souffrances, et de colère de souffrir ». Ses cheveux, ses yeux, son visage semblent tellement exceptionnels qu’ils en deviennent presque mythiques. Ou encore, dans Voyage au bout de la nuit de Céline, le réalisme du cadre et du personnage principal de Bardamu sont saisissant. Soldat participant à la Grande Guerre, Bardamu s’évertue à nous décrire avec précision les lieux, les mentalités et l’horreur de la guerre. Du capitaine de chevalerie cruel aux hommes qui tentent de survivre, tout est fait pour et décrit pour être le plus proche possible de la réalité, et pouvoir rendre compte de l’horreur de la guerre. Bardamu nous décrit même son cheval, carcasse suintante, ce qui ne fait qu’accentuer le réalisme du cadre et des personnages. Les auteurs réaliste, et bien d’autres après eux, veulent donc apporter une imitation du réel grâce à une description parfaite des personnages, de leurs pensées et de leurs traits ce qui donne une image concrète au lecteur.

Les personnages sont parfois des incarnations fictives de personnes réelles, existants dans la vraie vie, ce qui accentue le réalisme du roman. Des personnalités sont souvent prises comme personnages, pas toujours principal, mais qui ont leur rôle à jouer dans le roman. Du fait de ce choix, l’oeuvre devient tout de suite plus réaliste, les personnages évoluant dans un monde qui semble réel. Philippe Besson, dans son premier roman En l’absence des hommes, a fait de Proust lui-même un personnage à part entière de son œuvre. Philippe BESSON, nous entraîne à la suite de son narrateur, jeune adolescent de 16 ans, Vincent de l'Étoile. Ce dernier nous livre à la première personne le récit de ses premiers émois provoqués par la rencontre d'Arthur, jeune soldat en permission de 21 ans, et de Marcel, qui s’avère être Marcel Proust lui-même, écrivain reconnu de son temps. Entre Vincent et Marcel se créent des liens troublant qui semblent être de l’amour à certains moments. Mais Marcel devient un confident, qui peut parler de sa propre expérience. Marcel Proust est donc un personnage à part entière de l’œuvre ce qui lui donne tout le côté réaliste dont l’auteur avait besoin pour faire passer son message, message qui pour moi était principalement celui d’appel à tolérance de l’homosexualité. On touche donc à un reflet quasi-parfait de la réalité ce qui justifie en partie notre problématique.

Mais un personnage, aussi réel qu’il puisse paraître, reste un être fictif qui naît de l’imagination de l’auteur, et on ne peut s’arrêter à une vision aussi réductrice du personnage de roman.

ll arrive que l’auteur ne cherche absolument à imiter la réalité à travers ses personnages, au contraire. Les personnages de romans fantastiques en sont un bon exemple. Mais sans aller aussi au loin, on se rend compte que beaucoup de romans, contiennent leurs personnages à la figure à la fois mystique et étrange. Et ceux-ci s’éloignent donc des personnes réelles, si on ne s’en tient qu’à leurs traits physiques. Par exemple, dans L’Homme qui rit de Victor Hugo, le personnage de Gwynplaine est en effet bien étrange. Son sourire inné et pourtant involontaire lui donne un air et une attitude assez inhumaine. Atrocement défiguré par des voleurs qui l’ont enlevé quand il était petit, Gwynplaine garde l’illusion d’un sourire permanent pour le plus grand bonheur des gens. Quoi qu’il fasse, ce rictus ne peut que s’amplifier. Et c’est un éternel sourire à la tristesse des hommes que Gwynplaine apporte. Grâce aux descriptions détaillées, on se figure parfaitement le personnage qui semble tout à fait irréel. Hugo n’a pu tirer ce personnage pour le moins particulier que de son imagination, et il en a fait une figure étrange qui ressort presque du mythe ici. Le personnage de roman n’est donc pas qu’une simple reproduction de la réalité. Il reste avant tout un être fictif tentant de s’approcher de la réalité, ou au contraire, s’en éloignant le plus possible pour laisser place à l’imagination du lecteur.

Un personnage de roman peut aussi être utilisé pour illustrer une idée, faire passer un message. L’auteur l’utilise pour exprimer ses pensées et exposer sa propre vision du monde. Pour arriver à ses fins, il peut utiliser un personnage tout à fait normal comme absolument fantastique et imaginaire. Dans son roman 1984, George Orwell tente de nous faire passer un message universel sur les système communistes et ses dangers. Winston Smith est un employé qui travail pour le Parti. Son travail consiste à falsifier les archives historiques pour que celles-ci correspondent aux dires du Parti. Contrairement à la majeur partie de la population, Winston n’arrive pas à pratiquer la double-pensée et ne peut adhérer aux mensonges du Parti. Il finit par être traqué et capturé par la police de la pensée qui l’avait déjà identifié comme étant peu fiable. Il est amené au ministère de l’Amour où il est torturé et humilié, tout cela au nom de sa rééducation. Sous l’ultime torture, les rats, il trahit Julia, la seule femme qu’il ait vraiment aimé et avec laquelle il aura tenté d’échapper au système… Après sa rééducation, Winston n’est plus qu’une épave vide sentiments et il devient un admirateur de Big Brother, qu’il haïssait pourtant plus que tout au monde. Dans son roman et grâce à ses personnages, Orwell a donc voulu dénoncer les dérives des systèmes communistes, du contrôle de la pensée et des esprits. Son personnage, ses personnages servent donc à faire passer une idée. Ils pourraient être associés à des humains de notre monde, endoctrinés, ce que qui donne du crédit à son histoire, mais ils restent avant tout des personnages fictifs.

En général, dans un roman, on trouvera toujours un personnage qui se distingue par un très de caractère spécial ou un parcours hors du commun. Le personnage de roman qui reflèterait parfaitement la banalité de la vie serait parfaitement ennuyeux et sans intérêt. C’est pourquoi la plupart des personnages ont quelque chose de particulier qui va faire leur originalité et nourrir l’intérêt qu’on leur porte. Dans le texte d’Hugo, le personnage de frappe par son physique hors du commun. La description détaillée de son visage au sourire figé et faux permet au lecteur de se figurer parfaitement le personnage. Il en devient quelqu’un d’intriguant, qui attire l’attention du lecteur. Il n’est pourtant absolument pas proche de la réalité. On rencontre rarement un tel personnage dans le monde réel. Mais même un personnage qui semble tout à fait réel et qui répond aux critères de normalité peut capter l’attention. Dans l’Etranger, d’Albert Camus, Meusault le personnage principal est un être tout ce qui a de plus normal, il semble faire sa vie de manière simple, et réfléchi peu. Il se contente de ce qu’on lui donne, sans chercher à comprendre. Employer de bureau, il semble encaisser sans difficulté la nouvelle du décès de sa mère. Il rencontre une jeune femme qui lui plaisait beaucoup dans le temps, mais n’est absolument pas convaincu par l’authenticité de ses sentiments pour elle. Il ne semble même pas se poser la question de savoir s’il l’aime ou pas : cela l’indiffère totalement. Meursault est une vraie victime de la routine, mais cela ne l’affecte absolument pas. Un beau jour, il passe du statut d’inconnu à celui de meurtrier. Son meurtre, c’est à peine si il s’en rend compte. Il semble étranger à tout, de son procès à son incarcération, à sa condamnation à mort. Ce personnage aux allures simples capte l’attention du lecteur par son manque d’humanité et de sentiments. Il est intriguant sans vraiment qu’on ne sache pourquoi. Ce texte de Camus s’inscrit dans le cycle de l’Absurde et dénonce par la placidité et l’apparent détachement de son personnage, la recherche de sens de l’homme face à l’absurdité de sa condition. La réalité du personnage est ici exagérée, et ne peut plus croire à un simple et pâle reflet de la réalité. Ce personnage comme la plupart des personnages de roman semble donc être la fruit d’une réflexion, et n’est pas choisi au hasard. Il répond aux critères du romancier pour que celui-ci corresponde à l’idée qu’il s’en faisait.

Dans cet exposé, nous avons tenté de déterminer la vraie nature d’un bon personnage de roman. Celui-ci ne semble pas être un simple reflet du monde et des gens qui nous entourent. Au contraire, il semble se détacher de cette réalité en répondant à des critères précis fixés par le romancier. Nous avons vu que beaucoup de personnages de roman reflètent la réalité du monde, le romancier s’appliquant dans des descriptions détaillées pour le rendre le plus proche possible du réel, ceci étant parfois amplifié par le fait que l’auteur utilise des personnes de la vraie vie comme personnage pour son roman. Nous avons ensuite vu que chaque personnage de roman, quel qu’il soit, ne se contente pas de refléter simplement ma réalité. Les personnages de roman de science-fiction sont indéniablement tirés de l’imagination de l’auteur. Mais sans aller jusqu’à la science-fiction, dans tous les romans, un bon personnage se distinguera toujours par un trait de caractère spécial, ou une particularité physique remarquable. C’est d’ailleurs ce qui fait toute son originalité et son intérêt. Un bon personnage de roman dépasse toujours la simple réalité. Mais le roman ne pas le seul genre littéraire à l’affiche. Nous aurions tout aussi bien pu étudier la nature des personnages dans la poésie, les contes philosophiques, les nouvelles et autres écrits. On devine d’ailleurs déjà que ce qui fait d’un personnage un bon personnage s’applique à tous ces autres genres littéraires.

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