Un Parlement européen moins fédéraliste
Publié le 22/02/2012
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12 juin 1994 - Le Parlement européen issu des scrutins des 9 et 12 juin est plus à droite et moins européen que l'assemblée sortante. Le succès, en France, des listes Tapie et Villiers et l'arrivée en force à Strasbourg des troupes de Silvio Berlusconi rendront plus complexe le jeu dans l'hémicycle. Ainsi en sera-t-il de la course à la présidence.
Dans l'assemblée élue en 1989, la gauche et la droite se tenaient à quelques sièges près. En comptabilisant les voix de la gauche (socialistes et communistes) - les écologistes étant difficilement classables - et celles de la droite et du centre droit (conservateurs, démocrates-chrétiens, libéraux), ces derniers marquaient un léger avantage. Dans la législature qui commencera le 19 juillet, la droite totalisera au minimum 250 sièges (dont ceux de la Ligue du Nord et de Forza Italia) alors que la gauche ne pourra compter en principe que sur moins de 230 voix, en incluant celles des élus de la liste Tapie.
Malgré la victoire incontestable des travaillistes au Royaume-Uni, les socialistes européens n'ont pas réussi la performance espérée. Si l'on tient compte de l'accroissement de la représentation parlementaire à Strasbourg, la gauche non communiste n'a engrangé que quelques sièges supplémentaires. Les mauvais scores réalisés par les socialistes français, italiens et espagnols n'expliquent pas à eux seuls cette performance moyenne.
Le succès des chrétiens-démocrates en Allemagne - l'Etat membre où l'augmentation du nombre des eurodéputés a été la plus forte (plus 18 sièges) - a aussi été déterminant. L'autre enseignement de ces élections européennes est un changement sensible de la physionomie du Parlement.
Changement de physionomie A la percée de la liste Villiers ouvertement anti-Maastricht s'ajoute, au sein du groupe socialiste, le nombre des travaillistes britanniques dont les convictions européennes n'ont pas la même réputation que celles de leurs collègues français, italiens ou espagnols. En outre, l'Alliance nationale a plus que doublé ses effectifs. Au total, l'extrême droite disposera de vingt-six représentants à Strasbourg. Reste le cas de Forza Italia, qui doit encore prouver qu'elle est une force franchement favorable à la construction européenne. Malgré cette hypothèque, il était fortement question à Bruxelles, lundi 13 juin au matin, que les vingt-huit élus du mouvement de M. Berlusconi rejoignent les démocrates-chrétiens réunis au sein du Parti populaire européen (PPE). Les observateurs bruxellois n'avaient guère plus de doute sur l'adhésion de Bernard Tapie et de ses amis au groupe socialiste. Ainsi, ce dernier resterait de loin la formation la plus nombreuse de l'hémicycle. Les certitudes étaient moins grandes pour ce qui concernait les élus de la liste Villiers. On semblait exclure qu'ils puissent rallier les libéraux dont la grande majorité est franchement pro-Maastricht. Les hypothèses vont donc bon train, comme celle qui consiste à imaginer un groupe réunissant les représentants de " L'Autre Europe " et ceux du RPR qui sont des plus réticents à s'affilier au PPE, dont les accents fédéralistes sont inconciliables, n'a cessé de dire Jean-Louis Debré pendant la campagne, avec le mouvement de Jacques Chirac. De son côté, Jean-Marie Le Pen devrait être privé de groupe, contrairement à ce qui était le cas dans l'assemblée sortante, en raison de la détermination de l'Alliance nationale à ne pas s'associer avec le FN.
Du fait de ces incertitudes, il est difficile d'imaginer comment pourrait se dérouler la course au perchoir. Jusqu'ici, les socialistes et la droite se sont succédé tous les deux ans et demi à la présidence du Parlement. Dans l'hypothèse où ce scénario serait reconduit, il appartiendrait à un socialiste d'occuper le siège d'Egon Klepsch (CDU). La droite acceptera-t-elle de continuer à jouer ce jeu si elle parvient à s'organiser d'ici au 19 juillet ?
MARCEL SCOTTO
Le Monde du 14 juin 1994
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