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Un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ?

Publié le 06/04/2011

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Depuis l'invention du roman, on dit du personnage principal de l'action qu'il est le « héros « du récit. Or dans le dictionnaire on trouve « héros : celui qui se distingue par sa grandeur d'âme exceptionnelle, son dévouement total, son courage exemplaire, etc « ; au contraire le mot « médiocre « vient du latin medius, « qui est au milieu «, désignant ainsi ce qui est banal, sans éclat, s'opposant entièrement à cette notion de distinction méliorative . C'est donc sur une expression oxymorique que repose notre sujet : « Un personnage médiocre peut-il être un héros de roman ? «. On pourra alors se demander dans quelles limites la médiocrité a sa place au sein d'un genre littéraire qui repose souvent sur l'exceptionnel. En premier lieu, face à la médiocrité de certains personnages principaux, le lecteur peut « entrer « dans l'intrigue avec facilité et rapidité grâce au procédé d'identification. En effet, il retrouve dans ce personnage un côté humain c'est à dire imparfait et sans cesse tenté par les « force du mal «, qui est l'incarnation du côté sombre qui est en chacun de nous : en fait, la médiocrité faisant plus ou moins partie intégrante de chaque être, ce personnage n'est autre que l'image produite par le miroir de l'identification, où le lecteur ne voit que le pâle reflet de lui-même. C'est ainsi que Jean Valjean, héros des Misérables de Hugo, est un ancien galérien ayant succombé nombre de fois au péché, notamment celui de vol, et ayant le coeur noir de haine envers l'individu et l'esprit sombre de vengeance envers la société. Cependant, qui à sa place n'en aurait pas fait autant, au regard du crime de cette société injuste qui le condamne à dix-neuf ans de bagne pour un misérable pain volé pour nourrir sept enfants ? Qui serait resté pur et pacifique devant cette justice écrasante ? Victime plus que coupable, si la bonté d'un évêque ne l'avait pas sauvé de l'abîme de la délinquance, on devine déjà quel monstre il serait devenu. Cela nous amène à la question de ce qui sépare le personnage médiocre du héros, car sans l'intervention d'un tiers, Jean Valjean ne serait jamais devenu un « héros « plein de bonté qui fait le bien autour de lui, mais serait resté dans les profondeurs de la médiocrité à laquelle sont prédestinés tous ceux de sa condition. De même, Félicité Rougon, que l'on retrouve dans de très nombreux romans de Zola dans le cycle des Rougon-Macquart, est caractérisée par son âpreté aux gains, son envie de pouvoir. Tout comme son mari, elle possède une avidité maladive, et rêve d'être bourgeoise : elle est le parfait exemple du vice le plus tristement banal de notre société contemporaine, de la maladie la plus contagieuse de notre époque, et par sa médiocrité peut éventuellement soulager la conscience du lecteur en lui procurant un semblant de « normalité « à ce comportement ; c'est l'exemple même de l'identification qui traverse les siècles. De plus, le personnage médiocre est omniprésent dans le roman réaliste, qui a choisi une peinture « objective « des milieux sociaux et donc des êtres qui leur sont apparentés ; c'est un choix de représentation du monde plus vraisemblable, or qui dit réalité dit forcément médiocrité. Dans Une Vie de Maupassant, Jeanne Le Perthuis des Vauds incarne parfaitement cette naïveté médiocre : persuadée de la beauté du mariage et rêvant de l'homme idéal, elle ne rencontrera que la bestialité sexuelle et l'hypocrisie de son mari, et aimera de tout son coeur un fils qui l'abandonnera à la première occasion. Critique sous-jacente d'une société marquée par l'inégalité des sexes et la déchéance sociale, ce roman est une projection d'un univers sans espoir, cible très commune aux écrivains humanistes du XIXème siècle. Dans un autre genre de médiocrité, Georges Duroy, dans Bel-Ami du même auteur, est un arriviste qui, en utilisant son physique et ses maîtresses, parviendra au sommet de la pyramide sociale parisienne. A travers cet homme Maupassant dénoncera la malhonnêteté et l'inconstance autant amoureuse qu'idéologique de ces « hommes à femmes « prêts à se vendre pour réussir. Par ailleurs, certains mouvements littéraires abolissent totalement le héros et confie la représentation d'un monde énigmatique à des individualités transparentes : c'est le cas du Nouveau Roman, fondé dans les années 1950, qui rejette l'idée, dépassée pour lui, de portraits psychologiques, qui seuls font l'originalité des personnages. Par exemple, Alain Robbe-Grillet, dans son oeuvre La Jalousie , insère dans le récit deux personnages qui n'auront ni intentions, ni sentiments, ou du moins ceux-ci, considérés comme secondaires, ne donneront pas lieu à des explications de la part du narrateur. En fait, dans ce roman, Robbe-Grillet revisite le topos du triangle amoureux en minimisant l'importance des personnages de la femme et de l'amant, et en focalisant l'histoire sur le défaut maladif du narrateur, que l'on soupçonne d'être le mari : la jalousie. Tout au long du roman, il épie sa femme A... qu'il soupçonne de vouloir le quitter pour Franck, l'autre personnage masculin du roman, mais bien qu'il soit apparemment absent, et qu'il ne se nomme jamais dans le texte, il est hyperprésent. Le roman est une véritable transcription de sa conscience. Le lecteur est donc prisonnier d'une vision partiale de la réalité , celle du narrateur, pour qui la jalousie pathologique modifie son regard sur les objets et les êtres qui l'entourent. A noter également la manière dont le narrateur désigne sa femme : A... . Une seule lettre pour désigner le personnage féminin du récit, ce qui montre bien la médiocrité d'un personnage pour lequel l'auteur ne juge pas utile de trouver un nom : « L'époque actuelle est plutôt celle du numéro matricule « , écrit-il. Ce roman fait donc l'objet d'une description très poussée d'un défaut, voire d'une pathologie, cassant ainsi avec la « tradition « romanesque qui donnait aux héros le monopole de l'attention du lecteur. Enfin, le personnage médiocre peut contribuer à une remise en cause du lecteur par rapport à lui-même. En effet, face à une personnalité médiocre ce dernier est incité à prendre un certain recul vis-à-vis de sa propre expérience, de sa propre attitude, de sa propre personnalité. Dans l'Education Sentimentale de Flaubert, le personnage de Frédéric nous amène à ce changement de point de vue envers nous-mêmes : le jeune homme employera sa vie à la quête d'un idéal qu'il n'atteindra jamais, et connaîtra d'innombrables désillusions, car les rêves de plus en plus irréalisables auxquels il s'accrochera le feront chuter toujours plus durement dans une réalité qui ne sera pas à la hauteur. L'histoire terriblement banale au siècle de Flaubert d'une vie gâchée par des espoirs déçus car démesurés nous invite à une certaine sagesse face à l'avenir qui nous attend. Petit à petit des questions se posent : Et si je finissais comme cela ? Comment éviter un destin si tragique ? Ce personnage en apparence médiocre peut alors détenir un certain pouvoir de sensibilisation et jouer le rôle d' « exemple à ne pas suivre « On comprend donc le concept des héros selon Zola, pour qui « le premier homme qui passe est un héros suffisant «, illustrant ainsi le fait que le héros de roman peut être, à défaut d'être « héroique «, utile à certains mouvements littéraires ou encore à la réception du roman par le lecteur . Pourtant cette théorie doit être nuancée, nous allons voir de quelle manière. Néanmoins, la médiocrité ne trouve pas toujours sa place au sein du genre romanesque qui accueille déjà de nombreuses personnalités, apparences physiques et destinées exceptionnelles, telle celui de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal. Jeune homme intelligent, beau et amibitieux, il va grimper à une vitesse extraordinaire les échelons du pouvoir social : fils d'un charpentier, en quelques années, grâce notamment à plusieurs liaisons avec des femmes de plus en plus importantes telles que Mme de Rênal puis Mathilde de la Mole, il va devenir officier et va être anobli. Sortir de sa condition d'enfant du peuple, chose très rare pour l'époque , pour devenir quelqu'un dans le monde bourgeois, constitue donc bien une négation du personnage médiocre . On pense également au personnage éponyme de La Princesse de Clèves écrit par Madame de La Fayette qui incarne, par son éblouissante beauté et son enviable prestance, la preuve qu'un physique particulier, de même qu'une personnalité hors du commun telle que celle de Mme de Merteuil dans Les Liaisons Dangereuses de Laclos, une marquise libertine et manipulatrice qui refuse très jeune sa condition de femme « vouée par état au silence et à l'inaction « pour jouer avec les sentiments de chacun, s'amuser à déshonorer ses amants, mépriser les autres femmes, en bref devenir égale aux hommes, demeurent le propre des héros « classiques « et contribuent à en faire des êtres à part. En outre, le rythme romanesque et la nécessité de susciter l'intêret du lecteur obligent à rendre extraordinaire le destin de personnages pourtant médiocres : c'est le cas de Gervaise Macquart dans l'Assommoir d'Emile Zola, petite blanchisseuse boiteuse d'un faible caractère, qui, après avoir gouté à l'espoir d'une vie heureuse et prospère lorsqu'elle peut monter sa propre affaire grâce aux efforts conjugués de son deuxième mari et d'elle-même, retombe dans la débauche d'où elle avait failli sortir à cause du retour de son premier mari et de la mort de son deuxième, sombré dans l'alcoolisme. Trop laide même pour se prostituer, elle finira par mourir seule, victime de la faim et de la misère. Pour le lecteur c'est une double surprise : lorsque cette ouvrière semble se relever un tant soit peu de la détresse à laquelle la condamne son statut social, voilà qu'elle vacille sous le poids de la fatalité, aidé de l' « assomoir « ou alcool pour Zola, et qu'elle tombe encore plus bas qu'autrefois. On observe donc bien une volonté de l'auteur de sortir du cadre de la banalité pour éveiller la curiosité de son lecteur, pour qui la découverte de l'inconnu et de l'original constitue un véritable besoin, comme nous l'expose Vigny dans ses « Réflexions sur la Vérité dans l'Art « : « Nous ne voyons que trop autour de nous la triste et désenchanteresse réalité : la tiédeur insupportable des demi-caractères, des ébauches de vertus et de vices, des amours irrésolus, des haines mitigées, des amitiés tremblotantes, des doctrines variables, des fidélités qui ont leur hausse et leur baisse, des opinions qui s'évaporent; laissez-nous rêver que parfois ont paru des hommes plus forts et plus grands, qui furent des bons ou des méchants plus résolus; cela fait du bien. « Comme nous l'avons vu, le personnage médiocre peut permettre au lecteur d'avoir un « double « facilitant l'identification et par là même permettre à celui-ci d'avoir un regard critique sur sa propre existence par un effet miroir, ou bien constituer le principe même de mouvements littéraires par sa capacité à représenter le monde d'une manière objective ou à axer la focalisation du lecteur, par sa négation, sur un autre élément du récit. Cependant, l'écrivain qui a pour but la lecture de son roman, va chercher à sortir son lecteur du contexte auquel il est habitué en mettant en scène des personnages originaux par leurs histoires et/ ou leurs caractéristiques physiques et psychologiques. Aujourd'hui on peut même constater une recrudescence du véritable héros dans la frénésie moderne à la lecture d'un genre qui donne une grande place au caractère extraordinaire des personnages : la science fiction. On pourra alors se demander ce qui provoque un tel engouement chez le lecteur contemporain, plus particulièrement chez l'adolescent et le jeune adulte.

« montre bien la médiocrité d'un personnage pour lequel l'auteur ne juge pas utile de trouver un nom : « L'époqueactuelle est plutôt celle du numéro matricule » , écrit-il.

Ce roman fait donc l'objet d'une description très pousséed'un défaut, voire d'une pathologie, cassant ainsi avec la « tradition » romanesque qui donnait aux héros lemonopole de l'attention du lecteur. Enfin, le personnage médiocre peut contribuer à une remise en cause du lecteur par rapport à lui-même.

En effet,face à une personnalité médiocre ce dernier est incité à prendre un certain recul vis-à-vis de sa propre expérience,de sa propre attitude, de sa propre personnalité.

Dans l'Education Sentimentale de Flaubert, le personnage deFrédéric nous amène à ce changement de point de vue envers nous-mêmes : le jeune homme employera sa vie à laquête d'un idéal qu'il n'atteindra jamais, et connaîtra d'innombrables désillusions, car les rêves de plus en plusirréalisables auxquels il s'accrochera le feront chuter toujours plus durement dans une réalité qui ne sera pas à lahauteur.

L'histoire terriblement banale au siècle de Flaubert d'une vie gâchée par des espoirs déçus car démesurésnous invite à une certaine sagesse face à l'avenir qui nous attend.

Petit à petit des questions se posent : Et si jefinissais comme cela ? Comment éviter un destin si tragique ? Ce personnage en apparence médiocre peut alorsdétenir un certain pouvoir de sensibilisation et jouer le rôle d' « exemple à ne pas suivre » On comprend donc le concept des héros selon Zola, pour qui « le premier homme qui passe est un héros suffisant »,illustrant ainsi le fait que le héros de roman peut être, à défaut d'être « héroique », utile à certains mouvementslittéraires ou encore à la réception du roman par le lecteur .

Pourtant cette théorie doit être nuancée, nous allonsvoir de quelle manière. Néanmoins, la médiocrité ne trouve pas toujours sa place au sein du genre romanesque qui accueille déjà denombreuses personnalités, apparences physiques et destinées exceptionnelles, telle celui de Julien Sorel dans LeRouge et le Noir de Stendhal.

Jeune homme intelligent, beau et amibitieux, il va grimper à une vitesse extraordinaireles échelons du pouvoir social : fils d'un charpentier, en quelques années, grâce notamment à plusieurs liaisons avecdes femmes de plus en plus importantes telles que Mme de Rênal puis Mathilde de la Mole, il va devenir officier et vaêtre anobli.

Sortir de sa condition d'enfant du peuple, chose très rare pour l'époque , pour devenir quelqu'un dans lemonde bourgeois, constitue donc bien une négation du personnage médiocre . On pense également au personnage éponyme de La Princesse de Clèves écrit par Madame de La Fayette quiincarne, par son éblouissante beauté et son enviable prestance, la preuve qu'un physique particulier, de mêmequ'une personnalité hors du commun telle que celle de Mme de Merteuil dans Les Liaisons Dangereuses de Laclos,une marquise libertine et manipulatrice qui refuse très jeune sa condition de femme « vouée par état au silence et àl'inaction » pour jouer avec les sentiments de chacun, s'amuser à déshonorer ses amants, mépriser les autresfemmes, en bref devenir égale aux hommes, demeurent le propre des héros « classiques » et contribuent à en fairedes êtres à part. En outre, le rythme romanesque et la nécessité de susciter l'intêret du lecteur obligent à rendre extraordinaire ledestin de personnages pourtant médiocres : c'est le cas de Gervaise Macquart dans l'Assommoir d'Emile Zola, petiteblanchisseuse boiteuse d'un faible caractère, qui, après avoir gouté à l'espoir d'une vie heureuse et prospèrelorsqu'elle peut monter sa propre affaire grâce aux efforts conjugués de son deuxième mari et d'elle-même, retombedans la débauche d'où elle avait failli sortir à cause du retour de son premier mari et de la mort de son deuxième,sombré dans l'alcoolisme.

Trop laide même pour se prostituer, elle finira par mourir seule, victime de la faim et de lamisère.

Pour le lecteur c'est une double surprise : lorsque cette ouvrière semble se relever un tant soit peu de ladétresse à laquelle la condamne son statut social, voilà qu'elle vacille sous le poids de la fatalité, aidé de l' «assomoir » ou alcool pour Zola, et qu'elle tombe encore plus bas qu'autrefois.

On observe donc bien une volonté del'auteur de sortir du cadre de la banalité pour éveiller la curiosité de son lecteur, pour qui la découverte de l'inconnuet de l'original constitue un véritable besoin, comme nous l'expose Vigny dans ses « Réflexions sur la Vérité dansl'Art » : « Nous ne voyons que trop autour de nous la triste et désenchanteresse réalité : la tiédeur insupportabledes demi-caractères, des ébauches de vertus et de vices, des amours irrésolus, des haines mitigées, des amitiéstremblotantes, des doctrines variables, des fidélités qui ont leur hausse et leur baisse, des opinions qui s'évaporent;laissez-nous rêver que parfois ont paru des hommes plus forts et plus grands, qui furent des bons ou des méchantsplus résolus; cela fait du bien.

» Comme nous l'avons vu, le personnage médiocre peut permettre au lecteur d'avoir un « double » facilitantl'identification et par là même permettre à celui-ci d'avoir un regard critique sur sa propre existence par un effetmiroir, ou bien constituer le principe même de mouvements littéraires par sa capacité à représenter le monde d'unemanière objective ou à axer la focalisation du lecteur, par sa négation, sur un autre élément du récit.

Cependant,l'écrivain qui a pour but la lecture de son roman, va chercher à sortir son lecteur du contexte auquel il est habituéen mettant en scène des personnages originaux par leurs histoires et/ ou leurs caractéristiques physiques etpsychologiques. Aujourd'hui on peut même constater une recrudescence du véritable héros dans la frénésie moderne à la lectured'un genre qui donne une grande place au caractère extraordinaire des personnages : la science fiction.

On pourraalors se demander ce qui provoque un tel engouement chez le lecteur contemporain, plus particulièrement chezl'adolescent et le jeune adulte. Sujet désiré en échange :. »

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