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Un personnage faible, médiocre voir méchant peut il être le héros d'un roman ?

Publié le 29/09/2018

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D’une part, le rythme romanesque, c’est-à-dire la construction du récit, et la nécessité de susciter l’intérêt obligent à rendre exemplaire le destin de personnages pourtant médiocres. Ainsi Madame Bovary aura-t-elle une fin digne d’une héroïne tragique, et son suicide final n’est pas sans grandeur. Des personnages de « méchants » comme le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil dans Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos sont d’une extrême richesse, notamment la marquise. En effet, tandis que Valmont le libertin semble converti à l’amour pur par Mme de Tourvel, et donc répond aux critères du héros qui s’est trompé de voie et trouve la vérité à l’issue de son parcours, la marquise est constante dans son hypocrisie et sa méchanceté, et va jusqu’au bout de son destin, qui se justifie par sa volonté d’être libre. D’autre part, certains personnages de médiocres sont devenus de véritables mythes, parce que le roman a comme privilège, en tant qu’œuvre d’art, de rendre la médiocrité unique. Trois héros de Flaubert ont atteint cette dimension : Mme Bovary, toujours bien sûr, médiocre qui cherche à s’arracher de sa condition médiocre, échoue et meurt de ses illusions, et le duo Bouvard et Pécuchet dans le roman du même titre : par leur obsession d’accumuler un savoir encyclopédique mais inutile, ils incarnent la bêtise humaine. Holden Caufield, dans L’Attrape-Cœur de Salinger, est devenu un mytheparce que dans sa marginalité, son refus des responsabilités, son indécision, il incarne l’archétype de l’adolescent dans lequel des millions de jeunes lecteurs ont pu se reconnaître. Le roman contemporain, en mettant en scène des héros de plus en plus humains, créé la notion d’« anti-héros ». Dans un monde de plus en plus complexe, les personnages de roman ne sont plus des modèles, ni des photographies soi-disant objectives de la réalité, mais ils ont pour fonction d’interroger le monde, et le lecteur sur sa propre nature d’être humain. A ce titre, ils sont souvent équivoques et ambigus.
Le roman met donc depuis longtemps des personnages médiocres, faibles ou méchants au premier plan, mais soit ils sont transformés et sublimés par l’écriture romanesque, soit il s’agit d’offrir une peinture du réel, soit il s’agit à travers eux d’interroger le monde et l’humain.

Par conséquent, il paraît absurde de limiter le héros de roman a un archétype, celui de l’individu hors du commun, du « super héros », en somme. Le roman, par sa souplesse et sa plasticité, a su évoluer au fil des siècles et se détacher des modèles antiques et médiévaux de l’épopée et de la chanson de geste. Toujours en prise avec le monde, le roman a proposé des personnages de plus en plus complexes, parfois sombres, voire criminels, qui permettent non plus de proposer des modèles ou une photographie du réel, mais d’interroger la nature humaine – et sans forcément répondre de façon claire aux questions posées par ce type de héros.

« Grieux dans Manon Lescaut de l’Abbé Prévost, ou Hulien Sorel dans Le Rouge et le Noir.

Ce type de héros correspond finalement aux codes de la littérature dite « romanesque » : grandes passions, intrigues fleuves, souffle épique. Cette conception du héros a ses racines dans deux formes littéraires qui sont à la source du roman : l’épopée et le roman médiéval – en particulier la « matière de Bretagne » et la chanson de geste.

Bien que versifiées, ces formes relatent les exploits de h éros dans une structure narrative qui est celle de la quête, au cours de laquelle le héros prouve sa valeur en triomphant d’obstacles qui jouent le rôle d’éléments perturbateurs.

Les personnages des épopées d’:omère (Achille, :ector dans L’=liade, Ulysse d ans L’Odyssée) ou de Virgile (Enée dans L’Enéide) en sont les archétypes.

Les romans médiévaux et chansons de geste reprennent les mêmes structures narratives et les mêmes types de héros.

On peut penser à des héros mythiques tels que Roland dans La chanson de Roland, ou à la passion fondatrice de Tristan et Iseult de Béroul, ou encore aux héros des cycles arthuriens : Lancelot, Perceval, Yvain… Que ce soit dans l’épopée ou la chanson de geste, on exalte les valeurs guerrières, le maintien de l’unité sociale et politique, la valeur de l’amour.

Qu’elles soient amoureuses ou guerrières, les épreuves que doit surmonter le personnage principal ont toutes pour objectif de démontrer sa valeur, donc de prouver qu’il mérite le qualificatif de héros.

D’ailleurs, « épr euve » et « prouver » ont la même racine.

Le roman moderne, à partir du XV==ème siècle, en est l’hériter direct, mais la littérature contemporaine joue encore, également, avec cette double racine, antique et médiévale.

Ainsi le roman de Laurent Gaudé, La m ort du roi Tsongor, évoque par son titre La mort du Roi Arthur mais est surtout une réécriture d’:omère, au cours de laquelle les récits de batailles épiques, à la manière de L’=liade, abondent. Ce type de héros est très répandu dans le roman pour plusieurs raisons.

D’abord, il répond à un goût du public pour des personnages qui ne ressemblent pas à leur voisin de palier : le roman offre un espace imaginaire où des êtres hors du commun pourvoient du rêve aux lecteurs.

Ils offrent une vision idéalisée des individus et du monde, ce qui permet d’assurer au roman sa dimension de stimulant à l’imagination, en même temps que les personnages servent de modèles à leur lecteur pour, en quelque sorte, qu’ils les « tirent vers le haut ».

Ainsi, le roman au XV==èmes.

s’adressait d’abord à un public féminin le plus souvent privé de passion amoureuse, du fait de la pratique du mariage arrangé et intéressé.

Une Manon Lescaut ou une Princesse de Clèves offre une po rte de sortie vers l’idéal amoureux.

Le portrait de la Princesse de Clèves lorsqu’elle paraît pour la première fois dans le monde est à ce titre éloquent : d’une beauté surnaturelle mais également dotée d’une éducation et d’un esprit extrêmement rares pour le XV==èmes., elle attire immédiatement tous les regards, et le roman s’oriente naturellement vers le récit d’une passion romanesque.

Les héros ont en outre une valeur d’exemplarité qui encourage les lecteurs à s’identifier à des modèles.

Victor :ugo écri t ainsi, en quelque sorte, une littérature engagée en mettant en scène des personnages révoltés qui affrontent l’injustice.

Dans L’:omme qui rit, Gwynplaine, jeune homme certes défiguré et laid mais incarnant la bonté, la pureté et la justice, se révolte.

Malgré son apparence physique atypique dans un roman, sa démarche est bien héroïque.

Enfin, ces héros sont souvent au service d’une intrigue : la construction narrative compte davantage que la vision du monde développée dans le roman ; à ce titre, il s’agi t de confronter les valeurs du héros à des obstacles afin de les éprouver.

Par conséquent, ce type de. »

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