Vie heureuse et plaisir4
Publié le 05/02/2011
Extrait du document
C’est le vœu de chacun que d’être heureux ! Bonheur et plaisirs sont des remèdes à la souffrance et des solutions de satisfaction indéniables. Mais ces notions de Bonheur sont très subjectives et les définitions apportées sont propres à chacun, selon la vie qu’il mène. Cependant, vouloir être heureux n’est pas la même quête que celle de vouloir se procurer des plaisirs, des notions de temps et d’intensité les différencie, mais aussi des valeurs et de nature. Alors est-ce une illusion de vouloir confondre le Bonheur et les plaisirs ? « Une vie heureuse est-elle une vie de plaisirs ? » Comment concilier les caractères furtifs du plaisir et durables du Bonheur ?
Dans un premier temps, nous verrons que l'association entre plaisirs et bonheur est indéniable et a même une vocation utilitariste. Dans un 2ème temps, une argumentation reprendra leurs différences et leurs incompatibilités, et là sera évoqué la contrainte de la passion, les émotions. Une dernière partie permettra d’envisager les conditions à réunir pour que Bonheur et plaisirs fassent un juste milieu, avec une hiérarchisation des plaisirs.
I-OUI
Etre heureux est avant tout vouloir se faire plaisir, c’est essayer de combler au mieux ses désirs et si ces derniers sont sains et facilement atteignables, en ce sens, la vie peut être définie comme heureuse. Par exemple, les plaisirs d’aimer, de partager, de contempler de beaux paysages sont accessibles et ne nuisent à personne. Le Bonheur peut alors être envisagé comme une satisfaction totale de tous les désirs formulés par un individu.
« Une vie heureuse est une vie faite de plaisirs » parce qu’on peut envisager qu’une succession de plaisirs puisse concourir au Bonheur.
Cette théorie du Bonheur implique qu’il inclue tous les plaisirs. C’est ce que Calliclès évoque dans le Gorgias de Platon, comme étant la vie en accord avec sa nature, il défend cette idée qu’il faut exalter ses passions et non pas les contenir, qu’il faut vivre sa vie à fond en profitant au maximum de tous les plaisirs. Calliclès va plus loin d’ailleurs, il affirme que de devoir demander aux hommes de se modérer est une sorte d’asservissement de ces hommes. Un homme doté du pouvoir de s’accorder tous les plaisirs ne doit pas s’en priver, c’est de cette façon qu’il sera pleinement heureux.
Et dans la société de consommation du 21ème siècle, cette façon de penser a toute sa place, prendre le temps étant le problème de chacun, chacun consomme des plaisirs brefs et en répétition. C’est ce qu’on appelle communément croquer la vie à pleines dents, ou plus simplement profiter de chaque instant de sa vie.
Consommer du ou des plaisirs n’est pas répréhensible si ces derniers sont sains, et de plus, cela apporte une satisfaction immédiate. Pour Epicure : « Nul plaisir n’est en soi un mal », « le Bonheur c’est le plaisir » (et par conséquent c’est avoir conscience d’être dans une phase plaisir). L’épicurisme est un hédonisme, c'est-à-dire qu’il donne la priorité au plaisir : « nous disons que le plaisir est le commencement et la fin d’une vie heureuse » lg 108-109
Si l’homme est en phase avec ses valeurs lorsqu’il consomme du plaisir, il accentue encore sa satisfaction. En fait, la nature du plaisir implique qu’il soit un déterminant ou non du bonheur. Pour Epicure, le plus haut degré du plaisir tel qu’il est déterminé par la nature est la suppression de la douleur. « La santé du corps, la tranquillité de l’âme sont la perfection de la vie heureuse. Car tous nos actes visent à écarter de nous la souffrance et la peur.» lg 97-107. Epicure distingue les plaisirs simples (état d’équilibre) et les plaisirs en mouvement (éphémères et donc source de souffrances à cause d’esprits insatiables)
Pour une vie heureuse, il est donc important de privilégier des plaisirs simples, d’avoir des désirs accessibles. Par exemple, remplir nos besoins physiologiques primaires (boire, manger, dormir) sont source de plaisir. Ces derniers sont des désirs naturels, nécessaires et sains.
TRANSITION
La thèse hédoniste qui consiste à dire « qu’une vie heureuse est une vie plaisirs » pose quelques interrogations notamment au niveau de la morale, des valeurs.
Si être heureux c’est avoir atteint un état de Bonheur, une vie ne comportant que des plaisirs à consommer n’est pas si compatible avec cette quête du Bonheur.
II-NON
Le plaisir est une satisfaction immédiate de nos désirs, il procure donc du bonheur, mais il est furtif et il faut donc mettre bout à bout une multitude de plaisirs pour faire durer son bonheur. Beaucoup de gens pensent qu'une succession de plaisirs suffira à leur bonheur. Cette thèse est-elle envisageable ?
Une vie heureuse, c’est une quête du Bonheur aboutie, il n’est donc pas une succession de plaisirs furtifs toujours à renouveler. Le Bonheur est durable et ne peut céder la place à l’ennui ou à la lassitude tel un plaisir épuisé, le Bonheur s’installe dans le temps, à moyen ou long terme. Le Bonheur est un cheminement méditatif intérieur, il est très intellectualisé, il appelle des sentiments profonds, une plénitude à atteindre, un état de satisfaction durable.
Le Bonheur revêt une notion d’Absolu, de perfection atteinte. Il est en adéquation avec une philosophie de vie, fondée sur des valeurs, des questionnements, des recherches, des expérimentations. La définition du Bonheur est très personnelle. Une vie heureuse serait être en accord avec le monde extérieur, avec soi même, en faisant coïncider monde extérieur et le soi intérieur, une espèce d’harmonie atteinte entre le contentement du corps, du coeur et de l'esprit.
Le plaisir lui, est immédiat, voire furtif. C’est une satisfaction d’un désir dans l’instant. Le Plaisir est un état relatif de satisfaction immédiate, il est plutôt lié à l’émotion, à la passion. Il est assez irrationnel et n‘a pas de valeur morale, il n’est pas une fin en soi. Le plaisir est une sensation agréable qui peut cependant être facilement compromis : par exemple regarder la télévision peut être une source de plaisir quand aucune panne ne vient rompre cette satisfaction. Le plaisir est donc soumis à des aléas extérieurs. Le sentiment de plaisir varie donc avec sa cause, c’est une grande différence avec le Bonheur qui lui peut être d’origines différentes mais qui donne lieu à un sentiment unique.
Par ces définitions, nous pouvons voir que Bonheur et Plaisir ont des sens très différents mais peuvent ils être réellement compatibles ? Certains plaisirs ne s'avèrent-ils pas néfastes ou superficiels car ils font perdre des valeurs essentielles comme la liberté ou la dignité?
La philosophie du plaisir d’un épicurien, est celle d’un bon vivant, d’un jouisseur, toujours en quête de plaisirs, aussi excessifs et pervers soient-ils, même si ce n’est pas là la pensée initiale d’Epicure. Sans doute parce que comme Cicéron l’a écrit dans sa réfutation de l’Epicurisme, « le mot plaisir a quelque chose d’odieux, de mal famé, de suspect » (Des fins II, IV, 12). En ce sens, certains plaisirs ne peuvent pas concourir au Bonheur puisqu’ils peuvent être culpabilisants ou dangereux. Boire un bon verre de vin est un plaisir, mais en augmenter la quantité ou la fréquence peut être dangereux. Le plaisir de la chair est un besoin primaire rempli mais décuplé on parle d’adultère ou de luxure.
Socrate a d’ailleurs très bien résumé cette idée dans cette pensée:« Le bonheur c'est le plaisir sans remords »
Aller de désir en désir, c’est aussi aller de frustration en frustration et le plaisir ne se vivant que par contraste, on finit par ne plus trouver de plaisir ou ne plus pouvoir le renouveler. Aussi on peut se demander si une vie de plaisir n’est pas finalement une vie de souffrance et d’errance ? Le plaisir est source de souffrance, c’est ce que soutient Socrate face à Calliclès avec l’idée du tonneau percé.
En ce sens, le plaisir peut nuire au bonheur, puisqu’il est un puits sans fonds que l’homme n’arrive jamais à remplir.
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