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L'ignorance alors ne serait-elle pas le secret d'une vie heureuse ?

Publié le 24/10/2015

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Introduction Comme l'affirmait Hegel, « les animaux vivent en paix avec eux-mêmes « : ils ne connaissent pas le remords, la morsure de la conscience, le scrupule, la peur de se tromper et la crainte de mourir. L'homme au contraire, parce qu'il est doué de conscience et capable de penser, est voué à l'inquiétude, en sorte qu'il en vient souvent à considérer sa condition comme déchue, voire maudite, et qu'il envie le « paradis perdu « (pour parler comme le poète Milton) de la vie animale. Or si les animaux nous semblent plus heureux que nous, c'est précisément parce qu'ils ignorent tout de leur condition : tout se passe comme si la connaissance devait s'accompagner de la conscience de notre propre malheur, comme si en d'autres termes la connaissance devait être une malédiction et le signe de notre condition déchue. Après tout, dans la Genèse, c'est parce qu'ils goûtent au fruit de l'arbre de la connaissance qu'Adam et Ève sont chassés du Paradis. Et en y goûtant, ils deviennent conscients de leur propre nudité, c'est-à-dire de leur dénuement et pour tout dire de leur misère. L'ignorance alors ne serait-elle pas le secret d'une vie heureuse ? Si connaître, c'est aussi prendre conscience de la misère de sa propre condition, alors il semble évident que « l'arbre de la connaissance n'est plus l'arbre de la vie « (Byron) et que le sage est celui qui en définitive renonce à savoir. La connaissance est une malédiction et la vérité est un fardeau : nous en sommes tous convaincus. Mais cette attitude, pour naturelle qu'elle soit, est-elle fondée en raison, c'est-à-dire justifiée et rationnelle ? L'imbécile est-il vraiment heureux ou ne fait-il qu'ajouter la bêtise aux malheurs qui sont le lot commun des hommes ? Autrement dit : un bonheur qui reposerait sur des illusions, même réconfortantes, peut-il seulement prétendre être véritable ? Ou n'est-il pas aussi illusoire que les chimères trompeuses sur lesquelles il repose ? Peut-être le bonheur vrai se conquiert-il alors dans un combat douloureux contre l'illusion, et d'abord contre l'illusion d'un bonheur rien moins que réel. I. De la haine de la vie au bonheur de la connaissance « La vérité est peut-être triste «, affirmait Renan ; et effectivement, il est certain que les illusions sont souvent plus réconfortantes que la connaissance. Au reste, si elles ne l'étaient pas, pourquoi en aurions-nous ? Si la vérité est triste, l'illusion est consolatrice : celui qui recherche avant tout son bonheur devra donc se méfier d'une connaissance qui apporte toujours avec elle son lot de déconvenues, de déceptions et de blessures. Davantage même : il y a peut-être dans la quête de la « vérité à tout prix « une haine de la vie, telle est du moins la thèse de Nietzsche quand il relit Œdipe, la tragédie de Sophocle. Selon Nietzsche en effet, cette pièc...

« I.

De la haine de la vie au bonheur de la connaissance « La vérité est peut-être triste », affirmait Renan ; et effectivement, il est certain que les illusions sont souvent plus réconfortantes que la connaissance.

Au reste, si elles ne l'étaient pas, pourquoi en aurions-nous ? Si la vérité est triste, l'illusion est consolatrice : celui qui recherche avant tout son bonheur devra donc se méfier d'une connaissance qui apporte toujours avec elle son lot de déconvenues, de déceptions et de blessures. Davantage même : il y a peut-être dans la quête de la « vérité à tout prix » une haine de la vie, telle est du moins la thèse de Nietzsche quand il relit OEdipe, la tragédie de Sophocle.

Selon Nietzsche en effet, cette pièce est l'exposition même de la tragédie de la vérité : OEdipe est l'homme qui cherche la vérité à tout prix, fût-ce au prix de sa propre perte, de sa propre mort.

Vouloir se débarrasser de nos « illusions vitales », vouloir la vérité et au nom de cette croyance (la vérité vaut mieux que tout) se débarrasser de toutes nos autres croyances, même celles qui rendent la vie supportable, c'est à proprement parler faire montre d'un acharnement des plus suspects.

Et si derrière la passion de la vérité se cachait une haine de la vie elle-même ? Et si la vie était quant à elle erreur, illusion, tromperie, dissimulation ? Et si nous recherchions la vérité à tout prix pour des raisons morales, c'est-à-dire par haine du mensonge ? Mieux vaut la vérité que l'erreur, mieux vaut subir l'injustice que la commettre : tels sont les préceptes fondamentaux des « morales ascétiques », morales des anciens esclaves chez qui la volonté de domination s'est retournée contre elle-même.

La volonté de dominer caractérise autant les anciens esclaves que leurs anciens maîtres ; simplement, même lorsqu'ils arrivent à s'emparer du pouvoir, les esclaves demeurent trop faibles pour dominer autrui ; la volonté de puissance se retourne alors contre elle-même, la volonté de domination s'exerce contre soi, dans une ascèse dont le corps est la première victime. Il y a dans la recherche de la vérité à tout prix une volonté de se dominer soi-même, un besoin de se contraindre à regarder ce qui fait mal, qui caractérise une volonté de puissance dirigée contre la vie elle-même. Sans doute y a-t-il dans la recherche de la vérité « à tout prix » plus de haine de la vie que d'amour de la vérité. Peut-être même y a-t-il dans notre soif de connaissance une volonté délibérée, mais secrète, de nous rendre malheureux, en nous privant de nos illusions vitales.

Toutefois, l'illusion n'est-elle pas vitale que pour une vie faible et déjà diminuée ? Une vie qui en d'autres termes a besoin d'illusions pour se supporter elle-même, est-ce cela une vie heureuse ? Ne faudrait-il pas voir au contraire dans la lucidité à l'égard de sa condition,. »

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