Voltaire: Le masque du conteur

Les paradis sont faits pour être perdus : celui de Westphalie, où florissaient l'amour de Cunégonde et la philosophie de Pangloss, comme celui de Cirey, où régnaient en la personne d'Émilie, la philosophie et l'amour. En face de ces mirages évanouis, la vie des hommes apparaît comme une gesticulation absurde sur un fond d'horreur. Candide, c'est Voltaire dans les années qui ont suivi le désastre de Lisbonne, en proie à son désastre intérieur au moment où il sent que tous les fondements viennent à manquer sous ses pieds, et se méprise en tant que philosophe. Pourtant, une parcelle d'optimisme est préservée : à l'acharnement du destin, qui a causé l'aveuglement et la misère de la créature, doit répondre l'acharnement du labeur humain. Le « jardin » de Ferney, qui représente quand même un « fonds » solide, remplacera Cirey, et madame Denis la belle et savante Émilie. Candide, c'est donc Voltaire lançant un défi à l'absurde, et recourant, pour subsister, à des consolations qui peuvent paraître dérisoires, mais à travers lesquelles l'idéal, tant bien que mal, parvient à se réconcilier avec l'existence. Jacques Van Den. Heuvel, Voltaire dans ses Contes