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Ça - psychanalyse

Publié le 03/04/2015

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psychanalyse

Ça n.m. (angl. Id; allem. Es). Instance psychique, dans la deuxième théorie de l'appareil psychique énoncée par S. Freud, qui est la plus ancienne, la plus importante et la plus inacces¬sible des trois.

Le ça est en relation étroite et conflic¬tuelle avec les deux autres instances, le moi et le surmoi, qui en sont des modi¬fications et des différenciations.

Pour Freud, le ça est inconnu et inconscient. Réservoir premier de l'énergie psychique, il représente l'arène où s'affrontent pulsions de vie et de mort. La nécessité impérieuse de la satisfaction pulsionnelle régit le cours de ses processus. Expression psy¬chique des pulsions, ses contenus inconscients sont d'origines diffé-rentes; pour partie, il s'agit de ten¬dances héréditaires, de déterminations innées, d'exigences somatiques et, pour partie, des faits acquis, de ce qui provient du refoulement.

La conquête du ça, ce noyau de notre être pour Freud, ce lieu d'être pour J. Lacan, est facilitée par la psychana¬lyse.

FREUD ET GRODDECK

C'est en 1923 que Freud, alors qu'il travaille sa deuxième théorie de l'appa¬ 

 

reil psychique, avance dans le Moi et le Ça le pronom démonstratif (imperson-nel) ça, qu'il reprend de G. Groddeck. Accordant à la façon de voir de celui-ci «la place qui lui revient dans la science «, et intéressé par l'idée qu'il défend, selon laquelle nous sommes habités par des forces inconnues et non maîtri-sables qu'il appelle ça, Freud lui em-prunte ce terme, quoiqu'il ne suive pas Groddeck quant à ce qu'il définit et représente. Cet emprunt et ces diver-gences, Groddeck lui-même les sou-ligne, notamment, dans son livre la Maladie, l'art et le symbole, où il rappelle que Freud lui reconnaît l'invention de ce terme et où il insiste sur la différence foncière de leur usage respectif de celui-ci. Freud, comme il le dira dans la trente et unième des Nouvelles Confé¬rences d'introduction à la psychanalyse (1932), reprend à son compte ce terme car il lui paraît le plus approprié pour exprimer le caractère radicalement autre, étranger et impersonnel de «la partie obscure, inaccessible de notre personnalité «.

ÇA ET INCONSCIENT

Freud, dans sa première théorie de l'ap-pareil psychique, proposait des fron-tières à l'inconscient que la deuxième

 

théorie de l'appareil psychique l'amène à reconsidérer. Dans l'ensemble, les caractères attribués à l'inconscient dans la première théorie sont repris par Freud pour qualifier le ça. Il s'avère pourtant que l'inconscient n'est plus là abordé comme un système mais est donné comme une propriété du ça : «L'inconscient est la seule qualité do-minant à l'intérieur du ça «, écrit Freud dans l'Abrégé de psychanalyse (1938). Cette qualité, dans cette deuxième théorie, est aussi une propriété d'une Partie du moi ou du surmoi. Ainsi, le ça n'est pas le tout de l'inconscient, mais a la propriété d'être totalement inconscient, comme le moi et le surmoi sont non pas totalement, mais en majeure partie inconscients. Mais quoique inconscients comme le ça, moi et surmoi n'ont pas pour autant, dit Freud dans les Nouvelles Conférences, «les mêmes caractères primitifs et irra-tionnels«.

Ce qui provient du refoulement, le refoulé, que Freud dans sa première théorie assimile à l'inconscient, s'il se confond avec le ça, n'est cependant qu'une partie du ça. Celui-ci représente aussi le lieu où les exigences d'ordre somatique trouvent un premier mode d'expression psychique, de même que les tendances héréditaires, les détermi-nations constitutionnelles, le passé organique et phylogénétique, ce qui amène Freud à parler d'un «ça hérédi-taire «. Est repris en partie par cette expression ce que Freud entendait dans la première théorie par «noyau de l'inconscient «, où il plaçait des conte-nus non acquis, phylogénétiques.

Le ça et l'inconscient sont dans un rapport très étroit et ont des liens quasi exclusifs l'un avec l'autre. Leurs pro-priétés sont similaires et ils connaissent les mêmes processus. Mais, si «à l'ori-gine tout était ça «, comme le dit Freud dans l'Abrégé de psychanalyse, un pre-mier refoulement marque aussi un temps premier à l'origine des pre¬ 

 

mières formations inconscientes, inau¬gurales de l'inconscient. Sans refoule¬ment, pas d'inconscient tel que le théorise la première théorie de l'ap¬pareil psychique mais, sans le ça, in¬conscient, pas de psychisme qui en constitue le premier fond originaire.

L'APPAREIL. PSYCHIQUE ET LES PULSIONS

Avec le ça, «province psychique« com-me dit Freud, sans organisation, sans volonté générale, le système in-conscient, organisé, «structuré comme un langage « selon Lacan, présente donc des différences notables, quoique la place qu'il occupe dans la première théorie soit à peu près la même que celle du ça dans la deuxième et que, pour l'un et l'autre, les processus et les contenus se recoupent. De plus, avec le ça, c'est toute une dimension du pul-sionnel laissée dans l'ombre par la théorisation de l'inconscient dans la première théorie qui se trouve recon¬nue par Freud.

La prise en compte d'un ensemble de considérations cliniques, la butée incessante sur d'obscurs obstacles met-tant en échec le travail dans la cure contraignent Freud à ce qui se présente comme une nécessité spéculative, l'amenant notamment à reprendre la théorie de l'appareil psychique et à refondre la théorie des pulsions. Avec le ça, Freud délimite et reconnaît, dans le psychisme, un rôle jusqu'alors négli¬gé : celui des pulsions de destruction et de mort. Dans le ça, qu'il représente ouvert en son fond sur l'organique, règnent sauvagement, obscurément soutient-il, ces pulsions qui s'affron¬tent avec les pulsions de vie. Chaos, marmite bouillonnante pleine d'exci¬tations, telles sont les comparaisons, les images qui viennent à Freud pour tenter d'exprimer ce ça habité par des puissances aveugles, non maîtrisables, qui représente « l'arène « où sont en lutte les pulsions. Avec le terme de ça, c'est donc une référence déterminante

 

et incontournable au pulsionnel et par-delà au biologique que Freud met en avant. N'en vient-il pas d'ailleurs à affirmer dans l'Abrégé de psychanalyse que l'énergie, la puissance du ça tra¬duisent dans le psychisme «le but véri¬table de la vie organique«? C'est un point de vue « biologisant«, un modèle vitaliste, évolutionniste, naturaliste, parfois proche de certaines formula¬tions de Groddeck, que soutient Freud avec cette deuxième théorie de l'appa¬reil psychique. Par là, il accentue et réargumente ceci qu'il a découvert au fil de l'expérience de la cure et qui ne cesse d'être rebelle à toute pleine sai¬sie : autre chose que nous en nous, neutre et impersonnel, procédant en nous à notre insu, qui nous agit, qui nous pense.

Des expressions communes telles que «ça m'a pris tout d'un coup «, «ça m'a fait souffrir« ou encore «ça bouge «, «ça tombe« ou le fameux «ça parle« de Lacan, rejoignent cette approche de Freud. Réfléchissant sur ce qui s'énonce là, comme ça, Lacan en vient à avancer dans son séminaire sur la Logique du fantasme que «ça est ce qui, dans le discours en tant que structure logique [structure ici grammaticale], est tout ce qui n'est pas je, c'est-à-dire tout le reste de la structure «.

UN TRAVAIL DE CIVILISATION

Le peu que l'on sache du ça, «nous l'avons appris par l'étude du travail du rêve et de la formation du symptôme névrotique, et la plus grande partie de ce que nous connaissons a un caractère négatif, ne peut se décrire que par opposition au moi «, écrit Freud dans les Nouvelles Conférences sur la psychana¬lyse (1933; trad. fr. 1971).

Le moi, qui pousse au refoulement, est un morceau du ça «modifié de manière adéquate par la proximité du monde extérieur« dit-il encore. Il ne fait qu'emprunter au ça, réservoir pre¬mier de l'énergie pulsionnelle, son 

 

énergie. Dans sa partie inconsciente, il se mélange au ça, tout comme le refoulé. Pas plus que le moi, le surmoi n'est complètement séparé du ça. Lui-même, en grande partie inconscient, «plonge dans le ça «, avec lequel il a des relations étroites et complexes.

À l'origine, donc, «tout était ça «, et moi et surmoi se sont constitués par différenciation progressive.

Ces trois instances, c'est en fait par un véritable artifice que Freud les sépare en trois «provinces«. On pour-rait, dit-il dans les Nouvelles Conférences sur la psychanalyse, plutôt les «représen¬ter par des champs de couleur qui s'es¬tompent comme chez les peintres modernes «.

Pour reprendre cette image de Freud, le champ de couleur du ça est de loin, pour lui, le plus important. De ce champ qui constitue pour Freud «le noyau de notre être «, la psychanalyse peut faciliter et permettre la conquête progressive. C'est là pour Freud un tra-vail de civilisation et de construction comparable à la réalisation des polders, à l'assèchement de zones de terre qui viennent au jour à la place de la mer, là où elle était juste avant. « Wo es war soli ich werden« écrit Freud, ce que la der¬nière traduction française des Nouvelles Conférences traduit par «Là où était du ça doit advenir du moi «. Lacan soutient qu'il y va là non pas du moi «constitué en son noyau par une série d'identifica¬tions aliénantes «, mais du je, du «sujet véritable de l'inconscient «, qui doit venir au jour en ce lieu d'être qu'est ça.

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