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Fantasme en psychanalyse

Publié le 03/04/2015

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psychanalyse

Fantasme n.m. (angl. Fantasy ou Phantasy; allem. Phantasie). Pour S. Freud, représentation, scénario imaginaire, conscient (rêverie), pré¬conscient ou inconscient, qui implique un ou plusieurs person¬nages et qui met en scène de façon plus ou moins déguisée un désir.

Le fantasme est à la fois effet du désir archaïque inconscient et matrice des désirs, conscients et inconscients, actuels.

Dans le prolongement de Freud, J. Lacan a souligné la nature essentielle-ment langagière du fantasme. Il a aussi démontré que les personnages du fan¬tasme y valaient bien plus par certains éléments isolés (paroles, phonèmes et objets associés, parties de corps, traits de comportement, etc.) que par leur totalité. H proposa le mathème suivant: $ <> a, à lire «S barré poinçon de petit a «. Ce mathème désigne le rapport particulier d'un sujet de l'inconscient, barré et irréductiblement divisé par son entrée dans l'univers des signifiants, avec l'objet petit a qui constitue la cause inconsciente de son désir.

AVEC FREUD

Dans ses premières publications, Freud utilise le concept de fantasme dans un 

 

sens relativement large, désignant par là une série de productions imaginaires plus ou moins conscientes. Un mo-ment déterminant dans son élabora-tion théorique du fantasme fut sa découverte du caractère imaginaire (au sens de «produit par l'imagination «) des traumatismes rapportés par ses patients comme cause de leurs difficul¬tés actuelles. Ce qui lui était présenté comme souvenirs s'avérait n'avoir qu'un rapport relatif avec la réalité dite « historique« et même, parfois, n'avoir de réalité que psychique. Freud en déduisit qu'une force inconsciente poussait l'homme à remodeler son expérience et son souvenir: il y vit l'ef¬fet d'un désir premier (allem. Wunsch). Pour Freud, ce Wunsch était une tenta¬tive de reproduire, sur un mode halluci¬natoire, les premières expériences de plaisir vécues dans la satisfaction des besoins organiques archaïques. Par la suite, Freud dut constater que la répéti¬tion de certaines expériences suscitant le déplaisir pouvait aussi être recher¬chée et cela pour le plaisir qu'elles pro¬curent au sein même du déplaisir et des souffrances qu'elles impliquent.

Le fantasme n'est pas seulement l'ef¬fet de ce désir archaïque, il est aussi la matrice des désirs actuels. Les fan-tasmes archaïques inconscients d'un

 

sujet cherchent en effet une réalisation au moins partielle dans la vie concrète du sujet. Ainsi, ils transforment les per-ceptions et les souvenirs, ils sont à l'ori-gine des rêves, des lapsus et des actes manqués, ils induisent les activités masturbatoires, ils s'expriment dans les rêveries diurnes, ils cherchent à s'actualiser, de façon déguisée, par les choix professionnels, relationnels, sexuels et affectifs du sujet.

On voit donc le caractère circulaire des rapports qui nouent fantasme et désir. Mais on peut aussi voir qu'il existe des fantasmes conscients, pré-conscients et inconscients. Seuls ces derniers sont impliqués dans une défi-nition stricte du concept psychanaly-tique. Certains de ces fantasmes in-conscients ne deviennent accessibles au sujet que dans la cure. D'autres restent à tout jamais sous l'emprise du refoulement originaire : ils ne peuvent être que reconstruits par interpréta¬tion. Freud développe cela dans son article intitulé «Un enfant est battu«, formule qu'il utilise pour nommer un fantasme masochiste souvent rencon¬tré dans sa pratique (Ein Kind wird ges-chlagen, 1919; trad. fr. in Névrose, psychose et perversion, 1973).

Freud y indique aussi que, si le fan-tasme figure le désir inconscient du sujet, le sujet lui-même peut être repré-senté dans le fantasme par divers per-sonnages qui y sont inclus. En fonction du narcissisme et du transitivisme ori-ginaires, les renversements de rôle dans ce scénario fantasmatique sont fré-quents.

Freud y distingue enfin certains fan-tasmes qu'il appelle « originaires «, désignant par là les fantasmes qui concernent l'origine du sujet, à savoir: sa conception (par exemple les fan-tasmes de scène primitive ou encore les romans familiaux), l'origine de sa sexualité (par exemple les fantasmes de séduction) et, enfin, l'origine de la dif¬férence des sexes (par exemple les fan¬ 

 

tasmes de castration). Nouvelle preuve de l'importance du désir dans la consti¬tution du fantasme : il n'y a pas de rela¬tion immédiate entre le fantasme et les événements concrets vécus par l'en¬fant.

AVEC LACAN

Lors de son élaboration du schéma dit «de la personne« (Écrits, 1966), Lacan représente le fantasme par une surface incluant les diverses figures du moi, de l'autre imaginaire, de la mère origi¬naire, de l'idéal du moi et de l'objet. Cette surface du fantasme est bordée par le champ de l'imaginaire et par celui du symbolique tandis que le fan¬tasme recouvre celui du réel. Ces nota¬tions indiquent bien le caractère trans-individuel du fantasme, sa participation, fût-elle marginale, aux champs du symbolique et de l'imagi-naire et surtout sa fonction d'obtura-tion du réel.(Le réel désigne ici l'indicible du sujet, ce qui lui est insup-portable à rencontrer et qui n'en consti-tue pas moins ce sur quoi il ne cesse de buter; ainsi, par exemple, le réel de la castration de la mère ou encore tel trau¬matisme de son enfance qui, rebelle à l'imaginarisation et à la symbolisation, s'oublie derrière l'écran de ce fan¬tasme.)

Dans cette perspective, le regard du père présent dans le fantasme sera beaucoup plus important que le père lui-même. Il en va de même pour le sein de la mère qui allaite l'enfant, le fouet que manie le professeur qui punit l'enfant ou le rat avec lequel on torture la victime. Comme il ressort dans la cure de l'Homme aux rats, ces objets du fantasme fonctionnent non seulement comme objets mais aussi en tant que signifiants. Freud lui-même avait d'ail-leurs bien souligné la grande sensibilité de son patient à toute une série de mots incluant le phonème « rat «.

Que le fantasme se compose d'élé-ments relevant des univers symbolique

 

et imaginaire du sujet, et qu'il soit en relation d'obturation avec son réel, s'exprime aussi dans le mathème pro-posé par Lacan: $ 0 a. Ce mathème écrit la structure de base du fantasme. On y retrouve l'univers symbolique sous la forme de cette barre qui figure la naissance et la division du sujet consé¬cutives à son entrée dans le langage. On y retrouve aussi l'objet a en tant que perdu, lieu vide, béance que le sujet va tenter d'obturer, sa vie durant, par les divers objets a imaginaires que la parti¬cularité de son histoire (et notamment sa rencontre avec les signifiants mar¬quants et les objets du fantasme des Autres concrets parentaux) l'aura amené à privilégier. On peut y lire enfin la fonction de nouage (0) du symbo¬lique ($), de l'imaginaire (a) et du réel (a) qu'opère le fantasme ainsi que la double fonction de protection. Il pro¬tège en effet le sujet non seulement contre l'horreur du réel mais aussi contre les effets de sa division, consé¬quence de la castration symbolique ; autrement dit, il le protège contre sa radicale dépendance par rapport aux signifiants.

L'objet a du fantasme a donc une double valeur. En tant qu'objet réel, il est irrémédiablement perdu. S'il est le résultat d'une opération logique (le Séminaire XIV, 1966-67, «la Logique du fantasme «), néanmoins certaines par¬ties du corps propre se prêtent parti-culièrement à l'opération logique de détachement qui transpose son objet dans l'imaginaire : le regard, la voix, le sein et les fèces. Nous n'avons, en effet, jamais accès à notre regard en tant que regardant l'autre, ni non plus à notre voix comme elle est perçue par l'autre. Les fèces sont à l'évidence parties du corps détachables, perdues et à perdre. Quant au sein, il n'est pas seulement perdu parce que l'enfant a été un jour ou l'autre privé du sein maternel mais plus essentiellement parce que ce sein a été d'abord vécu par l'enfant comme 

 

partie intégrante de son propre corps. Le nombre des objets a réels est limité. Celui des objets a obturateurs imagi-naires est infini : tel regard qui attire, tel fouet que l'on craint, telle forme de sein qui fascine, tel rat exécré, tels objets de collection accumulés, telle chevelure séduisante, tel oeil halluciné, telle voix adorée, etc.

Que l'objet du fantasme se distingue de l'objet du besoin et de l'objet de la pulsion s'indique aisément lorsque l'on considère, à titre de paradigme, le sein (objet imaginaire ou réel du fan¬tasme), le lait maternel (objet du besoin), le plaisir de la bouche (objet de la pulsion). Par ailleurs, que l'objet du fantasme ne coïncide pas avec l'objet d'amour, c'est ce que révèlent plus d'une difficulté de couple et notam-ment le fréquent clivage qui sépare la femme objet d'amour et celle qui sus-cite le désir. Au contraire de l'objet du fantasme, l'objet d'amour est souvent marqué par l'idéalisation ou encore par le narcissisme, ce qui amène plus d'un amoureux à constater que ce qu'il aime dans l'autre est le reflet de sa propre image, plus ou moins idéalisée. La complexité et la difficulté de la vie des couples réside en bonne partie dans la nécessité de faire coïncider en un seul objet, d'une façon qui satisfasse le sujet, l'objet du fantasme, celui de la pulsion et celui de l'amour.

Lacan a proposé de différencier la formule du fantasme de l'hystérique et celle du fantasme de l'obsessionnel. Le mathème produit pour l'hystérie sou-ligne que l'hystérique ne cherche pas dans l'autre l'objet de son fantasme mais bien l'Autre absolu tandis qu'il s'identifie à l'objet du fantasme de l'autre et de façon cachée au manque de phallus. Celui de l'obsessionnel écrit la multiplicité et l'interchangeabilité des objets a qu'il vise, tous placés sous l'in-dex du signifiant du phallus, c'est-à-dire très érotisés (Lacan, Séminaire sur le transfert, avril 1961). Quant au fantasme

 

du pervers, il souligne la recherche chez l'autre de sa division et sa volonté de l'accentuer à l'extrême (Lacan, Écrits, 1966).

Par rapport au fantasme, dans la perspective lacanienne, la finalité de la cure consiste à faire le tour du fantasme inconscient archaïque en repérant la part prise par le désir de l'Autre concret de l'enfance dans la constitution de ce fantasme, la dépendance radicale au signifiant que ce fantasme tente d'obli¬térer et la béance nodale subjective que les objets a imaginaires tentent de faire oublier.

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