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La ville de Vénise à la Renaissance

Publié le 08/04/2015

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Ce tableau, daté entre 1475 et 1476, constitue le panneau central d'un grand retable d'autel, commandé par Pietro Bon, consul de la colonie vénitienne à Messine, qui avait appelé le peintre à Venise. L'oeuvre est exécutée pendant le bref séjour d'Antonello de Messine sur la lagune, période au cours de laquelle il découvre la peinture de Giovanni Bellini. C'est à lui que le maître messinais emprunte la puissante structure du trône de la Vierge, très élevé par rapport aux saints, tandis que la perfection dans le rendu des détails, l'étude des reflets de lumière sur le verre et sur l'or, dénotent des contacts étroits avec la peinture flamande, connue par Antonello dès sa première éducation napolitaine.

Entre 1470 et 1473, Giovanni Bellini exécute dans son atelier vénitien une importante commande destinée à l'église Saint-François de Pesaro. Le retable représente le Couronnement de la Vierge qui, fait tout à fait inhabituel, se déroule sur terre. En effet, le Christ et la Vierge sont assis sur un trône en marbre extrêmement raffiné, dont le dossier a une forme tout à fait semblable à celle du cadre réel du tableau. Ce deuxième cadre, à l'intérieur même du tableau, conduit les regards du spectateur au centre de la perspective, où l'on peut voir une colline surmontée d'une forteresse, qui pourrait associer la Vierge à l'idée de château céleste. La monumentalité des figures est proche non seulement de la peinture du beau-frère de Giovanni, Andrea Mantegna, mais aussi de celle de Piero della Francesca.

Ce grand retable de 1505, situé au-dessus d'un autel de la nef gauche de l'église vénitienne Saint-Zacharie, est peint par Giovanni Bellini, désormais âgé, à l'apogée de sa renommée. La perspective de la toile reprend par son agencement celle de l'autel, et donne l'impression que la nef se prolonge vers une chapelle dans laquelle se déroule cette "Sainte Conversation". La Vierge à l'Enfant est assise au milieu, sur un grand trône de marbre, au pied duquel un ange joue d'un instrument à cordes. Ces figures, ainsi que celles des quatre saints debout à côté du trône, baignent dans une lumière moelleuse qui délimite et modèle les formes. Par cette manière extrêmement sensible de traduire l'atmosphère du tableau, Bellini démontre que l'idée d'expérimenter les nouvelles voies de la peinture ouvertes par Giorgione et par le jeune Titien, le stimule encore.

Bâti vers 1502 sur le Grand Canal pour la famille des Loredan, puis passé à la famille des Vendramin-Calergi, ce palais est la dernière oeuvre de l'architecte Mauro Coducci, originaire des vallées bergamasques, mais actif surtout à Venise. La façade se distribue sur trois niveaux: le premier et le deuxième étage, ayant chacun balcons et fenêtres, s'appuient sur un rez-de-chaussée massif. La porte d'entrée présente un agencement qui se répète sur toute la façade: un arc en plein cintre soutenu par deux paires de colonnes, avec une fenêtre géminée surmontée par un oculus à l'intérieur de l'arc. Il s'agit d'un remaniement, d'empreinte typiquement vénitienne, d'éléments Renaissance, pour lesquels Coducci s'inspire des enseignements de Leon Battista Alberti. L'équilibre entre la solidité des structures et la légèreté des vastes fenêtres constitue un modèle qui fera école à Venise, au moins jusqu'à Palladio.

Commandée en 1516 par le gardien du couvent de l'église de Santa Maria Gloriosa dei Frari, Germano da Casale, le grand retable est inauguré le 19 mai 1518. C'est le premier ouvrage important de Titien pour une église vénitienne; aux yeux des contemporains, l'oeuvre fait figure de nouveauté absolue. La Vierge, soutenue sur les nuages par un cortège d'anges, se tourne vers Dieu le père, tandis que les gestes et les regards des apôtres marquent son détachement du monde terrestre. La grande puissance narrative est le résultat d'un agencement de la perspective sur deux niveaux: en bas l'assistance, en haut la Vierge. La technique picturale, fortement luministe, accentue le caractère dramatique de la composition: le premier plan est en contre-jour, tandis que Dieu le Père et la Vierge resplendissent dans un halo de lumière dorée.

L'empereur Charles Quint est représenté à cheval par Titien, une lance à la main et vêtu d'une armure luisante. Ce tableau, datant de 1548, célèbre la victoire qu'il a remportée l'année précédente à la bataille de Mühlberg, contre la ligue protestante menée par Jean-Frédéric de Saxe. La correspondance discrète entre les coloris du personnage et ceux du paysage, illustre l'exceptionnelle capacité expressive atteinte par le peintre dans sa phase tardive. Malgré son attitude de commandant victorieux, on observe sur le visage de l'empereur, déjà représenté par Titien en d'autres circonstances, comme un voile de tristesse.

Exécuté pour l'évêque Jacopo Pesaro entre 1519 et 1526, le retable de Titien est placé au-dessus de l'autel dédié à l'Immaculée Conception dans l'église de Santa Maria Gloriosa dei Frari. L'oeuvre représente le donateur, agenouillé en prière sur la gauche, au-dessus duquel flotte la bannière portant les enseignes du pape, en souvenir de la victoire remportée dans la bataille navale contre les Turcs, représentés prisonniers en bas à gauche. Sur la droite, d'autres membres de la famille Pesaro sont rassemblés sous le trône de la Vierge, à qui ils sont présentés par saint François, tandis que saint Pierre est assis au bas du trône de la Vierge. Titien revient sur ce tableau à plusieurs reprises et en trois occasions au moins, il remanie la composition en superposant d'épaisses couches de couleur. Sa position au-dessus d'un autel latéral explique l'agencement tout à fait innovateur du tableau: le déplacement de la vision vers la droite représente une évolution même par rapport au retable de l'Assomption, conservé dans la même église, et illustre les conquêtes formelles de la première maturité de l'artiste. Le Repas chez Lévi, peint par Paolo Véronèse en 1573, est une grande toile destinée au réfectoire du couvent vénitien de Saint-Jean-Saint-Paul. La scène grandiose se déroule sous un vaste portique, sur un fond d'édifices classiques baignant dans une lumière claire qui fait ressortir l'ordonnance des architectures, d'inspiration palladienne. Le thème iconographique initialement demandé au peintre est la Cène, mais le titre sera modifié à la suite des accusations adressées à l'artiste par le tribunal de l'Inquisition. En effet, la scène du banquet est représentée très librement: les figures secondaires vêtues d'habits modernes et luxueux, les nains, les chiens et les perroquets qui la remplissent, donnent à l'image un caractère trop mondain, peu indiqué pour représenter un épisode si important du récit évangélique. Véronèse, qui ne change rien de la scène déjà peinte et se limite à en modifier le titre, atteint ici le sommet de sa maturité artistique, en rapport avec sa réflexion approfondie sur la peinture du Titien.

En 1479 meurt Bartolomeo Colleoni, condottiere de la République de Venise, en léguant dans son héritage des fonds destinés à la réalisation d'une statue en son honneur, place Saint-Marc. La Seigneurie fait sienne cette volonté et commande le monument équestre au sculpteur florentin Andrea del Verrocchio, qui travaille de 1481 à 1488, année où il meurt avant d'avoir pu achever la fonte, techniquement très complexe. La conclusion de l'ouvrage est confiée à Alessandro Leopardi, qui conçoit aussi le socle de la statue. Celle-ci sera toutefois placée sur la place des Santi Giovanni et Paolo, devant l'école de Saint-Marc. La composition, d'empreinte nettement classique, s'inspire sans aucun doute du monument équestre à Gattamelata, réalisé à Padoue par Donatello; elle s'en distingue uniquement par l'expressivité plus marquée du visage de Colleoni, orgueilleusement courroucé.

Les deux protagonistes de la scène sont, sur la gauche, un jeune homme, et, sur la droite, une femme allaitant un enfant. Ils se trouvent à côté d'un ruisseau, plongés dans un paysage qui comprend quelques bâtiments sur le fond, dominé par des nuages menaçants, sillonnés par un éclair. Oeuvre de la pleine maturité artistique de Giorgione, datée entre 1506 et 1508, cette toile fait l'objet d'un débat prolongé sur son iconographie. La plus ancienne description du tableau, fournie par le patricien Marcantonio Michiel en 1530, parle simplement d'un petit village avec une bohémienne et un soldat. Mais entre le XIXe et le XXe siècle, une interprétation mythologique, qui relève des réminiscences de textes classiques, semble prévaloir sur une interprétation symbolique, qui voit dans les deux figures la Force et la Charité. Une hypothèse plus récente suggère qu'il s'agit d'Adam et Eve après qu'ils ont été chassés du Paradis terrestre. Mais cette thèse ne semble pas elle non plus résoudre définitivement l'énigme iconographique que soulève ce tableau. De même que la Tempête, les Trois philosophes de Giorgione, oeuvre datant de 1505 environ, est depuis longtemps au centre d'un débat iconologique animé, portant sur l'interprétation exacte à donner à la scène représentée. Les trois personnages - un jeune homme, un homme d'âge mûr et un homme âgé - ont été interprétés soit comme les rois mages, soit comme une allégorie des trois étapes de la philosophie aristotélicienne: le vieux représenterait Aristote, l'homme au turban, l'arabe Averroès, et le jeune accroupi au sol, saint Thomas. Il s'agit donc d'une oeuvre qui naît dans le milieu intellectuel vénitien raffiné auquel appartient Giorgione lui-même. Les personnages sont insérés dans l'environnement naturel dominé par la grotte, tandis que le paysage s'estompe vers le lointain dans une perspective atmosphérique. Ce dialogue avec le paysage qui occupe la moitié du tableau, en le taillant en diagonale, dénote la connaissance de formules imaginées par Giovanni Bellini dans ses dernières oeuvres, de même que l'importance qu'aura la peinture de Giorgione pour le jeune Titien. La grande toile de la Cène est exécutée en 1594 par Tintoret  pour le chœur de l'église San Giorgio Maggiore à Venise. La scène évangélique baigne dans une atmosphère sombre, éclairée seulement par deux sources de lumière: la lampe à huile qui brûle au-dessus de la table et l'auréole qui rayonne sur la tête du Christ. La salle et la table sont vues de haut, selon une perspective oblique, dans un espace architectural caractérisé par un plafond bas à caissons. Devant les apôtres, sur la droite, figurent quelques serviteurs qui amènent les plats, élément qui contribue à donner à la représentation un caractère quotidien. Peinte par l'artiste au cours de la dernière année de sa vie, l'oeuvre manifeste la profonde tension émotive et religieuse typique des années dominées par la Contre-Réforme, tandis que le luminisme marqué et la technique picturale rapide et nerveuse dénotent une approche franchement maniériste.

La toile représentant le Christ devant Ponce Pilate fait partie de la série de "teleri" consacrée aux épisodes de la Passion du Christ, commandée en 1564 au Tintoret pour la salle de l'Albergo de l'école Saint-Roch. Dans un milieu dominé par des architectures d'empreinte classique, semblables à celles de Palladio, le Christ, sur un piédestal élevé, se retrouve devant son juge. A l'arrière-plan, la foule suit le déroulement des événements, tandis qu'au premier plan, aux pieds de Pilate, un scribe se penche pour rédiger la sentence. La scène est vue dans une perspective oblique qui rappelle celle du retable de Pesaro du Titien et elle est dominée par la figure du Christ, dont le manteau blanc reflète une lumière intense. La peinture de Tintoret accentue la tension dramatique du récit évangélique, selon un procédé typique de la période de maturité de l'artiste.

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