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LESAGE (Alain René)

Publié le 23/01/2019

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LESAGE (Alain René), écrivain français (Sarzeau 1668 - Boulogne-sur-Mer 1747). Orphelin, il mena, jusqu'en 1730, une double carrière littéraire d'homme de théâtre et de romancier. Après les Lettres galantes d'Aristénète (1695), adaptation d'un recueil grec tardif, et les Nouvelles Aventures de l'admirable Don Quichotte de la Manche ( 1704), tirées de la suite anonyme du roman de Cervan-tès, le Diable boiteux, qu'il publia en 1707, d'après un ouvrage de Luis Vêlez de Guevara, fut l'un des plus grands succès de librairie du siècle. Lesage vécut désormais des revenus de sa plume et c'est peut-être avec lui que l'on voit naître en France le « métier de romancier » (R. Laufer). Il donna alors les Mille et Un Jours (1710-1712), recueil de contes d'après une traduction de Pétis de la Croix et, en 1715, le premier tome de l'Histoire de Gil B las de Santillane, qui fut suivi d'un second (1724) puis d'un troisième (1735). Exploitant le procédé, Lesage publia alors une série de gros romans, parmi lesquels on peut citer Y Histoire de Guzman d'Alfarache (1732) et les Aventures de Robert Chevalier dit de Beauchêne (1732). Il avait cependant obtenu un premier succès en 1707 au Théâtre-Français avec Crispin rival de son maître. La représentation de Turca-ret, d'abord empêchée par les milieux d'affaires visés par la satire, n'eut lieu qu'en 1709 sur les pressions du duc d'Orléans : la pièce fut cependant retirée de l'affiche assez rapidement. Lesage,

 

brouillé avec les Comédiens-Français, écrivit alors, souvent avec la collaboration de Fuzelier et d'Orne val, de nombreuses pièces pour le théâtre de la Foire.

 

Il serait absurde de s'interroger sur « l'inspiration » de Lesage : sa création s'avoue d'emblée comme re-création, réélaboration d'un matériau littéraire préexistant, traductions de l'espagnol ou du turc, romans, historiettes ou anecdotes. On n'en est pas moins à mille lieues de « l'imitation » des auteurs de l'Antiquité recommandée par les partisans des Anciens. Lesage est un partisan résolu des Modernes. Il n'est pas un auteur repérable dans les normes d'une idéologie de la propriété littéraire. Son talent se révèle dans un jeu conscient et souvent parodique sur la littérature. Rien ne manque à ses romans : brigands, enlèvements, aventures d'amour et d'humour ; c'est un jeu perpétuel sur les situations et les personnages dont la liberté séduit encore le lecteur contemporain. C'est que les héros de Lesage n'ont aucune épaisseur psychologique ; ce sont de simples embrayeurs de fiction.

 

Crispin et Turcaret, les deux meilleures comédies de Lesage, sont écrites dans une forme assez conventionnelle mais, comme le Diable boiteux ou Gil Blas, elles donnent une image cruelle de la société française à la fin du règne de Louis XIV et sous la Régence. La portée satirique de ces œuvres est évidente, et lecteurs et spectateurs du temps ne balançaient pas à mettre des noms sous les portraits. Si la satire de mœurs est dans la tradition de La Bruyère, la satire religieuse, idéologique et littéraire est caractéristique de l'évolution des esprits à l'aube des Lumières. Lesage témoigne des mutations, des conditions et des consciences : les maîtres entretiennent avec leurs valets de louches fraternités, et ceux-ci, à la différence des valets de Molière, jouent leur partie contre les intérêts de leurs maîtres. Les gros financiers (les « partisans »), comme Turcaret, sont dénoncés comme responsables de la faillite publique et désignés à la vindicte publique. À la charnière de deux époques, Lesage a ainsi élaboré une œuvre nouvelle sur les ruines de la tradition classique dont il reprend les éléments les plus vivaces en les mêlant à des apports étrangers (surtout espagnols) et à un esprit moderne. Ainsi son œuvre est-elle partout marquée de l'esprit de la satire, celui de Swift, de Sterne ou de Diderot.

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