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LITTRÉ (Émile)

Publié le 23/01/2019

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LITTRÉ (Émile), médecin, philosophe, lexicographe et homme politique français (Paris 1801- id. 1881). Interne des hôpitaux, il abandonna la médecine pour l'étude du grec, du sanskrit et de l'arabe. Combattant des « Trois Glorieuses » en 1830, membre de la rédaction du National (auquel il collabora jusqu'en 1851), il fonda (1837) un nouveau journal médical (VExpérience), tout en entreprenant une traduction des Œuvres d'Hippocrate (1839-1861). Élu en 1838 à l'Académie des inscriptions, il fut chargé, après la mort de Fauriel (1844) de poursuivre l'Histoire littéraire de la France. Devenu cependant le disciple passionné d'Auguste Comte, qu'il n'abandonna (1852) que lorsque son système tourna au mysticisme, Littré fit rapidement figure de chef du positivisme (De la philosophie positive, 1845 ; Paroles de philosophie positive, 1859 ; Auguste Comte et la philosophie positive, 1863) dont il appliqua les principes à la linguistique en élaborant son fameux Dictionnaire de la langue française (1863-1873) et une Histoire de la langue française (1862). Il créa en 1867, avec Wyrouboff, la Revue de philosophie positive, dans laquelle il donna en 1870 un retentissant article sur les « Origines organiques de la morale ». Député de la Seine (1871), sénateur inamovible (1875), il fut au cœur de toutes les luttes pour la république et la liberté de pensée : son élection à l'Académie française en 1871 provoqua la démission de M«r Dupanloup. Auteur d'une étude sur la Poésie homérique et l'ancienne poésie française (1847), d'une traduction (1848) de 1'Histoire naturelle de Pline pour la collection des classiques de Nisard, éditeur (1857) des œuvres d'Armand Carrel, Littré n'a jamais cessé, au milieu de ses travaux lexicographiques, de penser à la littérature : il a bien des fois confessé (notamment dans la préface de son Dictionnaire} « son faible pour la langue de nos aïeux » ; il entraîne le lecteur « curieux de voir comment un mot a été employé d'âge en âge depuis l'origine de la langue » à travers « quelques vieux poèmes en langue d'oïl » ou les pages les plus célèbres des classiques, selon une démarche régressive : « toutes les fois qu'un mot d'aujourd'hui a un historique, c'est-à-dire n'a pas été formé et introduit depuis le dix-septième siècle, il est suivi d'un choix de textes qui en montrent l'emploi dans les siècles antérieurs » — ainsi « après avoir vu comment écrivent Corneille, Pascal, Bossuet, Voltaire, Montesquieu et nos contemporains, on pénètre en arrière et l'on voit comment ont écrit Montaigne, Amyot, Commynes et Froissait, Oresme et Machaut, Joinville, Jean de Meung, Guillaume de Lorris, Villehar-douin, le sire de Couci, le traducteur du livre des Psaumes, et Turold, l'auteur de la Chanson de Roland ». C'est cet extraordinaire voyage dans le temps et les textes que Littré mena de 1859 à 1872, travaillant jusqu'à dix-neuf heures par jour à Paris ou dans sa petite maison de Ménil-le-Roi (« Le plus souvent trois heures était le terme où je quittais plume et papier et remettais tout en ordre, non pas pour le lendemain, car le lendemain était déjà venu, mais pour la tâche suivante... C'est ainsi que je me levais à huit heures, heure de plusieurs paresseux », Comment j'ai fait mon dictionnaire de la langue française, conférence de mars 1880). Mais ces veilles, ajoute Littré, n'étaient pas sans dédommagement : il entendait monter dans le silence de la nuit et de son jardin le chant du rossignol ! Cet être anxieux, d'une humi

 

lité terrible, qui soignait gratuitement les pauvres et qui s'estimait toujours inférieur à la science qu'il faisait progresser, n'a pas volé sa canonisation de « saint laïque », malgré l'éloge aigre-doux que prononça Pasteur (et auquel Renan riposta avec ironie) en lui succédant à l'Académie française. Le poète Francis Ponge a voué à Littré (« un philosophe positiviste, mais merveilleux, sensible, un poète magnifique », le Grand Recueil, « Méthodes », 1971) une admiration qui ne s'est jamais démentie : il a trouvé dans son dictionnaire « un autre monde, celui des vocables, des mots, un monde aussi réel pour moi, aussi faisant partie du monde extérieur, du monde sensible, aussi physique pour moi que la nature, la physis elle-même » (Entretiens avec Philippe Sollers, 1970).

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